MANAMA. Des milliers de chiites ont enterré vendredi, dans un climat de tension et de colère, leurs morts tués dans la violente répression d'un rassemblement pro-réformes à Manama où des chars et véhicules blindés de l'armée ont pris place sur certains points stratégiques. Dans le même temps, les Etats-Unis ont appelé Bahreïn, un proche allié, à éviter le recours à la force contre les manifestants pacifiques. La procession avançait à Sitra, un village chiite de la banlieue est de Manama, deux véhicules sur lesquels reposaient les corps de Ali Khodeir, 53 ans, et de Mahmoud Mekki, 23 ans, enveloppés du drapeau national, tués dans le raid jeudi avant l'aube de la police contre un sit-in sur la place de la Perle. "Ni chiites, ni sunnites. Unité nationale" ou "Sunnites et Chiites sont frères", criaient les protestataires selon des témoins. Certains scandaient "Le peuple veut la chute du régime", ou "Les privilèges vont aux forces anti-émeutes et le peuple reçoit les balles", mots d'ordre de la contestation commencée lundi. Un troisième chiite tué a été inhumé à Sitra lors d'une autre procession et un quatrième dans un autre village chiite, selon un porte-parole du principal mouvement de l'opposition chiite, Matar Ibrahim Matar. Un hélicoptère du ministère de l'Intérieur a survolé la procession de Sitra mais aucune présence policière n'était visible. Selon l'opposition, quatre manifestants chiites ont été tués dans le raid contre des centaines de protestataires campant sur la place de la Perle pour revendiquer des réformes politiques. Les autorités ont fait état de trois morts. Au total, six personnes ont été tuées depuis lundi selon les opposants, cinq selon les autorités. Des chars et des véhicules blindés de l'armée, appelée la veille à la rescousse pour rétablir l'ordre, étaient stationnés sur certains points stratégiques à Manama, notamment autour de la place centrale. BENGHAZI. Des milliers de manifestants antigouvernementaux sont descendus dans les rues de Benghazi, la deuxième ville de Libye, aux premières heures de vendredi, au lendemain d'une "journée de colère" qui s'est soldée par des échauffourées meurtrières avec les forces de sécurité. Des militaires aussi étaient déployés vendredi matin dans Benghazi, où des milliers de personnes sont descendues dans la rue au cours de la nuit pour protester contre la répression meurtrière de manifestations antigouvernementales. La BBC-radio, citant un témoin, a déclaré que des manifestants hostiles au régime du colonel Kadhafi avaient affronté à Benghazi les forces de sécurité, qui ont fait usage de leurs armes à feu, et ajoute que des médecins ont dénombré dix tués. Dans une autre ville de l'est de la Libye, Al Baïda, où certaines sources avaient fait état à Reuters de cinq tués, les manifestants ont acheminé des tentes pour camper dans les rues, a rapporté la BBC. Au total, des affrontements ont éclaté dans plusieurs villes à l'occasion de la "journée de colère", inspirée par les mouvements de contestation tunisien et égyptien, qui ont fait tomber les présidents Zine ben Ali et Hosni Moubarak. Etant donné le contrôle étroit exercé sur les médias et les moyens de communication en Libye, il est difficile de se faire une idée précise des violences qui ont eu lieu jeudi et les jours précédents, mais des informations non corroborées ont fait état sur les réseaux sociaux d'internet de 50 morts. Les pires affrontements, jeudi, semblent avoir eu lieu en Cyrénaïque, dans l'est du pays, avec pour épicentre Benghazi, où la contestation du régime est historiquement plus marquée que dans d'autres régions du pays. Les liaisons téléphoniques avec Al Baïda, ville à 200 km de Benghazi, étaient coupées jeudi soir et les autorités empêchaient les journalistes de se rendre de Tripoli à Benghazi . Selon le journal libyen Kourina, le chef de la sécurité régionale a été relevé de ses fonctions en raison de la mort de manifestants à Al Baïda. Des partisans du régime Kadhafi étaient également dans les rues vendredi matin, dans la capitale Tripoli, selon la chaîne CNN. Les images diffusées par la télévision libyenne, "en direct", montraient des hommes scandant des slogans en faveur du colonel Kadhafi.