Les Saoudiens viennent-ils de sonner le glas du «printemps arabe»? Nul ne le sait encore, mais tel est bien leur intention, au moins dans le Golfe arabique. Le 14 mars 2011, en envoyant mille hommes - des soldats et des policiers - dans le petit royaume de Bahreïn pour y mâter la contestation, Riyad sonne la fin de la récréation chez son voisin bahreïni et peut-être au-delà. Voilà des semaines que les Saoudiens rêvaient d'intervenir sur la petite île d'où un pont les sépare, pour soutenir la monarchie contestée depuis un grand mois par la majorité chiite. En février, ils avaient dépêché quelques conseillers militaires, mais n'avaient pu aller au-delà. Ces derniers jours, les quelques ouvertures proposées par le roi et son fils, le prince héritier, Salman Ben Hamad Al-Khalifa, avaient fait craindre à Riyad que ne se mette en place une monarchie constitutionnelle aux portes du royaume. Impensable. La semaine passée, lors de la réunion du Conseil de coopération du Golfe (les pays de la péninsule arabique moins le Yémen), les Saoudiens étaient parvenus à forcer la main du roi Hamad Al-Khalifa, pour qu'il accepte l'aide de leurs troupes et celles des Emirats pour mâter la contestation. C'est fait. Le 16 mars au matin, les forces de l'ordre de Bahreïn sont intervenues et ont chassé manu militari les contestataires de la place de la Perle, au centre de Manama. Il y eut de nombreux blessés et un mort en dehors de la capitale. La contestation des Bahreïnis était, comme ailleurs, d'ordre social mais surtout politique. Dans ce petit Etat où les ressources pétrolières s'épuisent, 70% de la population est chiite. Elle est tenue à l'écart d'un pouvoir aux mains de la famille régnante sunnite, les Al-Khalifa. Ils sont arrivés de la péninsule arabique à la fin du XVIIIe siècle et règnent depuis lors sur l'archipel du Bahreïn. En 1999, l'arrivée au pouvoir du roi Hamad Al-Khalifa avait mis fin à dix ans de contestation et à l'ouverture d'un dialogue politique avec la majorité chiite. Un Parlement a été élu, mais, placé sous le contrôle d'un conseil nommé par le roi, il est jugé inopérant par les chiites. Sans compter que le Premier ministre, Khalifa Ben Salman Al-Khalifa, oncle du roi et titulaire de ce poste depuis 1971, est le chef de file des conservateurs. Proche des Saoudiens, il était, ces derniers temps, au sein de la famille royale, le partisan de la manière forte contre les opposants. C'était d'ailleurs son départ qui était la première des revendications exigées par les contestataires qui campaient sur la place de la Perle à Manama. Puis au fil des semaines, la répression brutale des manifestations avait poussé certains opposants à hausser le ton jugeant les ouvertures royales trop timides. Certains avaient même parlé de république. En intervenant militairement, les Saoudiens s'affirment ainsi comme les gardiens de la stabilité du Golfe. Ils donnent aussi une claque aux Etats-Unis alors que Bahreïn est le siège de la sixième flotte américaine dans le Golfe, avec mission de le protéger contre l'Iran. L'Arabie Saoudite signifie donc aux Américains qu'elle ne leur fait plus confiance pour ce travail. Une façon de leur signifier qu'elle ne leur a pas pardonné d'avoir lâché si rapidement leur allié, Hosni Moubarak, l'ex- président égyptien.