Dans une interview publiée aujourd'hui par Le Matin, Le nouveau patron de l'Istiqlal critique l'action gouvernementale du PJD et réaffirme l'attachement de son parti à « la stabilité » du royaume. Il revient aussi sur sa théorie du complot censée expliquer les soulèvements populaires en cours dans le monde arabe. Voici une nouvelle sortie médiatique qui ne manquera pas de faire du bruit : le nouvel homme fort de l'Istiqlal, Hamid Chabat, vient d'accorder une longue interview au journal Le Matin, quotidien proche du palais, dans laquelle il livre son analyse de la scène politique actuelle et de l'action du gouvernement de coalition mené par le PJD, auquel participe l'Istiqlal. « Nous participons à ce gouvernement avec la conviction que l'intérêt du pays est au-dessus de toute autre considération [...] Nous voulons participer à la réussite de cette expérience et répondre aux attentes du peuple », affirme-t-il au Matin. Après avoir évoqué à plusieurs reprises un possible remaniement ministériel, Hamid Chabat doit envoyer demain jeudi un mémorandum à Benkirane pour présenter la position de son parti: « Nous voulons une majorité cohérente qui prend ses décisions de manière collégiale et non unilatérale [...] la solidarité gouvernementale est devenue une nécessité ». Le secrétaire général de l'Istiqlal critique notamment la gestion par le PJD du dossier de la caisse de compensation, pourtant mis de côté par la koutla dans les gouvernements précédents. Selon lui, ce dossier « ne peut pas être traité par un seul ministère qui prétend avoir toutes les solutions ». Le patron de l'Istiqlal estime en outre que cette question de la compensation « relève également de l'INDH ». L'Istiqlal, champion de l'action ? Hamid Chabat justifie le maintien de la présence de l'Istiqlal au gouvernement par la nécessité de « trouver des solutions pour faire face aux adversités et à la crise ». Il lance à cette occasion une pique à Benkirane et ses fameux crocodiles, présentant même son parti comme un acteur majeur de la contestation populaire ayant amené la victoire du PJD aux dernières élections législatives : « Nous n'avons pas le droit de dire que nous ne savions pas, ou que nous rencontrons des contraintes. Nous voulons travailler et cesser de parler. Nous avons suffisamment crié, nous sommes descendus dans les rues, nous avons brandi des banderoles. Il est temps de passer à l'acte. Nous voulons garder la confiance que les électeurs ont donnée à ce gouvernement ». Il prévient par ailleurs que malgré les élections et les réformes politiques, « nous n'avons pas dépassé la zone du danger ». Concernant la participation des ministres istiqaliens à l'actuel gouvernement, Chabat explique que ces derniers, jusqu'à la tenue du congrès en septembre dernier, « n'avaient pas le parapluie politique qui devait leur permettre de faire face aux décisions impopulaires du gouvernement ». Il ajoute qu'aujourd'hui « la direction [de l'Istiqlal] est là et leur demande des comptes ». La « stabilité » avant tout Interrogé sur la koutla en cas de remaniement, Hamid Chabat affirme que l'Istiqlal et l'USFP débuteront « les prises de langue » avant de se tourner vers d'autres formations. Il rappelle ensuite le rôle historique « de soupape de sécurité du pays » joué par son parti. « Même lorsqu'il était dans l'opposition, il a toujours respecté les institutions et ne compte pas changer sa position à cet égard. Mais lorsqu'on voit qu'une partie a dépassé les lignes rouges et risque de porter préjudice aux autres, l'on agit de manière préventive ». Fin des années de plomb...en 1975 ? Chose surprenante, Chabat, dans son rapide découpage de l'histoire du Maroc indépendant, fait terminer les années de plomb dès 1975 (et explique plus loin dans l'interview que l'Istiqlal a participé au gouvernement Osman II de 1977 « pour notre intégrité territoriale »). Selon lui, c'est donc en 1975 qu'Hassan II a initié la période d'ouverture qui sera plus tard « consolidée » par Mohammed VI. Quant aux événements du printemps arabe, Hamid Chabat revient avec sa théorie du complot : « Il faut savoir que ce qui est arrivé dans les pays arabes fait partie, pour moi, d'un plan international pour le changement du monde. Car chaque centenaire apporte son lot de changements [...] Aujourd'hui, le colonialisme prend forme à travers la propagation des idées et la déstabilisation des pays arabes. Ceci est le résultat de la crise dont pâtit le monde moderne, plus particulièrement la crise qui a frappé l'Europe en 2008 et 2009. C'est ainsi que les événements du Printemps arabe ont démarré dans notre région. C'était pour détourner l'attention de la crise que vivaient les pays européens comme l'Espagne, le Portugal, la France...Mais aussi pour contrôler les richesses arabes... Seulement voilà, les révolutions arabes, où se sont investis les jeunes, sont récupérées par certaines entités, notamment les salafistes et des personnalités qui étaient à l'étranger, à Londres, Paris, Washington, Berlin... De là on constate que le Maroc est resté loin de ces agissements grâce à son multipartisme. Notre force est justement dans notre particularité » Financement des partis Hamid Chabat affirme que les monarchies « jouissent de la stabilité, contrairement aux soi-disant républiques ou aux systèmes qui prétendent être progressistes. Le régime dans notre pays a une légitimité historique ». Quant aux formations politiques marocaines, Chabat estime qu'elle ont elles-aussi une « légalité » mais qu'il faudrait « une charte politique réunissant les partis patriotiques »... Le patron de l'Istiqlal demande d'ailleurs une révision de la loi sur les partis pour régler le problème du financement, estimant que « le soutien [financier] de l'Etat reste insuffisant ».