"Franciser les Européens"du Maroc, mais aussi garder les postes de direction pour les "vrais Français", tel était, au départ, l'objectif des écoles françaises. Quant aux Marocains, le Traité de Fès avait prévu que le Protectorat engage des "réformes scolaires" pour les Musulmans. Lyautey entendait associer "l'élite marocaine à la rénovation du Makhzen". L'école s'intégrait dans ce projet politique. À partir de 1920, il élabore un système d'enseignement pour les Musulmans. La rénovation des écoles musulmanes traditionnelles étant trop complexe, il crée de nouveaux établissements pour les enfants de l'élite marocaine : les écoles de fils de notables et les deux grands collèges musulmans de Fès et de Rabat, Moulay Idriss et Moulay Youssef (créées depuis 1916). Cette élite devait servir de "trait d'union entre la masse indigène et les Français". Elle devait seconder les Français en encadrant politiquement et administrativement, le «Maroc utile». Mais il était hors de question de permettre à ces jeunes Marocains de l'élite de s'engager dans la voie du baccalauréat. Cela risquait de les conduire à des études supérieures en France. Et ils ne devaient, en aucun cas, concurrencer les hauts fonctionnaires et cadres français du Protectorat. Ceci explique bien pourquoi les collèges musulmans, dont le Collège berbère d'Azrou, ne préparaient ni au certificat d'études ni au baccalauréat, mais au certificat d'études musulmanes (premier cycle) et au diplôme d'études musulmanes (second cycle). Très vite, les autorités du Protectorat constatent que la politique des grands caïds est déficiente. Une stratégie de formation de futurs cadres parfaitement francophones, mais issus des régions berbères, est donc lancée. L'objectif des Français était aussi de faire face à l'éventuel impact politique et intellectuel des deux collèges nationalistes (plutôt arabophones) de Moulay Driss, à Fès, et de Moulay Youssef, à Rabat. Ils monopolisaient l'enseignement au Maroc et les berbères n'en profitaient guère. L'histoire montrera que ces deux établissements étaient des pépinières de "nationalistes" exerçant une certaine influence sur les collégiens berbères. Sources: "Le collège d'Azrou- La formation d'une élite berbère civile et militaire au Maroc" Mohamed Benhlal.