Moulay AbdaLah Alaoui, président de la fédération de l'Energie Sans langue de bois, Moulay Abdallah Alaoui décrypte les problèmes qui ralentissent le développement du secteur. De la fausse libéralisation à l'augmentation de la demande à anticiper en passant par le nœud de la compensation, il ne laisse rien au hasard. Pour lui, l'Etat doit desserrer l'étau des marges et penser à un plan de financement pour assurer la rentabilité des entreprises. LGM : L'énergie est prise entre une libéralisation tatillonne et une réglementation rigide. Comment analysez-vous ce contexte ? M. A. A. : Le secteur de la distribution de pétrole et du gaz est encore administré. Pour l'heure, l'ouverture engagée par l'Etat ne se limite que dans les domaines qui l'arrangent. Ainsi, depuis les années 1990, avec la privatisation de la Samir et de la SCP, il concède au privé le monopole du raffinage. De même, l'ensemble de la chaîne de distribution est depuis longtemps entre les mains du privé. Mais, cette ouverture ne signifie en rien une libéralisation. L'Etat ne se soucie guère des contraintes économiques des acteurs en présence. En effet, l'encadrement concerne jusqu'à la petite variable quantifiable. Les prix des reprises, ceux de la vente aux sociétés de distribution, ceux de gros et ceux de détails sont déterminés par le ministère de l'Energie et des Mines. Pour avoir une idée de jusqu'à où l'Etat peut aller, il faut savoir que même les prix du capsulage des bouteilles est déterminé pour le butane. Ainsi, il est de 20 dirhams la tonne pour les charges de butane supérieures à 5 kilos et de 50 dirhams pour celles inférieures à 5 kilos. Concernant les arriérés de la Caisse de compensation, le Trésor a initié des remboursements mensuels à raison d'un milliard de dirhams par mois depuis novembre. Mais le problème risque encore de se poser. Quelle solution adopter ? Aujourd'hui, il est devenu nécessaire de penser à une solution définitive. D'abord, il appartient aux départements ministériels concernés et à la Primature d'initier une démarche pédagogique pour sensibiliser les populations quant au poids du subside distribué à la consommation du gaz et du pétrole. Il faut également proposer de faire le choix entre la subvention et l'investissement dans un débat entre les élus, la société civile et les consommateurs. Mais, aujourd'hui, le plus gros problème concerne le butane qui absorbe une part importante de la subvention, alors que son prix n'a pas varié de plus de 5 dirhams. Il ne fait aucun doute que les prix actuels du gaz sont très certainement inférieurs à ceux pratiqués par les autres pays du pourtour méditerranéen. De sorte que "même les Espagnols des zones occupées de Sebta et Melilla sont tentés de s'approvisionner à Nador et Tétouan". Les agriculteurs également abandonnent petit à petit le gazole au profit du gaz pour l'arrosage. Enfin, pour les chauffe-eau, le gaz prend la place de l'électricité dans les ménages. De toute évidence, c'est ce qui explique que la consommation de gaz se soit accrue au rythme annuel de 7%, alors que dans les années 1990, le taux de croissance ne dépassait pas 3%. C'est dire que le butane est détourné de son usage initial à d'autres fins et que la subvention profite à d'autres utilisateurs. La Samir est aujourd'hui l'unique raffineur. Pourtant, les distributeurs voudraient que l'on accélère la cadence de la suppression des droits de douane. Où en êtes-vous ? Même après sa mise à niveau, la Samir ne pourra pas faire face à toute la demande qui devrait doubler à l'horizon 2015. il faut dire que le Maroc est l'un des rares pays à connaître le plein emploi pour ses unités de raffinage lesquels tournent pratiquement 365 jours dans l'année. D'ici 2012, il faudra importer quelque 4 millions de tonnes de pétrole supplémentaires et 8 millions de tonnes de produits raffinés. De toute évidence, les distributeurs devront investir dans des dispositifs de stockage dans les ports pour multiplier les points d'ouverture. Ceci d'autant que les seuls ports pétroliers de Mohammedia ne seront plus à même de satisfaire la demande. Par exemple, lors des incendies de 2003, à la raffinerie de Mohammedia, en l'absence de Jorf Lasfar, le Maroc courrait le premier risque de pénurie de son histoire. Il faut rendre hommage aux opérateurs privés qui ont su s'organiser. Cependant, pour les stockages importants que rendra nécessaire la progression de la demande, il appartient à l'Etat de prévoir une marge spéciale pour financer les marmites. En effet, les opérateurs privés se substitueront encore aux pouvoirs publics, ce qui sera difficile sans rémunération conséquente. Des marges fixes depuis 1997 l se pose un problème majeur, dans la mesure où les marges n'ont pas progressé depuis 1997. Alors que l'inflation n'a jamais été aussi forte pour un autre secteur que pour celui des hydrocarbures. Le baril du pétrole a triplé en moins de trois ans, passant de 20 dollars à 60 dollars aujourd'hui. Nous avons ainsi proposé aux pouvoirs publics de dépoussiérer l'arsenal juridique. Les actions à mener devront apporter une réponse à la question de savoir comment réduire l'impact de l'inéluctable libéralisation des prix pour le panier de la ménagère. Mais, en tout état de cause, il est urgent de créer un cadre qui stimule l'investissement afin de satisfaire à la demande croissante d'énergie. Il me semble évident que le ministère des Finances doit renoncer à la Taxe intérieure à la consommation (TIC) devenue antiéconomique et obsolète. De même, les pouvoirs publics devront penser à la rémunération du stockage qu'induira la progression de ladite demande. Enfin, les marges doivent être revues à la hausse dans le but de garantir au secteur la rentabilité que requièrent les capitaux investis.