Opérations électorales Les élections sont un enjeu politique majeur. Leur déroulement au Maroc, n'a jamais obéi à des critères précis. En perspective des prochaines élections, pour la première fois se pose l'impératif du respect des délais constitutionnels. L'organisation des opérations électorales dans leurs délais constitutionnels est devenue réellement un pari. D'autant plus que nombreux sont les cercles, considérés comme hostiles au changement, qui guettent la moindre occasion pour revendiquer leur report. Comment faudrait-il alors se comporter à l'égard de cette revendication foncièrement politique ? Pourquoi faudrait-il que les élections se déroulent dans leurs délais ? La revendication du report Certains partis politiques marocains ont clairement revendiqué le report des élections. C'est le cas notamment du parti de l'avant-garde socialiste et démocratique. D'autres forces ont également adopté la même position, sans toutefois l'exprimer clairement. Elles concentrent, pour cela, leur discours sur la nécessité de réformer la Constitution. Dans ce cadre, on peut considérer que les forces qui appellent au boycott des élections, revendiquent logiquement leur report en attendant que les pouvoirs publics satisfassent leurs doléances. Il s'agit entre autres des mouvements amazighs et de quelques composantes de la gauche radicale. Grosso modo, les forces qui veulent reporter les élections avancent, par conviction politique, des revendications qui se rapportent à la révision de la Constitution dans l'optique du renforcement des libertés individuelles et collectives, de l'élargissement de la démocratisation des institutions et plus particulièrement à l'existence de garanties juridiques et politiques pour le bon déroulement des élections. Mais puisque le cercle des adeptes du report n'est pas clairement défini, tout porte à penser que les associations de défense des droits de l'Homme et certaines forces politiques qui ont constitué dernièrement le “ mouvement pour une constitution démocratique ”, sont dans ce lot. A première vue, la revendication du report paraît justifiée, car les élections ne sont pas une fin en soi, autant qu'elles constituent un moyen pour la consécration des choix démocratiques. Or, la démocratie serait vidée de son sens, si elle ne s'articulait pas sur une constitution réellement démocratique qui garantit la séparation des pouvoirs, l'indépendance de la justice et l'alternance. Les tenants de cette position avancent que les prochaines élections qui doivent se dérouler sous l'ère nouvelle ne peuvent être encadrées par une constitution qui a été élaborée dans une conjoncture empreinte d'autres calculs politiques. Pour eux, le nouveau règne doit gagner d'abord le pari de la démocratie avant de gagner celui des élections libres. C'est pourquoi, le prélude à tout changement passe par l'organisation d'un référendum constitutionnel qui puisse consacrer les révisions nécessaires. Les prévisions du report Certaines personnalités et forces prédisent le report des élections à partir de l'analyse de trois angles. Premièrement, cette position a un lien direct avec l'affaire de l'intégrité territoriale du Maroc. Or, le dossier du Sahara a toujours été exploité pour justifier le report qu'ont connu les différentes élections. Et à présent, la situation n'a pas vraiment changé, surtout qu'à la fin du mois de juillet, le Conseil de sécurité de l'ONU est appelé à trancher dans les options proposées par le représentant spécial du Secrétaire général de l'ONU James Baker. Le deuxième angle a trait à la question constitutionnelle. Mais dans ce volet, il y a une différence notable entre ceux qui revendiquent le report et ceux qui le prédisent uniquement. Les premiers demandent une démocratisation poussée de la Constitution, alors que les seconds prévoient un référendum pour sa mise à niveau et son adaptation aux nouvelles réalités et notamment pour supprimer le Haut Conseil de l'éducation, pour redéfinir les rapports entre les deux Chambres du Parlement et pour constitutionnaliser la donne de la régionalisation. Le troisième angle se rapporte à la lenteur qui a caractérisé la préparation du processus électoral. C'est pourquoi, un éventuel report serait dû essentiellement à des considérations techniques. Le respect des délais Depuis plus d'une année et alors que des rumeurs sur l'éventualité du report des élections se sont répandues, Sa Majesté le Roi a tenu à couper court à toute ambiguïté en annonçant, dans un entretien avec Asharq Al Awsat, que les délais constitutionnels seront respectés. Le Souverain devait par la suite réitérer cet engagement lors du discours du Trône et dans son allocution prononcée lors de l'ouverture de la session parlementaire d'octobre 2001. Cet engagement Royal a poussé les intervenants politiques à inaugurer tout un processus de négociations qui a débouché sur un consensus autour de la loi organique pour l'élection de la Chambre des représentants qui a été adoptée initialement par le Parlement avant d'être rejetée par le Conseil constitutionnel. Certains ont vu dans la décision de ce Conseil une autre raison qui renforce la tendance au report. Mais les pouvoirs publics ont clairement exprimé l'engagement du gouvernement à respecter le délai du 27 septembre ou du 5 octobre 2002. Cet engagement s'est exprimé avec force lors des travaux du Conseil du gouvernement tenu le 2 juillet dernier et qui a adopté une copie révisée de la loi organique et qui l'a soumise au Conseil des ministres du 4 juillet. Justifier l'engagement Toute l'histoire des élections au Maroc est jalonnée de reports. Il faut rappeler que le parlement issu des élections de 1977 devait être renouvelé en 1981. Mais sa législature a été rallongée de deux ans. Et même après ce délai, les élections ont été retardées d'une année pour ne voir le Parlement se constituer qu'en 1984. Ce dernier qui devait être renouvelé en 1990 s'est vu rallongé de deux années supplémentaires et les élections ne se sont déroulées qu'en 1993. Et il ne faut pas oublier que le Parlement de 1997 est issu d'élections anticipées. Ceux qui considèrent que les prochaines élections constituent une “ bataille ” politique qu'il faut gagner se réfèrent à la position selon laquelle le Maroc doit absolument tourner la page du passé, notamment en respectant les délais constitutionnels. Dans ce cadre, ils soulignent qu'un Etat de droit ne peut être tel que s'il respecte scrupuleusement les dispositions de la Constitution. Pour eux, tout appel au report ne prend aucunement en considération les rapports de force existants, surtout que la Constitution de 1996 n'a pas épuisé toutes ses qualités. C'est pour cela, comme le dit Mohamed Elyazghi : “ il ne s'agit pas de réviser la Constitution, mais de dynamiser ses dispositions ”. Par conséquent, le problème ne réside pas dans la Constitution, en elle même, mais dans l'application par les milieux politiques, pouvoir exécutif, législatif et judiciaire, des dispositions de la loi fondamentale. Il y a également une autre raison qui plaide pour le respect des délais constitutionnels. C'est que les prochaines élections ne contribueront pas à instaurer une démocratie complète. Ceci est un objectif stratégique. Mais, l'objectif immédiat est de réconcilier l'Etat, ses institutions et les citoyens, dans ce sens que le pouvoir est tenu de respecter la volonté populaire, le libre choix des Marocains même dans un contexte constitutionnel qui n'est pas idéal. C'est pourquoi, nous comprenons parfaitement la position de Abderrahman Youssoufi qui insiste sur le fait que le pari du gouvernement est de piloter, pour la première fois au Maroc, des élections libres et transparentes. Insister sur le respect des délais constitutionnels se justifie par cette volonté d'émancipation psychologique et politique qu'expriment les partis de la Koutla depuis qu'ils ont dénoncé les élections de 1997. Bien entendu, chaque composante de la Koutla a ses propres calculs, mais pour l'Istiqlal, par exemple, il s'agit avant tout de laver l'affront des résultats de 1997 qui ont tenté de réduire son influence et sa place sur l'échiquier. Pour sa part, l'USFP aspire à renforcer ses positions pour piloter une majorité constituée non plus sur la base d'une alternance octroyée, mais à partir des résultats des urnes. A première vue, la revendication du report paraît justifiée, car les élections ne sont pas une fin en soi, autant qu'elles constituent un moyen pour la consécration des choix démocratiques. Or, la démocratie serait vidée de son sens, si elle ne s'articulait pas sur une constitution réellement démocratique qui garantit la séparation des pouvoirs, l'indépendance de la justice et l'alternance. Les tenants de cette position avancent que les prochaines élections qui doivent se dérouler sous l'ère nouvelle ne peuvent être encadrées par une constitution qui a été élaborée dans une conjoncture empreinte d'autres calculs politiques.