En perspective des élections législatives A l'approche des échéances électorales de septembre 2002, les spéculations au sujet d'éventuelles coordinations entre certains partis politiques vont bon train. D'autres analyses vont plus loin en présentant des ébauches d'alliances préélectorales. Les revendications portant sur la nécessité pour les partis de conclure des alliances sont choses courantes au Maroc. Mais dans la plupart des cas, tous les projets de cette nature demeurent lettre morte. En effet, les cadres de coordination entre les partis demeurent incapables de conjuguer, dans la réalité, les convictions politiques des uns et des autres. C'est pourquoi et à l'approche des prochaines élections, la question récurrente reste posée : y aura-t-il des alliances préélectorales ? Répondre à cette question incite à analyser l'état des lieux, c'est-à-dire revenir sur les cadres déjà existants et scruter de nouveaux cadres de coordination. Les cadres existants Il y a, à présent, deux blocs bien distincts qui sont “ la Koutla démocratique ” et “ le Wifaq ”. Le premier bloc rassemble quatre partis : l'Union socialiste des forces populaires, l'Istiqlal, le Parti du progrès et du socialisme, l'Organisation de l'action démocratique et populaire. Néanmoins, ce bloc relève de l'ère ancienne. C'est pourquoi et pour gérer l'étape du futur, il devient nécessaire de créer un autre cadre de coordination. D'autant plus que la Koutla est pratiquement gelée depuis plusieurs mois, ce qui a conduit à une polémique ouverte entre ses composantes. Pire que cela, les positions des partis de la Koutla commencent à diverger sérieusement, notamment à propos de l'appréciation de l'actuelle étape et à propos des solutions à apporter à la crise. Cette situation a incité, logiquement, certaines composantes de la Koutla à chercher d'autres cadres de coordination, à l'instar du PPS qui a conclu l'alliance socialiste avec le PSD ou la création de la gauche socialiste unie initiée par l'OADP et d'autres groupes de la gauche radicale. En ce qui concerne le Wifaq, ce groupement est composé de trois partis en l'occurrence : l'Union constitutionnelle, le Mouvement populaire et le Parti national démocrate. Ce bloc fait partie également de l'ancien système et n'a jamais pu évoluer vers une alliance réelle. L'évolution du champ politique devra nécessairement aboutir à la mise en place d'une autre formule. Dans ce sens, il n'est pas exclu que l'Union constitutionnelle pilote un pôle libéral ou que le Mouvement populaire constitue un autre pôle de la famille harakie. Les cadres potentiels Il existe sur la scène d'autres cadres de coordination qui pourraient servir de pôles potentiels. Il s'agit en premier lieu de l'Alliance socialiste et de la Gauche socialiste unie. En ce qui concerne l'Alliance socialiste scellée entre le PPS et le PSD, cette initiative, à notre sens, n'est pas appelée à aller loin , du fait que des entraves majeures se sont dressées devant elle depuis le début. En effet, cette alliance devait initialement transcender les blocages de la Koutla en espérant un pilotage de l'USFP dans une perspective de dénouer les liens avec l'Istiqlal. Mais les tergiversations sinon le refus de l'USFP d'adhérer à cette initiative a vidé l'alliance de son contenu. Ainsi, l'un des objectifs majeurs de l'alliance qui est celui de présenter des candidatures communes avec l'USFP ne pouvait être mis en route. Pour ce qui est de la coordination du MP et du MNP, née le 7 juillet courant, celle-ci a pour objectif de sceller l'union après les élections. C'est pour cela que les leaders des deux formations ont préféré surseoir à la présentation de listes communes, mais en revanche, ils comptent former un groupe parlementaire commun après septembre 2002. Du côté de la Gauche socialiste, en tant que nouvelle formation politique issue de la fusion de l'OADP, du Mouvement pour la démocratie, des Démocrates indépendants et du groupe d'Al Maïdane, l'initiative va au delà des calculs politiques actuels. C'est une alliance qui répond à des considérations subjectives propres à l'OADP laminée par une multitude de scissions qui l'ont secouée soit avec la création du PSD ou encore avec le départ du groupe de Mohamed Lemrini qui a rejoint l'USFP. L'USFP et l'Istiqlal : une équation à double inconnue Certains analystes sont vite allés en besogne en parlant d'un éventuel rapprochement électoral entre le RNI et l'USFP. D'autres parlent d'une éventuelle alliance entre l'Istiqlal et le PJD. Toutes ces approches, à notre avis, se basent sur l'hypothèse de la mort certaine de la Koutla. Dans ce cas, il est légitime, pour les uns comme pour les autres, d'essayer de sceller d'autres alliances pour sauvegarder les équilibres politiques. Ces approches ne sont pas dénuées de tout sens, puisque les écarts idéologiques entre les uns et les autres sont insignifiants. Cependant, ce genre d'alliance n'est pas acquis. En effet, tout porte à croire que les alliances se feront après les élections de septembre. Mais pourquoi donc les analystes insistent-ils sur un éventuel rapprochement entre l'USFP et le RNI ? A notre avis, en se basant sur une lecture simpliste des événements, tout analyste peut être conduit à faire les conclusions suivantes : tout d'abord, l'USFP a, depuis le début, essayé de ne plus être prisonnier de la Koutla. Pour cela, il a ratissé large en incorporant dans son action la dimension de la majorité gouvernementale. C'est pour cette raison d'ailleurs qu'il a préféré appuyer la candidature de Mostafa Okacha à la présidence de la Chambre des conseillers au lieu d'appuyer celle du parti de l'Istiqlal. Par conséquent, une alliance entre ces deux partis repose sur des considérations objectives. D'un autre côté, tout ce qui circule autour d'un éventuel rapprochement entre l'Istiqlal et le PJD ne prend en considération que le seul élément du référentiel islamique. Or, tout le monde sait que le référentiel islamique de l'Istiqlal est bien antérieur à celui des camarades du Dr. Khatib. Ce n'est donc pas une tentative de séduction de l'électorat du PJD, autant que c'est une action istiqlalienne de mobiliser tout l'électorat d'obédience islamique. Y aura-t-il des alliances préélectorales ? Plusieurs raisons objectives plaident pour le rejet des alliances préélectorales. Tout d'abord, il y a le nouveau mode de scrutin de liste à la proportionnelle qui permet aux petits partis de remporter quelques sièges parlementaires et d'être représentés. La deuxième raison réside dans le fait que plusieurs formations de la majorité commencent à renier leurs engagements. En effet, ces partis ont exprimé leurs distances vis-à-vis du bilan du gouvernement de l'alternance consensuelle. Ainsi a-t-on vu l'OADP pratiquer une politique d'opposition à peine voilée. Il en est de même du parti de l'Istiqlal qui n'a pas cessé de lancer des flèches empoisonnées à l'adresse de l'USFP. Et vice-versa. D'ailleurs, après les escarmouches par presse interposée, l'Istiqlal et l'USFP ne semblent pas prêts à enterrer la hache de guerre pendant les prochaines élections. Même le RNI a pris ses distances vis-à-vis de l'USFP. La récente déclaration de Osman à ce sujet illustre bien la position du RNI qui tient à faire porter toute la responsabilité de l'échec du gouvernement à Youssoufi. Et bien avant le RNI, le Mouvement national populaire de Aherdane s'était illustré par des prises de position hostiles à la manière dont sont gérées les affaires du pays. La troisième raison réside dans le fait qu'il n'y a plus d'écarts tangibles entre la majorité et l'opposition puisque le rapprochement haraki se fait entre un parti dans la majorité et un autre parti dans l'opposition. Même ceux qui avancent l'idée d'un rapprochement entre le PJD et l'Istiqlal entérinent, de fait, l'alliance entre une composante de la majorité et une formation de l'opposition. Toutefois, ces trois raisons n'empêchent pas d'élaborer des programmes électoraux communs. Mais en tout état de cause, les candidatures communes ne seront pas à l'ordre du jour. Tout au moins assistera-t-on à des ébauches de coordination appelées à se concrétiser ultérieurement pour gérer la situation qui prévaudra après les élections législatives de septembre.