L'Afrique face à ses ratages Avant même de jeter ses bases, l'UA acommis une erreur fatale qui aura certainement des répercussions très négatives dans le court terme. Désigner le chef des séparatistes, Mohamed Abdelaziz, parmi les trois représentants nord-africains au sein du futur “Conseil de paix et de sécurité de l'UA” sans consulter les pays arabes africains, constitue non seulement une provocation, mais plutôt une insulte. Ce début raté du festival africain montre que le sommet de Durban n'a pas réussi à enterrer l'OUA ni ses mauvaises pratiques. De ce fait, les observateurs affirment que ce nouveau-né n'ira pas très loin. A la veille du sommet auquel ont participé trente sur les quarante chefs d'Etat attendus, le président sud-africain, Thabo Mbeki - qui a pris quelques jours plus tard la tête de l'UA - a tenu à rassurer Libyens et Egyptiens, que les conflits seront mis de côté ; et que les responsables présents éviteront les erreurs du passé afin de garantir un démarrage sain de la nouvelle formule africaine. “Nous resterons fermes sur le principe adopté en 1999 à Alger”, et d'ajouter : “Cela dit, l'UA ne reconnaîtra pas un pouvoir non constitutionnel” ; faisant ainsi comprendre à son interlocuteur égyptien, Ahmed Maher, ministre des Affaires étrangères, qu'il s'agit là avant tout de la RASD. Entité considérée par le Caire comme fictive et une bombe à retardement dans la région du Maghreb arabe. L'UA, qui selon ses “artisans”, se veut plus pragmatique, plus concrète, plus soudée et surtout plus contraignante, a nettement démontré, notamment à travers le coup monté avec l'Algérie, qu'elle n'avait rien de toutes ces vertus. Ce qui a poussé, le président sénégalais, Abdoulaye Wade, à se révolter. “ Cette affaire du Polisario et de la RASD, il faut qu'on en termine. Nous ne pouvons pas continuer à traîner cette histoire indéfiniment. Moi, je soutiens la solution onusienne, et d'abord, je soutiens le Maroc, et il faut que ce soit clair. ”. Ni queue ni tête En dépit des apparences, et de ses sorties “ triomphalistes ” aussi bien aux côtés de Nelson Mandela que d'autres chefs d'Etat africains, alliés de la Jamahiriya, le leader libyen, Moammar Kadhafi, n'a pas caché sa déception de voir le patron des séparatistes, Abdelaziz, s'exprimer au nom des pays nord africains. S'il a préféré garder son calme et se contrôler, les adjoints de son ministre des Affaires africaines, Ali Abdeslam Triki, ont été plus bavards et plus percutants.Dans leurs différentes rencontres avec leurs homologues en marge du sommet, ils ont vivement critiqué la méthode utilisée par les Algériens ; plus particulièrement depuis, quelques mois, pour convaincre certains pays africains de jouer le jeu, en poussant la RASD au devant de la scène. Triki faisait allusion aux aides supplémentaires accordées à ces pays, aussi bien sous forme d'hydrocarbures, et d'agroalimentaire qu'en numéraire pour les plus pauvres, afin de régler les salaires de leurs fonctionnaires en retard depuis plusieurs mois. Le responsable libyen a même indiqué que personne ne s'attendait à ce que la pression algérienne arrive à imposer Abdelaziz comme le porte-parole des Arabes africains. De son côté, Zouheir Allaoui, l'ambassadeur tunisien auprès de l'Ethiopie, également son représentant auprès de l'OUA, a parlé en privé d'un coup monté contre le Maroc, sans pour autant accuser la partie responsable. Il s'est contenté de déclarer : “ Il n' y avait eu aucune concertation préalable concernant le pays qui sera chargé de prononcer un discours au nom de l'Afrique du Nord ”. Il conclut : “ c'est pour cette raison que nous nous sommes retirés avec la délégation égyptienne ”. Une réaction considérée comme une réponse diplomatique pour éviter de raviver des tensions déjà existantes avec Alger depuis l'échec du sommet de l'UMA. Par ailleurs, les Egyptiens estiment que le rôle accordé à Abdelaziz est une honte. Dans ce contexte, Ahmed Maher a fait savoir à tous ceux qui l'ont rencontré pour essayer de justifier ce qui s'est passé et tenter d'atténuer l'ampleur de sa réaction qui s'est soldée par son retrait avec sa délégation de la séance d'ouverture, “ que les choses ne s'arrêteront pas là ; et que les pays arabes africains n'accepteront jamais qu'ils soient représentés par des milices ”. Les analystes politiques sont quasi certains que le nouveau président de l'UA, Thabo Mbeki, n'est pas la personne apte à absorber le mécontentement de l'Egypte et de la Tunisie, moins encore de convaincre le Maroc et beaucoup de chefs d'Etat africain de sa bonne foi. La déclaration d' Abdelaziz, suite à sa rencontre avec le président sud-africain selon laquelle il s'est permis de dire que l'UA soutient les initiatives à résoudre la crise du Sahara, a été qualifiée d'arrogante. Encore plus, ses propos à travers lesquels il a insisté sur le fait que “ le président Mbeki et moi-même, sommes tombés d'accord pour que l'UA et l'ONU doivent accélérer leurs efforts pour une solution au Sahara ; et que nous avons souligné que le référendum sur le territoire doit être organisé dès que possible ”. N'ayant pas été infirmés par Mbeki, cela prouve que ce dernier était en parfait accord avec Abdelaziz sur leur contenu. Intérêts et adolescence politique Bien qu'il ait soulevé plusieurs interrogations à la veille du sommet concernant la modification de certains articles du pacte de l'UA (tels que la création d'un seul Etat avec une armée unifiée), le colonel Kadhafi a fini par faire marche arrière selon les conseils de Mbeki. Ce dernier lui a demandé, selon des sources égyptiennes, de faciliter sa tâche pour que ce nouvel organe panafricain puisse voir le jour à Durban. Surtout qu'il y a de nombreux chefs d'Etat qui sont contre ; d'autant plus qu'ils étaient toujours contre les idées présentées par le Guide libyen qui se propose comme le nouveau sage de l'Afrique. De plus, force est de signaler que Kadhafi n'est pas prêt du tout à voir ses relations se détériorer avec Johannesburg. Cette dernière est depuis plus de trois ans le principal fournisseur d'armes et d'appareils technologiques en plus de l'ouverture de ses secteurs à l'investissement libyen. Ne pas réagir sur le champ, lorsque Abdelaziz a parlé aux noms des Nords-africains et qu'il a été par la suite élu parmi ses trois représentants au sein du futur “ Conseil de paix et de sécurité de l'UA ”, est donc une position normale de la part de Tripoli, vu le volume de ses intérêts avec l'Afrique du Sud. “ Nous ne sommes pas complices ”, rétorquent les membres de la délégation libyenne. Ces derniers se rendent compte que le parcours de Mbeki ainsi que du secrétaire général de l'UA, l'Ivoirien , Essy Amara, ne sera pas une promenade de santé. Car le début a commencé par un faux pas. De toute manière, nombreux sont les analystes qui considèrent que cette nouvelle expérience était une étape d' “ adolescence politique ” exercée par le tiers monde qui ne veut, en aucun cas, reconnaître les réalités du monde moderne. Preuve en est, le grand retour en arrière avec la tentative de jouer la carte des séparatistes. Par ailleurs, les problèmes ont commencé avant même la clôture de ce sommet. Le nouveau-né est d'ores et déjà confronté au casse-tête concernant le lieu du siège de l'UA. Les uns veulent qu'il reste à Addis Abeba, le siège de l'OUA ; alors que d'autres estiment qu'il devrait être transféré en Afrique du Sud dont les réalisations en matière de développement économique et technologique ont dépassé celles de tous les pays africains ; d'autant plus que ce pays a vu naître sur son territoire l'UA. La troisième orientation est celle de ceux qui représentent les ambitions du colonel Kadhafi. Ces derniers, certes minoritaires, veulent que le nouveau siège soit à Tripoli, car soi-disant, il est le seul pays capable de financer le projet. Une suggestion qui trouve une forte résistance de la part de la majorité des chefs d'Etat africains. Ceux-ci prennent toujours en compte la division du continent noir faite par les dirigeants à l'époque coloniale. C'est-à-dire, l'Afrique du nord du Sahara et l'Afrique du sud du Sahara. En bref, les parrains de cette nouvelle organisation qui n'a rien de l'Unité jusqu'à présent auront du pain sur la planche.