Zaouïa Naciriya de Tamegroute Dans la bibliothèque de Tamegroute, les auteurs perses et "modernes" grecs reposent en paix. Plusieurs milliers de manuscrits y sont conservés, dont des Corans enluminés, écrits sur peau de gazelle, et des ouvrages de mathématiques, d'astrologie, d'astronomie et de pharmacopée dont certains remontent au XIIIème siècle. On y trouve un ouvrage de Pythagore en arabe, un exemplaire tricentenaire du Coran en provenance d'Orient, ou encore des manuscrits d'Ibn Sina, d'Ibn Rochd et d'Al Khaouarizmy. Les plus anciens d'entre eux, écrits à la plume de roseau taillé et trempé de brou de noix, remontent au XI siècle. Certains sont enluminés : les couleurs sont aussi fraîches qu'il y a dix siècles : l'indigo pour le bleu, le henné pour le rouge, la décoction d'herbes pour le vert. La sécheresse du climat a assuré aux textes une parfaite conservation. D'autres parchemins sont tannés dans l'écorce de tamaris, couverts d'enluminures (indigo, safran, henné…). C'est avec émerveillement que l'on découvre d'autres trésors : un plan d'Alexandrie et du delta du Nil datant du XIIIème siècle, une carte du ciel avec les signes du zodiaque, recouverts d'or pur où un étonnant livre d'algèbre du XVIème siècle dont chaque chiffre, de couleur violette, occupe toute la page. Tous les ouvrages ont ainsi été recueillis, classés et protégés au fil des siècles. Entre temps, cette bibliothèque séculaire a connu un autre sort. À proximité de la zaouïa et du centre d'études théologiques, un bâtiment a été construit, il y a plusieurs dizaines d'années, par le ministère des Habous et des Affaires islamiques. Ce lieu abrite aujourd'hui la bibliothèque, où sont conservés les manuscrits, du moins ce qu'il en reste. Plusieurs milliers d'ouvrages ont malheureusement disparu. L'éclectisme de cette bibliothèque est celui d'une époque où les traductions arabes des textes anciens ont permis le transfert de savoir en Occident via l'Andalousie. Première des bibliothèques du désert, c'est aussi celle où les manuscrits bénéficient des meilleures conditions de conservation, même si elles sont encore très imparfaites. Médecine, astronomie, droit coranique, littérature, grammaire, histoire, poésie, algèbre, rhétorique et philosophie : toutes les disciplines sont représentées dans cette bibliothèque prisée des érudits du monde islamique. Le conservateur actuel s'en occupe depuis 1959. Cette charge est quasi héréditaire. Son fils, qui le seconde, lui succédera et compte bien transmettre cette responsabilité à son propre fils. Le gardien des lieux raconte que de grands savants viennent ici depuis longtemps. Il leur sort des livres, qu'ils consultent tous autour d'une grande table. Il faut dire qu'aujourd'hui, la zaouïa de Tamegroute, dont la renommée est encore bien établie, dispense toujours des cours de médecine, d'astrologie et de droit coranique aux étudiants. Les fameux manuscrits séculaires enseignent à ces apprentis théologiens le véritable retour aux sources ; unique et solide rempart contre la tentation intégriste venue des lointains espaces urbains. Par ailleurs, le Maroc a néanmoins toujours accordé une grande importance aux manuscrits et à leur sauvegarde. La plupart d'entre eux sont répartis dans nombre de librairies et bibliothèques : Bibliothèque Générale, Bibliothèque Hassania, Bibliothèque Sbihi de Salé, Bibliothèque Karaouiyine de Fès, Bibliothèque Ibn Youssef de Marrakech et la Bibliothèque zaouïa naciriya de Tamegroute, en plus des bibliothèques privées. C'est dans ce cadre qu'un accord de partenariat a été signé entre l'Allemagne et le Maroc, pour photographier et informatiser tous ces manuscrits, en vue de faciliter leur exploitation par les chercheurs.