Open Sky « La RAM a suffisamment de garanties pour jouer les nouvelles règles du jeu », c'est en substance la profession de foi de Julien Levêque, chercheur européen en économie des transports qui a donné, le jeudi 19 janvier à l'ex-Institut du transport aérien, le coup d'envoi du cycle des conférences de la RAM au titre de l'année 2006 sous le thème : « Les politiques de la concurrence en Europe : le cas du transport aérien ». Détour. e groupe RAM, n'en déplaise aux détracteurs, ne craint nullement la compétition concurrentielle qui entrera en vigueur, cette année, après la signature officielle de l'accord d'Open Sky entre le Maroc et l'Union européenne, en décembre dernier, à Marrakech. En d'autres termes, si les garde-fous réglementaires et une régulation de contrôle impartial sont mis en place, si la concurrence est loyale et l'éthique du marché respectée, la compagnie aérienne se fait un point d'honneur à maintenir ses acquis, voire renforcer son positionnement sur les principales destinations de l'Europe des Vingt-Cinq. Mais toute la question est là : comment garantir des conditions de concurrence loyale et équitable ? C'est ce que le professeur de l'Université de Lyon s'est attaché à expliquer pour lever le voile sur les équivoques susceptibles de semer la confusion entre décideurs institutionnels et opérateurs historiques. Garanties pour la RAM Dans sa communication, Julien Levêque, après avoir disséqué les politiques et énuméré les acteurs de la concurrence dans le ciel du Vieux Continent, a mis l'accent sur les garanties qu'offre la solidité et le professionnalisme d'une structure comme le groupe RAM pour entrer de plain-pied dans la nouvelle bataille concurrentielle avec les transporteurs aériens du bloc communautaire. Selon lui, le groupe marocain dispose d'un cadre juridique « complet et stable et peut compter sur l'appui des compagnies traditionnelles pour affronter d'éventuelles distorsions de concurrence au profit des low-cost ». Le même cas de figure se renouvelle dans le cas d'éventuelles distorsions de concurrence pratiquées par une autre compagnie traditionnelle. Mais pour ce faire, « il faut agir vite, car les procédures sont très longues », a préconisé le professeur lyonnais. Au chapitre des contraintes, l'Open Sky appelle d'autres défis que le groupe piloté par Mohamed Berrada se doit de remporter en s'y préparant dès à présent. En effet, la RAM est tenue de se conformer à la législation européenne en vigueur et les responsables de la compagnie nationale en sont bien conscients : « Il est vrai que nous sommes très concernés par les évolutions réglementaires en Europe d'autant plus que la convergence des cadres réglementaires marocain et européen est requise pour une intégration véritable à l'espace aérien européen ». En effet, l'entrée en vigueur de l'accord d'Open Sky met un terme à l'époque où le secteur aérien marocain était protégé par des accords aériens bilatéraux limitant l'accès au marché. « Outre la mise en conformité avec le droit communautaire des accords bilatéraux qui existent entre le Maroc et chacun des Etats membres de l'Union, l'accord d'Open Sky prévoit la libéralisation des droits de trafic. Dans un premier temps, il est question des 3ème et 4ème libertés entre le Maroc et l'ensemble des Etats de l'Union et, à terme, après un chantier d'harmonisation des réglementations marocaines avec les directives européennes, c'est au tour du droit d'exercice de la 5ème liberté en Europe pour les compagnies aériennes marocaines et, bien entendu, de même pour les compagnies européennes pour les points au-delà du Maroc situés dans la zone méditerranéenne », expliquent les responsables de la RAM. En vertu de cet accord, toute compagnie européenne de l'Union peut desservir, à partir de tout point en Europe, toute destination vers le Royaume et réciproquement. En outre, l'accord inclut également le droit réciproque d'établissement pour les compagnies aériennes des deux rives. Aussi, la RAM est appelée à accélérer sa stratégie de développement ; ce qui est déjà en chantier avec la nouvelle stratégie 2006-2012 en vue d'assurer sa structure financière et d'acquérir une taille critique à l'instar des compagnies européennes de référence. Les acteurs de la politique de concurrence dans le Vieux Continent sont au plan communautaire, la Direction Générale de la Concurrence et celle des Transports relevant toutes les deux de la Commission européenne. Au niveau national, comme en France, nous trouvons le Conseil de la Concurrence faisant office d'autorité indépendante habilitée à exercer ses fonctions consultative et contentieuse. Quant au ministère de l'Economie, il est habilité à faire prévaloir ses pouvoirs d'enquête et d'instruction et l'examen des concentrations. Outre le fait que les réglementations communautaires sanctionnent l'abus de position dominante, ce sont surtout les accords anticoncurrentiels et les accords horizontaux dits de « collusion » répartissant, par entente, fixation des prix, marchés et quotas de production, qui sont combattus. Sont combattus également les cas de restrictions verticales dont les clauses limitatives imposées aux distributeurs, l'acceptation des territoires exclusifs, la distribution sélective, l'interdiction des prix de revente imposée et la segmentation des marchés. En cas de dérogation des transporteurs aériens aux règles communautaires, deux procédures d'intervention sont déclenchées : préventive, en rappelant l'opérateur incriminé à l'ordre par notification, et répressive, par voie de dénonciation, voire d'injonction à la cessation accompagnée d'une amende inférieure à 10 % du chiffre d'affaires. Au bilan, Levêque a mis en relief le succès de la politique européenne de libéralisation du transport aérien dont le nombre de compagnies a doublé en passant de 77 en 1992 à 140 en 2002 ; autant que le nombre de liaisons intra-communautaires qui est passé, dans la même période, de 692 à 1290 liaisons. À noter également la forte baisse constatée des tarifs et le développement des compagnies low-cost. Dans les perspectives sur l'élargissement du ciel ouvert européen, Levêque a préconisé le renforcement de la politique aérienne communautaire aux commissions chargées de négocier avec la zone MEDA, les Etats-Unis, le Maroc et autres, l'objectif étant de promouvoir la concurrence au bénéfice des usagers tendant vers la création d'une zone euro-méditerranéenne commune de l'aviation civile et commerciale. Le conférencier a conclu en attirant l'attention sur les menaces pouvant peser sur le développement de la RAM que des garanties fiables devront absolument préserver du « risque de prédation des compagnies européennes en difficulté et d'un droit d'établissement déséquilibré qui permettrait aux Européens de concurrencer la RAM sur les lignes intérieures ».