Lutte antiterroriste et coopération judiciaire Abdelkader Chentouf, le célèbre juge antiterroriste marocain, effectuera une tournée européenne pour y rencontrer ses homologues dans le cadre d'une commission rogatoire internationale ordonnée par Rabat. Dans son agenda, le magistrat marocain discutera des connexions établies entre quelques terroristes marocains arrêtés tout récemment au Maroc et le GICM, implanté en Europe. Le démantèlement de la cellule terroriste en formation au Maroc au mois de novembre 2005 ne cesse de provoquer des prolongements d'enquêtes au niveau du ministère de la justice marocain. Dernier rebondissement dans l'affaire en date, le déplacement très attendu du juge antiterroriste, Abdelkader Chentouf, juge d'instruction à la Cour d'Appel de Rabat, dans plusieurs pays européens, la Belgique, la France, l'Espagne, la Hollande…, pour y rencontrer ses homologues dans le cadre d'une commission rogatoire internationale ordonnée par Rabat. La tournée européenne du magistrat marocain, explique une source au ministère de la justice, intervient suite à l'arrestation des 18 membres de la cellule marocaine et les aveux très importants obtenus par les autorités marocaines des principaux cerveaux de la cellule, Mohamed Rehha ( un maroco-belge ) et Khalid Azig ( l'émir de la cellule ) sur leurs connexions avec les dirigeants de l'organisation Al Qaida en Europe. Officieusement, le déplacement de Abdelkader Chentouf en Europe a pour objectif également de communiquer des renseignements précieux et des pistes de travail arrachés aux terroristes de chez nous pour démanteler ce qui reste des filières afghanes et éventuellement interroger quelque uns parmi les dizaines de Marocains poursuivis pour terrorisme. Cette commission rogatoire, dit-on à Rabat, a été rendue possible suite à l'exécution de plusieurs accords de coopération signés entre le Maroc et les pays prévus dans l'agenda du magistrat marocain. Selon une source proche du dossier, le juge Abdelkader Chentouf souhaite également auditionner les treize activistes marocains arrêtés et jugés à Bruxelles pour appartenance au GICM (le groupe islamique combattant marocain ). La filière, qui selon le parquet belge, aurait commandité les attentats de Casablanca en 2003 et ceux de Madrid en 2004. Cette dernière, selon la presse belge, aurait même servi de locomotive aux autres branches du mouvement en Italie, en France, et aux Pays-Bas et notamment en appui logistique. Chose confirmée par les autorités marocaines, pour qui le GICM est bel et bien implanté en Belgique. À n'en citer que leurs leaders, Abdelkader Hakimi, Lahoussine El Haski, Mustapha Lounani et Abdellah Ouabour, arrêtés dans le cadre de cette affaire. Aussi bien sur le plan financier qu'opérationnel et logistique, tout passait par la Belgique. Le juge antiterroriste marocain le confirme également et cite le témoignage livré par l'activiste Mohamed Rehha, arrête au Maroc, qui charge lourdement et nominativement ses mentors, arrêtés ou en cavale, en Belgique. Tout cela permet d'affirmer que la cellule belge contrôlait la française, l'espagnole, et la marocaine et était chargée, notamment, de récolter de l'argent pour le redistribuer aux patrons du GICM, implantés en Belgique. Le GICM, dont la hiérarchie établie en Belgique est désormais connue, recrute et embrigade aussi au Maroc par le biais de quelques ressortissants qui font souvent le déplacement discret dans le pays à l'occasion des opérations «Transit» qu'organise annuellement le pays pour ses ressortissants à travers l'Europe. Au Maroc, le démantèlement de la cellule des 18 présumés terroristes confirme que l'encadrement a été attribué par le GICM à Mohamed Rehha, l'un des deux cerveaux de la cellule. Accusé de «préparation de projets terroristes, falsification de documents, constitution de bande terroriste et atteinte à l'ordre public », Mohamed Rehha a reconnu aux enquêteurs avoir recruté plusieurs femmes kamikazes belges pour d'éventuels attentats en Irak, dont l'une, du nom de Muriel Degauque mariée avec un certain Issam Goris, un jeune belgo-marocain de sept ans son cadet, est vraisemblablement celle qui s'est faite exploser le 9 novembre dernier à Bagdad lors du passage d'une patrouille américaine. Selon le parquet de Bruxelles, c'est en août 2005 qu'Issam et sa compagne seraient partis clandestinement vers l'Irak. Un périple de voiture qui passe par la Turquie ( comme celui effectué par Mohamed Rehha ), la Syrie, et enfin l'Irak, la nouvelle terre du jihad pour Al Qaida. Là-bas, avant l'attentat meurtrier qu'avait commis Muriel, son mari se serait fait tuer par des soldats américains avec d'autres terroriste de la bande armée d'Abou Mossab Zarqaoui, rapporte la même source. Mohamed Rehha, chez qui les enquêteurs ont retrouvé à Tanger des textes jihadistes et des prêches d'Oussama Ben Laden, constitue au niveau de l'enquête enclenchée à Rabat, l'homme relais du GICM de la Belgique au Maroc et l'exécutant en chef du projet d'Al Qaida « UMA terrorisme » dans la région du Maghreb arabe. Une sorte de Zarqaoui du Maghreb. C'est en tout cas une thèse, parmi tant d'autres, qu'examinera Abdelkader Chentouf lors sa tournée européenne. Coopération judiciaire entre le Maroc et la France Une réconciliation sur fond de plan d'action triennal Le ministre de la Justice, Mohamed Bouzoubaâ, et son homologue français, Pascal Clément, ont eu, jeudi 8 décembre à Rabat, des entretiens sur les moyens de raffermir la coopération judiciaire, à travers la mise en place d'un plan d'action 2006-2008. Des experts des deux pays se penchent, à cette occasion, sur un "plan d'action triennal", qui a été signé vendredi 9 décembre 2005 par les deux ministères. Ce plan d'action porte sur les divers aspects de la coopération bilatérale dans ce domaine, notamment le cas du dossier Mehdi Ben Barka, tout en privilégiant des volets tels la coopération en matière de lutte contre le terrorisme, tels l'administration pénitentiaire et le droit de la famille, indique le ministère de la Justice. La lutte contre le terrorisme et la criminalité transnationale organisée ont été également à l'ordre du jour des discussions entre Mohamed Bouzoubaâ et Pascal Clément, qui ont tenu une conférence de presse en fin de semaine à Rabat.