Démantèlement de la cellule terroriste au Maroc Curieux personnage que celui de Mohamed Rehha, le principal cerveau de la cellule terroriste d'Al Qaida, démantelée au mois de novembre au Maroc. Alors qu'il a à peine 18 ans, ce jeune terroriste, endoctriné dès l'âge de 14, a servi d'intermédiaire pour l'organisation d'Oussama Ben Laden, aussi bien au Maroc qu'en Belgique, pour recruter des “bombes humaines” au profit de la bande armée d'Abou Mossab Zarqaoui en Irak. Arrivé au Maroc le 28 septembre 2005, sur ordre de son mentor en Irak, un certain Abou Bassir Al Jazairi, et l'un des lieutenants fidèles d'Oussama Ben Laden, il a réussi en peu de temps, à mettre en place une cellule terroriste composée de 18 «agents dormants», qui a été démantelée au courant du mois de novembre de la même année… La Gazette du Maroc, qui a pu se procurer des copies des PV de la BNPJ, raconte, révèle le parcours de ce jeune combattant et les opérations terroristes qu'il comptait mener au Maroc. Voyage au dessus d'une poudrière terroriste. L'année 2005 s'achève au Maroc sur fond de lutte anti-terroriste. C'est le constat établi après l'arrestation et le démantè- lement d'une nouvelle cellule terroriste composée de 18 “agents dormants” de Ben Laden, dissimulés dans le pays et servant de base logistique aux groupes terroristes. Si l'affaire est portée devant la Cour d'appel de Rabat, les accusés comparaîtront à partir du 5 décembre 2005 devant le juge d'instruction Abdelkader Chentouf, elle est toutefois loin d'avoir livré toutes ses facettes et tous ses prolongements. L'enquête minutieuse menée conjointement par les renseignements et la Brigande nationale de la police judiciaire ( BNPJ ) révèle au grand jour les liaisons dangereuses qu'ent-retiennent les deux principaux cerveaux de la cellule, Mohamed Rehha et Khalid Azig, avec les dirigeants d'Al Qaida aussi bien en Europe qu'au Moyen Orient. Il s'agit des “ressortissants marocains vivant à l'étranger”, méconnus des services des renseignements marocains, envoyés en mission au Maroc par Al Qaida afin de former une armée de combattants potentiels appelée à effectuer par petits groupes des voyages via l'Algérie, la Turquie, et la Syrie dans les bastions de l'islamisme armé, notamment en Irak et en Afghanistan. Cette mission très spéciale, c'est celle que l'on a confié à Mohammed Rehha, le jeune émir venu de la Belgique au Maroc pour engager des candidats au suicide pour le compte de la résistance irakienne. Comme dans les films, cet extrémiste jugé très dangereux s'identifie à son héros qui n'est autre qu'Abou Mossab Zarqaoui. Durant son interrogatoire par la BNPJ, révèle une source judiciaire, Mohamed Rehha, ne cache ni son appartenance religieuse ni la tâche pour laquelle il est arrivé au Maroc. « Je suis un messager d'Al Qaida envoyé pour enrôler et recruter des Moujahidines locaux pour le compte de la résistance irakienne», lit-on dans le PV de la BNPJ dont on a pu obtenir une copie. Né le 10 mars 1987 à Anvers en Belgique, le jeune jihadiste est issu d'une famille pauvre et nombreuse. Il découvre très tôt la dureté et la cruauté de la vie. Son père, sans-emploi, avait du mal à subvenir aux besoins les plus élémentaires de ses frères et sœurs. Il était connu à l'école Jelus Backelmanslaan comme un voyou, avant de passer au lycée KTA, qu'il abandonna après trois ans d'études. Chômeur et de surcroît avec un niveau d'instruction dérisoire, Mohamed Rehha sera rapidement repéré par son oncle Ahmed Zemmouri et son cousin Ismail Akhnik (incarcéré en 2005 en Hollande pour l'assassinat du réalisateur Theo Van Gogh), qui l'emmènent en Syrie début 2001. C'est à cette date que le parcours de ce jeune jihadiste a réellement débuté. Ses premiers contacts avec les disciples d'Oussama Ben Laden, Mohamed Rehha, les feront à l'âge de 14 ans. Entre 2001 et 2002, l'émir Maroco-belge naviguera entre la Turquie, la Syrie, et l'Iran élargissant ainsi son réseau de contacts dans différentes filières d'Al Qaida ou il a rencontré des jihadistes qui ont gagné leurs galons dans les camps d'entraînements afghans. Convictions jihadistes En Syrie, Rehha sera complètement pris en charge, endoctriné par des chioukhs, tel Cheikh Abdelkbir, et tentera à plusieurs reprises de regagner l'Afghanistan, mais en vain. Les frontières étant contrôlées par les forces américaines, Rehha décide, après une année passée dans la région, de repartir en Belgique. C'était en 2002. La même année ou il fera le voyage au Maroc, en compagnie de ses parents, pour, cette fois-ci, s'installer à Tanger. Son temps libre, Rehha le passerait à la mosquée «Al Arbaine» pour assister aux prêches d'un imam du nom de Cheikh Al Jordi et fréquentera plusieurs écoles coraniques avec ceux qui partagent ses convictions. Mohamed Rehha est pris en main par des salafistes patentés qui l'ont initié aux préceptes du salafisme et du jihad. De réunions en prières, en passant par l'isolement, Rehha rêve déjà de rejoindre ses compagnons jihadistes en Syrie où il pense être plus utile. Chose faite en 2003 puisqu'il regagnera Damas, en compagnie toujours de son oncle Zemmouri, qui convaincra son père en prétextant de l'intérêt pour Rehha de reprendre les études islamiques dans les écoles religieuses du pays, comme l'institut coranique Abou Nour, puis à la mosquée du Cheikh Hiba en Syrie. Grâce à l'argent que lui envoie la famille, Rehha louera une chambre dans un quartier périphérique de Damas ( Roukne Addine ), se prendra en charge, et fera connaissance avec plusieurs Marocains et autres Mahgrebins intégristes qui lui ouvriront la voie du jihad, entre autres deux algériens Farahat Zaidi ( intercepté en Syrie) et Tariq Benhaida (en cavale en Turquie), qui introduisaient clandestinement les Moujahidines en Irak. De cette époque d'endoctrinement, Rehha gardera que de bons souvenirs. Les thèses d'Oussama Ben Laden, Addawahiri, et Abou Mossab Zarqaoui, concernant le Jihad étaient expliquées de long en large à Mohamed Rehha, décortiquées et mises au goût de son endoctrinement recherché et des objectifs terroristes fixés, par des disciples d'Al Qaida qui mettaient en avant le contexte mondial en invoquant l'invasion de l'Irak et les crimes d'Ariel Sharon contre le peuple palestinien. Après quelques mois passés à Damas, Mohamed Rehha se spécialisera à son tour dans l'activité clandestine du transfert des Moujahidines maghrébins à la frontière Syrienne du côté de l'Irak. C'est chez lui à Damas, où il hébergeait sans distinction des kamikazes marocains ( dont Mehdi El Hasski, le frère Hassan El Hasski impliqué dans les attentats de Madrid ), algériens, tunisiens, et dans une moindre mesure, saoudiens, pour le compte de deux algériens d'Al Qaida et un irakien du nom de Abou Mohammed Al Iraki. Aux enquêteurs de la BNPJ, Mohamed Rehha reconnaît avoir réussi à rallier et envoyer une vingtaine de Maghrébins en Irak. Quel exploit pour ce jeune combattant qui n'a même pas soufflé son 16ème anniversaire ! D'une manière ou d'une autre, Mohamed Rehha, qui a opté pour la guerre armée, a été encadré par des chefs qui ont, pour la plupart, participé à la guerre en Afghanistan comme Dr Mounir l'Algérien, Khalid Abou Bassir, Hamid Assalibi, Abou Faiçal Assouri, qui ont tous combattu contre l'occupant soviétique. Et ce sont justement ces lieutenants de Ben Laden qui favoriseront la rencontre à Damas entre Mohamed Rehha et Khalid Azig, l'autre cerveau de cellule démantelée à Casablanca au courant du mois de novembre dernier. Le financement d'Al Qaida En effet, sur recommandation d'Abou Bassir, Khalid Azig a pris contact pour la première fois avec Mohamed Rehha pour lui transmettre une lettre provenant (tenez-vous bien ) d'Oussama Ben Laden et destinée à son disciple Abou Mossab Zarqaoui en Irak. Contact pris, les deux terroristes ne vont plus se séparer. Ils loueront une chambre commune et feront un bon bout de chemin ensemble à Damas. Jusqu'en décembre 2004, ou Mohamed Rehha sera interpellé par la police syrienne pour une histoire de falsification de son document de voyage. Interpellation, incarcération pendant un mois et déportation vers son pays d'origine, la Belgique. À Anvers, le jeune Rehha ne perdra pas contact avec son compagnon de route, Khalid Azig, qui l'appelait souvent au domicile des parents. Ce dernier lui transmettait de nouveaux contacts, notamment à Bruxelles, des frères moujahidines, qui souhaitent faire le voyage en Syrie. Entre autres contacts, celui de la femme d'un grand disciple d'Al Qaida, Rachid Iba, qui lui a demandé d'apporter son soutien à des femmes belges qui se sont converties à l'Islam et qui souhaitent se faire exploser en Irak (les enquêteurs marocains n'écartent pas l'hypothèse selon laquelle Mohamed Rehha serait le recruteur de la kamikaze Belge, Murielle Degauque, qui s'est fait exploser en Irak au début du mois de novembre 2005 ). C'est à partir de ce contact précieux de Bruxelles que Mohamed Rehha a joué le rôle d'intermédiaire entre les femmes kamikazes belges et Abou Bassir Al Jazairi, l'un des représentants d'Al Qaida en Syrie et son donneur d'ordres. Mohamed Rehha, qui passe, selon la police marocaine, pour être l'émir de la cellule intégriste de Casablanca, est vraiment un curieux personnage. Alors qu'il s'activait en Belgique pour le recrutement des bombes humaines devant rallier l'Irak, il décida de son propre chef de débarquer au Maroc, le 28 septembre 2005, en quête de jeunes marocains souhaitant intégrer les rangs d'Al Qaida. De l'argent, il semblait en avoir. Et même beaucoup. À commencer par les 1000 euros qu'il donna sans aucune contre partie à Ahmed Zemmouri ( encore lui ), celui qui l'a aidé pour la première fois à partir en Syrie. À peine arrivé à Tanger, ce dernier informa son neveu de la prédisposition d'un marocain du nom Ahmed El khayat, d'aller rejoindre les groupuscules du GICl et le GSPC en Algérie. Et c'est à ce moment-là qu'interviendra Abou Bassir Al Jazairi, via internet, pour informer Mohamed Rehha de son projet de donner un prolongement organisationnel, dans la région du Maghreb, au mouvement terroriste d'Al Qaïda, sous la houlette du Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC) algérien, qui a prêté allégeance à Oussama ben Laden et à son représentant en Irak, Abou Mossab Zarqaoui. Le message est reçu cinq sur cinq par Rehha qui sera nommé officiellement l'émir de cette cellule qui sera formée au Maroc. Abou Bassir Al Jazairi apprendra également à Mohamed Rehha la présence de Khalid Azig au Maroc et l'oblige à entrer en contact avec lui. Mohamed Rehha continuait de fréquenter un cyber-café au centre ville de Tanger où il recevait et envoyait des messages codés sur les détails de l'opération à son maître Abou Bassir Al Jazairi. Quelques jours après, les deux cerveaux de la cellule marocaine prennent attache à Tanger et commencent à préparer leur projet baptisé « l'UMA terrorisme ». Pour ce faire, tous les moyens sont bons pour atteindre leurs objectifs. Et c'est Khalid Azig qui présentera les deux ex-détenus de Guantanamo, Brahim Benchekroun et Mohamed Mazouz, à Mohamed Rehha à Casablanca où ils ont élu domicile dans la ville de Tanger. Les voyages des deux cerveaux de la cellule en formation vont se multiplier à travers plusieurs villes du Maroc, Mohammedia, Settat, Agadir, Tanger, Casablanca, pour y rencontrer d'éventuels candidats au jihad en Irak. En plus de Brahim Benchekroun et Mohamed Mazouz, les deux recruteurs réussiront à intéresser, et ce au courant du mois de Ramadan, nominativement Yassine Alyouine, Omar Mehdi Takhssaoui, Mohamed Ben Zouhair, Abdelkbir Chelh, Yassire Outmani, Hicham Chenaoui, Farid Moussaid, Ahmed Zemouri, Hassan Alouane ( son frère a écopé d'une lourde peine dans le cadre de l'affaire du 16 mai 2003 ), Bouchta Boujemaâ, Ahmed Boukhir, Ahmed Alilich et Abderrahim Zejli (libéré pour manque de preuves), Abdelhamid Rehha ( cousin même de Mohamed Rehha ) Youssef Al Baril... Tous ont été recrutés à Agadir, Casablanca, et à Tanger et se trouvent actuellement sous les verrous, en attendant l'ouverture de leur procès. Mohamed Rehha avouera également aux enquêteurs de la BNPJ le rôle exact de chacun des membres de sa cellule, comme il lui a été défini, les adresses des planques, à Casablanca, à Agadir et à Tanger, où seront saisis deux ordinateurs, une imprimante, des tracts, des cassettes VCD et cassettes audio incitant au jihad, des livres propageant “des idées obscurantistes", ainsi que les futurs projets pour le Maroc, jugé comme étant «impie» par son mentor Abou Bassir Al Jazairi, et où il fallait y mener des opérations suicidaires «contre des intérêts étrangers». Arrêté le 19 novembre 2005 à Casablanca dans un appartement au quartier Benjdia, en compagnie de Hassan Alouane, la fuite de Mohamed Rehha, n'a pas trop duré après le démantèlement de toute la structurequ'il avait mise en place, le 11 novembre dernier. Cela ressemble au titre d'un mauvais polar, mais c'est ainsi que finit la cavale de Mohamed Rehha, l'un des plus jeunes membres du réseau Al Qaida qui avait commandité les attentats du 16 mai 2003 à Casablanca. Selon les conclusions de l'enquête de la BNPJ, celui-ci passera un bon bout de temps à la prison civile de Salé vu les charges qui pèsent contre lui. Entre autres : "préparation de projets terroristes, falsification de documents, constitution de bande terroriste et atteinte à l'ordre public.