Fusion PSD-USFP Au terme d'une longue maturation, le PSD consacre sa décision de fusionner avec l'USFP lors de son ultime congrès tenu le week-end dernier. Cette fusion, à contre-courant des divisions ataviques, relance le débat, longtemps bloqué, sur l'union des composantes de la gauche. C'est dans une atmosphère voulue pleine de solennité et d'exemplarité que le dernier congrès du parti socialiste démocratique (PSD) achevait ses travaux organisés les 3 et 4 décembre au complexe Moulay Rachid à Bouznika. A l'heure où cette édition est sous presse, les 1.200 congressistes adoptaient les résolutions ultimes et notamment celle consacrant la fusion avec l'USFP. L'option de la fusion avait déjà été annoncée par le secrétaire général du PSD, Issa Ourdighi, lors de son intervention au 7ème congrès de l'USFP en juin dernier. Déjà le principe du regroupement des composantes de la gauche était devenu pour le PSD une véritable obsession. La conviction était acquise, depuis les dernières élections de 2002 et 2003, que le maintien d'organisations en rangs dispersés de la gauche n'avait plus de sens et condamnait à l'isolement et à la déperdition des énergies. Au moment où le thème de la constitution de pôles politiques cohérents et distincts est devenu prépondérant, notamment avec l'adoption de la loi sur les partis, la nécessité de l'unification à gauche est devenue pour le PSD vitale et plus incontournable que jamais. Le congrès de la fusion du PSD avec l'USFP se veut, de toute évidence, exemplaire ou tout au moins stimulant pour faire avancer la question, toujours en suspens, de l'union à gauche. En modifiant la configuration de celle-ci et en posant en termes pratiques le passage à l'acte unitaire, cet événement, si relatif soit-il, invite à une relecture de l'histoire des différents mouvements et groupes de gauche et à une évaluation de leurs chances d'avenir. Le PSD avait déjà tenté d'aboutir à une union fusionnelle avec le PPS. Après diverses approches et hésitations, il était apparu que la perception et les priorités n'étaient pas identiques pour ces deux protagonistes. Si le PSD se montrait plus entreprenant et plus pressé de conclure sur la base d'une plate-forme de convergence minimale, le PPS semblait plus soucieux de ménager des étapes pour aplanir les différences et les séquelles héritées de l'histoire de chaque parti. C'est ainsi que fut constitué le groupe parlementaire de l'Alliance socialiste comprenant les députés du PPS, du PSD et d'Al Ahd (ce dernier étant né de la mouvance berbériste et s'apparentant à la gauche). Retour au bercail Ces lenteurs et « tergiversations » ont fini par lasser les dirigeants du PSD qui ont alors mis le cap sur l'USFP, estimant que celle-ci est plus à même de donner poids et efficacité à la fusion. «Finalement pour beaucoup d'entre nous, intégrer l'USFP c'est retourner au bercail», souligne un militant du PSD. Celui-ci revient en effet de loin. Né d'une scission de l'OADP, elle-même héritière du mouvement du 23 mars lequel fut formé par des membres de l'ex-UNFP, le PSD ne ferait ainsi que boucler la boucle. A l'appui de cette démarche, il souligne la prise en compte de l'évolution intervenue depuis 1996. A ce moment déjà, la ligne de fracture s'était dessinée au sein de l'OADP laquelle avait refusé de voter pour la révision constitutionnelle lors du référendum de septembre 1996. Même si l'OADP a pris part aux élections législatives de novembre 1997, la division s'était installée entre l'aile dite “modérée” et celle qui se voulait plus intransigeante. Le PSD est né de la première et avait du alors subir nombre de sobriquets dont celui qui leur donnait pour parrain l'ex-ministre de l'intérieur, Driss Basri. En participant au gouvernement d'alternance dirigé par Abderrahmane Youssoufi, le PSD avait franchi le pas qui le séparait pour de bon de ses anciens camarades de l'OADP qui, eux, ont refusé toute participation. Après les élections de 2003, le PSD a envisagé d'aller jusqu'au terme logique de sa démarche, en constatant que rien ne le séparait plus de l'USFP et que rien ne justifiait plus les divisions de la gauche. Faisant le bilan de son parcours, le PSD souligne que l'option social-démocrate a prévalu sur le “romantisme révo-lutionnaire” des origines qui ignorait les réalités et sur la tentation “blanquiste” qui prétendait “agir au nom du peuple sans le peuple”. L'insertion dans la lutte démocratique à long terme, impliquant réalisme, compromis et nécessaire ouverture est devenue le nouveau crédo. C'est ce processus qui est aujourd'hui consacré par la fusion avec l'USFP considérée comme “locomotive” de la mouvance socialiste. Le PSD se prévaut, toutefois, d'un apport particulier en matière de lutte pour les droits des femmes, d'ouverture sur les intellectuels et de contribution au renforcement du front démocratique loin de tout sectarisme. L'attitude de l'USFP De son côté, l'USFP a tout d'abord veillé à ne pas conférer à la fusion avec le PSD la tournure d'une récupération phagocytaire. Toutes les formes ont été observées pour marquer le respect de la décision souveraine du PSD et pour ménager à ses membres un accueil aussi satisfaisant que possible. Le 7ème congrès de l'USFP avait prévu de réserver des places dans les instances dirigeantes aux nouveaux venus. Une commission s'est employée à lever les appréhensions de quelques rares personnages en vue du PSD comme Abdessamad Belkbir qui rechignaient à donner leur aval à la décision de fusion. La question de l'unification des rangs de la gauche est, grâce à la fusion du PSD, devenue cependant pour l'USFP plus aisée à formuler selon ses propres termes. On sait que pour le parti de Mohamed Elyazghi, l'union implique tout d'abord d'assumer l'évolution qui s'est dessinée ces dernières années. Au préalable, la mutation social-démocratique, consacrée par le congrès constitutif de l'USFP en 1975, est donnée comme une base fondamentale. Aucune ambiguïté n'est plus de mise quant à la rupture définitive avec les vieux démons du radicalisme. Cependant jusqu'ici c'est l'appréciation de la transition en cours qui a continué à faire débat avec les divers groupes de gauche. Pour l'USFP, il n'est pas concevable de « zapper » sur l'évolution actuelle et de nier que des changements ont eu lieu. Autre point de divergence : l'USFP considère qu'elle est le grand parti de gauche autour duquel l'union peut se faire et avoir des chances d'emprise sur la réalité. Elle estime qu'on ne peut faire l'union sur la base de groupuscules isolés. Tout en admettant que l'apport des différentes “sensibilités” de gauche serait précieux, en matière de réflexion théorique et d'impulsions à promouvoir sur le terrain associatif notamment, elle considère que la dispersion actuelle n'a plus de raison d'être et que la convergence vers une force de gauche unifiée est plus cohérente et efficace. Le pôle de gauche devrait, à terme, être constitué par un seul grand parti socialiste, ouvert au débat interne et régi par la stricte règle démocratique. L'idée de “courants” institués n'est, cependant, pas bien accueillie. D'ici là la concertation et le débat sont sollicités comme une préparation des esprits à la nécessaire convergence, au-delà des vieux clivages. Vieux clivages Une telle approche n'est pas encore partagée par les différentes composantes de la gauche. Le PPS privilégie encore la constitution d'un front unitaire où les organisations sauvegardent leur entité propre mais mènent des actions communes. La question de l'identité de chaque parti ou groupe reste cependant posée : où situer leur spécificité autrement que par référence à l'histoire de chacun ? Avec le parti socialiste unifié (PSU) né récemment de la fusion de la GSU et de l'association Fidélité à la démocratie, la ligne de divergence paraît plus profonde. Le PSU reste opposé à la participation au gouvernement. Il estime, en gros, qu'avec Abderrahmane Youssoufi, l'USFP n'avait pas été assez ferme pour exiger et obtenir des pouvoirs plus étendus permettant des réalisations plus notables en matière sociale et d'acquis démocratiques. Le PSU s'en tient à la priorité d'une constitution où la répartition des pouvoirs serait profondément revue au profit du gouvernement et des instances élues. Cependant le PSU ne semble pas avoir surmonté les divisions et dissonances internes qui ont toujours marqué l'ex-gauche radicale. Entre les courants et les différents chefs de file l'harmonie est loin d'être assurée et les positions affichées sont parfois antinomiques. Le même clivage entre “modérés”, prônant l'ouverture et le réalisme et les “intransigeants” attachés aux préalables constitutionnels est à l'œuvre. On retrouve ici la même discorde qui a prévalu avec l'USFP et le PPS et qui a donné naissance au PSD. Cependant le PSU reste à mi-chemin et n'adopte pas le radicalisme affiché par Annahj Addimocrati, descendant de l'ex-Ilal Amam et qui refuse même toute participation aux élections. Selon Abdallah Harif, son secrétaire national, “pendant les trois dernières décades a prévalu au Maroc une démocratie de façade où les forces politiques jouent un rôle de figurants”. Annahj se distingue aussi par son attachement à la tenue d'un référendum d'autodétermination au Sahara comme seule solution à cette question. En marge du système, il privilégie l'action dans les syndicats, les associations de défense des droits humains, de diplômés chômeurs et de jeunes. Il côtoie au sein d'un hypothétique Rassemblement de la gauche démocratique, les autres groupes “intransigeants” que sont le PSU, le PAGS de Ahmed Benjelloun et le CNI des amis de Noubir Amaoui. Cependant nulle convergence unitaire véritable n'a pu jusqu'ici avoir lieu au sein de ce rassemblement. La fusion du PSD avec l'USFP va t-elle relancer le débat sur l'union à gauche et annoncer une phase de convergence à contre-courant des divisions actuelles ? La qualité de cette fusion et son apport réel au sein de l'USFP apporteront une réponse à cette question.