Younès Rahmoun : place à la jeunesse Les installations de Younès Rahmoun sont très visuelles et restent ancrées dans le contemporain. Le Retour - des émigrés ayant quitté leur pays à cause des guerres, de la famine ou tout simplement pour améliorer leurs conditions matérielles de vie: un retour pour reconstruire. C'est le sujet de l'exposition individuelle de Younès Rahmoun dans le cycle d'expositions du Collectif 212 - avec la barque et la lumière pour éléments visuels essentiels. Comme dans la plupart de ses derniers travaux, chiffres et formes apporteront aussi leur richesse symbolique. Palpables et impalpables, ce sont des éléments puisés dans sa propre culture et dans celles du monde. L'artiste cherche toujours à aboutir à des résultats visuels et conceptuels universels, accessibles à tout le monde, des œuvres qui parlent du contemporain et mènent à la méditation. Basé à Tétouan où il est né, Younès Rahmoun explore dans ses installations les thèmes d'une mystique personnelle, aimant à brouiller les frontières entre rêve et réalité, songe éveillé confronté à la cruauté quotidienne. Attaché au monde de l'enfance n'appelant qu'amour et vérité, il dénonce l'innocence volée par l'irruption soudaine de la mort, blancheur symbolique du linceul gommant l'éclat de la vie sous le silence d'un rituel baigné d'une lueur venue d'ailleurs. Vernissage de l'exposition de Younès Rahmoun 1 décembre à 18.30 h à l'espace d'art « Le Cube « au Centre Autrichien, Rabat, 11, rue Benzerte. En tête-à-tête avec... Younès Rahmoun LGM : Que signifie, dans votre parcours d'artiste, votre implication en tant que membre-fondateur du Collectif 212 ? Y.R : Je n'y ai pas vraiment réfléchi : l'idée m'a convaincu dès que nous l'avons évoquée avec les autres membres. Les événements se sont ensuite enchaînés très vite et de façon si naturelle… LGM : Le Collectif 212 fait référence au Maroc comme plate-forme de création : pour vous qui rayonnez aussi à l'étranger, qu'implique le fait de vivre son art dans le royaume ? Y.R : Je crois que les Marocains vivent dans leur époque et sont ouverts sur tout ce qui vient d'ailleurs, les arts notamment. Les difficultés majeures auprès du public sont dues à l'éducation reçue vis-à-vis de l'art contemporain... ou plutôt la non-éducation ! L'art est absent depuis l'école primaire jusqu'à l'université, au mieux enseigne-t-on son histoire, en s'arrêtant alors dans le meilleur des cas à l'impressionnisme ou à l'expressionnisme ! Il n'existe que deux écoles d'art au Maroc, et à l'issue de leur cursus les étudiants finissent par faire ce que l'on attend d'eux : des illustrations et des statues "réalistes". L'autre problème tient à l'absence de lieux dédiés et à l'espace extrêmement limité que l'on accorde à l'art contemporain dans la presse ou les autres médias, même les plus avancés. Contrairement à l'Europe, l'artiste est ici séparé de la société, où il trouve rarement sa place. L'art est considéré par une grande majorité comme un prestige, un luxe réservé aux "intellectuels" et aux "bourgeois", un "plus" dans la vie n'ayant aucun rôle véritable. Sans entrer davantage dans les détails, vivre convenablement son art au Maroc reste pour le moment une utopie! Au-delà du constat, que faire ? Quelle serait la réaction la plus saine et la plus constructive ? Continuer à travailler dans son coin et laisser les choses évoluer à leur rythme ? Peut-être, mais ça me semble insuffisant ! Les artistes doivent se mobiliser pour, avec l'aide de Dieu et de ceux qui nous soutiennent, avec le peu de moyens dont on dispose, montrer ici beaucoup plus largement ce que l'on fait, le diffuser tous azimuts à travers les expositions, les médias… Comment peut-on juger le public marocain s'il n'a pas assez vu et assez entendu notre voix ?! Je pense que la naissance du Collectif 212 et le vaste projet initié avec Le Cube sont en ce sens un bon début, même s'il faudra sûrement du temps pour en apprécier le résultat. Personnellement j'y crois, et je sais que l'on avait besoin de se réunir entre artistes pour se compléter et créer une certaine force, pour donner vie aussi à des idées sommeillant en chacun de nous. On ne doit toutefois pas limiter notre engagement à la création et aux expositions ici ou là, nous devons trouver un rôle à jouer dans notre société. L'association La Source du Lion et ce qu'elle a fait du parc de l'Hermitage à Casablanca est un bon exemple. Je veux dire que l'artiste doit savoir parfois sortir de son atelier afin de participer, d'une façon ou d'une autre, au développement du pays, au niveau culturel notamment. C'est encore plus important maintenant, en tant que Collectif, car nous fourmillons tous d'idées à proposer pour avancer, petit à petit… LGM : Dans le cadre de cette première exposition collective signant la naissance officielle du Collectif 212, chacun des artistes présente une œuvre d'un format similaire de 30x30 cm. Qu'avez-vous personnellement choisi d'exprimer à travers cette "fenêtre" ? Y.R : Déjà en 2003 deux de mes pièces parlaient du "retour" : un bocal Oumniya-Â'id de la série de sept intitulée Oumniya, et une installation nommée Intifada. J'y abordais alors le retour des émigrés ayant quitté leur pays à cause des guerres, de la famine ou tout simplement pour améliorer leurs conditions matérielles de vie : un retour pour reconstruire. Le travail que je prépare pour l'exposition du Collectif traite également du Retour : il s'agit cette fois d'une boîte en carton, dont l'in-térieur peint en blanc est illuminé par une source cachée et dans laquelle une petite barque, posée sur une ellipse symbolisant le monde, se dirige vers la Mecque. Cette orientation est une constante dans mes réalisations, elle exprime le retour vers soi. Le contenu de la boîte représente pour moi le monde matériel et physique, tandis que la lumière traduit le monde immatériel et l'éther. LGM : Lors de l'exposition individuelle qui vous sera ensuite consacrée à compter du 1er décembre prochain, nous pourrons découvrir plus largement vos dernières réalisations. Sans pour autant tout dévoiler, pouvez-vous déjà évoquer le sens de votre démarche actuelle et comment elle s'inscrit dans votre évolution artistique ? Y.R : Le sujet de mon exposition personnelle est encore le Retour, avec la barque et la lumière pour éléments visuels essentiels. Comme dans la plupart de mes derniers travaux, chiffres et formes apporteront aussi leur richesse symbolique. Palpables et impalpables, ce sont des éléments puisés dans ma propre culture et dans celles du monde. Je cherche toujours à aboutir à des résultats visuels et conceptuels universels, accessibles à tout le monde, des œuvres qui parlent du contemporain et mènent à la méditation.