L'artiste plasticien Younès Rahmoun expose jusqu'au 28 février à l'Institut français de Fès. Intitulée “Abyad“, la manifestation donne à voir une curieuse fascination pour l'apparat de la mort. “Madame la mort, Madame la mort ! Ne me serrez pas si fort !“, s'écrie l'écrivain Michel Leiris dans le dernier tome de “La Règle du jeu“. La Carmen de Bizet avait beau changer de cartes, la mort revenait têtue dans la main de la voyante qui lui prédisait son avenir. Younès Rahmoun et la mort, c'est l'histoire d'une oeuvre. La sienne qui est traversée de bout en bout par des linceuls blancs et des formes rappelant les tombeaux. Seulement, contrairement aux autres créateurs qui investissent toutes les ruses de leur vie pour se soustraire à la mort, l'artiste marocain lui ouvre ses bras. “La mort me touche, parce qu'elle me rappelle l'au-delà. Elle est la preuve de la vanité de croire à l'ici-bas“, dit-il. L'aime-t-il ? Il ne répond pas à cette question. Mais il la donne à voir dans des œuvres, confectionnées avec délicatesse, tendresse. Younès Rahmoun réalise des oeuvres participant de l'art contemporain. C'est un instalationniste, amoureux fou du blanc. Le blanc du kfen (linceul), précise-t-il. A l'instar de cette oeuvre intitulée “Layssa Lilkafani Joyoub“ (le linceul n'a pas de poches). Un tissu de 12, 50 mètres est entré dans la confection de cette pièce. Pourquoi cette mesure précisément ? L'artiste précise qu'elle correspond exactement à celle utilisée pour envelopper un mort. Ce linceul est plié plusieurs fois et attaché avec deux bandes du même tissu. Autre œuvre sentant la mort, celle composée de sept bocaux en verre transparent. Dans chaque bocal est inséré un bout de linceul, représentant “l'un des voeux de l'enfant palestinien“. L'exploitation artistique de la mort est née dans l'oeuvre de Younès Rahmoun, suite aux massacres de Jénine en mars 2002. L'artiste, né en 1975 à Tétouan, explique la genèse de cette fascination avec des expressions très pieuses. Ceux qui fréquentent des artistes ont du mal à se faire à ses propos, sentant la théologie. D'ailleurs les oeuvres n'échappent pas à la religiosité de leur auteur. Il emploie souvent cinq ou sept pièces, en référence au nombre de prières quotidiennes, de cieux ou “de jours durant lesquels Dieu créa le monde“. Lorsqu'on se hasarde à demander à Rahmoun qu'il est difficile de se représenter un artiste contemporain qui compose avec la religion, il répond que “l'art n'est qu'un médium“. C'est l'artiste qui lui fait faire ce qu'il veut. Il précise cependant qu'il ne cherche jamais à ce que ses travaux soient cultuels. Le but qu'il assigne à son art n'est pas consciencieusement orienté vers la religion. Mais, ajoute-il, “Mes œuvres finissent par me ressembler“.