En un mois, trois scandales ont secoué la ville Cela s'apparente à un effet d'entraînement, mais la ville de Marrakech vit depuis quelque temps une série d'affaires et de scandales qui se suivent sans se ressembler et qui secouent la ville ocre. Corruption, fraude, falsification des autorisations de construire, dilapidation et “vols” au Palais royal de la ville… ? Marrakech aura tout vu ces dernières semaines. Retour sur quelques affaires qui ont éclaboussé les autorités de la ville. Cela ne fait pas partie de l'opération d'assainissement pour mauvaise gestion des deniers publics, entreprise depuis plus d'un an à Casablanca. Mais c'est tout comme. Marrakech, encore elle, vit plusieurs affaires similaires qui ont secoué la ville ocre ces deux dernières semaines. Police, Force de l'ordre, élus locaux, fonctionnaires et fournisseurs du Palais, promoteurs immobiliers, restaurateurs, ex-hauts responsables des autorités locales de la ville… Tout ce beau monde est impliqué, d'une manière comme d'une autre, et la liste peut encore s'allonger au fur et à mesure de l'avancement des enquêtes, dans plusieurs scandales qui ont éclaté, les uns après les autres, avec un effet d'entraînement au tout début de ce mois de septembre. Commençons par le commencement. Jeudi 1er septembre 2005, le corps de la police de Marrakech est éclaboussé par l'arrestation et l'incarcération de l'un de ses hauts gradés, un commissaire principal et chef de la sûreté urbaine du nom de Mezouari Glaoui, par les éléments de la police judiciaire de la sûreté de Marrakech Médina. Les chefs d'accusation portent sur la corruption. Le sujet occupe toutes les conversations des Marrakchis et l'affaire grossit de jour en jour. Corrupteurs et corrompu Tout a commencé pour lui lorsque les propriétaires d'un restaurant-bar ( ils sont des étrangers ) situé au quartier Guéliz ont déposé une plainte pour racket et corruption contre ce responsable sécuritaire à la préfecture de police de Marrakech. Aussitôt informé, Brahim Oussirou, le préfet de police de Marrakech décide d'ouvrir une enquête judiciaire pour tirer cette affaire au clair. Le parquet de la ville est prévenu et décide immédiatement de suspendre le commissaire de ses fonctions pour les besoins de l'enquête. Aux éléments de la police judiciaire chargés de l'interroger, le prévenu, à deux ans de sa retraite, nie en bloc les accusations portées à son encontre et crie aux règlements de comptes. Il formule la demande pour que soit organisée une confrontation avec les propriétaires du restaurant qui, dit-il, veulent sa peau pour l'unique raison qu'il leur interdisait de dépasser l'heure de fermeture légale de leur débit de boissons. Chose faite et les enquêteurs acceptent la démarche. Ce qui a fait découvrir le pot-aux-roses et les tribulations du commissaire Mezouari Glaoui qui se veut “au-dessus de tout soupçon”. Devant le parquet, le prévenu s'en défend, à quelques jours de sa garde-à-vue, non sans donner l'image d'un innocent, pris entre les tenailles d'un réseau de corruption. En effet, de la confrontation entre les deux parties ( les corrupteurs et le corrompu ), il en ressort bel et bien une histoire de corruption avérée et des incarcérations des trois propriétaires du restaurant, quatre de leurs employés et le commissaire principal. Aussi bien la partie plaignante ( les proprio du restaurant ) que le responsable sécuritaire ont été compromis dans cette affaire de pots-de-vin qui a révélé au grand jour les connexions occultes du monde de la nuit à Marrakech. En contrepartie des sommes sonnantes et trébuchantes, le commissaire aurait, selon les éléments de l'enquête, monnayé son silence pour que l'établissement incriminé travaille imperturbablement dans l'illégalité. Ceux qui ont “volé” le Souverain Fermeture tardive, prostitution, drogue, mineurs…, les patrons du restaurant-bar auraient cédé au chantage du commissaire jusqu'au jour où ils ont décidé de couper le robinet. Au jour d'aujourd'hui, les prévenus ( au nombre de 8 ) sont incarcérés à la prison de Marrakech en attendant l'ouverture de leur procès au courant de la semaine prochaine. Parallèlement à ce scandale, et à quelques jours seulement d'intervalle, une autre affaire a pris forme avec l'éclatement du dossier du cambriolage du Palais royal de Marrakech. Nous sommes le 4 septembre 2005 et la machine judiciaire de la ville ratisse très large, au niveau des fournisseurs et des fonctionnaires de la résidence royale, pour mettre la main sur les membres de toute une bande qui ont osé dépouiller le Souverain. L'heure est grave et rien ne filtre, discrétion oblige, quant à l'identité et à la valeur des objets volés. Au total, ce sont 19 suspects (dont un infirmier du Palais royal en état de liberté provisoire) qui seront arrêtés et traduits devant le parquet de la ville pour des chefs d'accusation gravissimes comme la dilapidation de deniers publics, le vol qualifié, l'abus de confiance, le recel et la complicité. Alors que l'enquête policière bat son plein, un malheureux événement surgit pour donner à l'affaire une autre dimension avec le décès survenu le 3 septembre dernier de l'un des témoins clé dans cette affaire dans les locaux de la police judiciaire de la ville. Il s'agit de Hassan Zoubairi Ben Yahia appelé pour une confrontation avec un autre prévenu qui l'avait cité au cours de son interrogatoire par les éléments de la PJ. Alors que la famille du défunt criait à la torture au tout début de l'enquête, les rapports de la médecine légale fournis au parquet de la ville ont finalement favorisé la thèse de la mort naturelle. En effet, dans sa sortie médiatique, le procureur général du Roi près de la Cour d'appel de Marrakech a déclaré que le décès de Hassan Zoubairi Ben Yahia était dû catégoriquement à une suffocation aiguë provoquée par des troubles de fonctionnement du cœur, des artères et des poumons du défunt qui ne vivait qu'avec un seul rein. Et d'ajouter : “qu'aucune trace extérieure de violence n'a été constatée sur la dépouille”. L'incident est donc clos et l'affaire suit son cours normal, même si la famille Zoubairi campe toujours sur ses positions. Fraude et falsification Le dossier est confié au juge d'instruction de la Cour d'appel qui n'a pas encore fini d'auditionner les prévenus et les témoins à charge avant de les présenter à la justice. La troisième affaire, très récente, qui éclabousse les autorités locales de la ville et qui semble faire tache d'huile, est celle du scandale qu'a soulevé la construction d'une résidence, à usage d'habitation, du nom de Boukraâ, bâtie à proximité du Palais royal sis route de Fès. En fait, l'affaire se résume en la falsification des autorisations de construction délivrées par la municipalité de Sidi Youssef Ben Ali à un promoteur immobilier du nom d'Atlassi, très influent à Marrakech. Pour l'instant, l'enquête n'est qu'à son commencement et une commission du ministère de l'Intérieur est dépêchée sur place pour auditionner les différents protagonistes dans cette affaire : l'ex-wali de Marrakech, Mohamed Hassad ( à présent wali à Tanger), l'ex-gouverneur de la préfecture Sidi Youssef Ben Ali, Mohamed Daoudi ( aujourd'hui gouverneur attaché au ministère de l'Intérieur), le président de la municipalité des Palmiers, l'architecte en chef de la même municipalité, le promoteur immobilier… Selon une source digne de foi, la résidence en question (composée de plusieurs immeubles de 5 étages) a été bâtie sur une zone villas, ce qui représente un manquement grave au plan d'aménagement, initialement établi au niveau de la wilaya de Marrakech qui stipule en substance que : «pour des raisons de sécurité, nul n'est autorisé à construire des habitations qui peuvent surplomber l'une des demeures royales de la ville». Dans ce cas de figure, visible à l'œil nu, il y a eu bel et bien fraude quelque part et la commission centrale d'inspection du ministère de l'Intérieur, chargée de l'affaire, épluche soigneusement les dossiers pour déterminer les responsabilités de chacun des protagonistes dans cette affaire avant de les présenter à la justice. Nous y reviendrons la semaine prochaine.