Les partis peuvent-ils tourner sans guerres intestines, petites phrases assassines et autres coups au-dessous de la ceinture ? En tout état de cause, même un PJD, réputé bien cimenté et solidaire, n'échappe pas à des conflits de chapelles. Le dernier en date, les fleurets mouchetés, voir la guerre de tranchée enclenchée ces derniers mois opposant, au premier lieu, Mustapha Ramid à Abdelilah Benkirane. Ce dernier ne rate plus une sortie pour régler son compte à " la ligne officielle ", incarnée par le premier. Benkirane, lui, adresse des méchancetés à Ramid, tout en gardant le sourire. Dans la foulée, un fossé se creuse entre deux tendances qui n'hésitent pas à se jeter des vérités qui dérangent. Décodons : dans sa dernière sortie médiatique, celui qui a longuement été le porte-parole non déclaré du PJD et l'ancien chef de son groupe parlementaire, Ramid en l'occurrence, déclare être en conflit " profond " avec la direction de son parti. D'abord, il affirme " boycotter les réunions du secrétariat général ", sans pour autant bouder " les activités organisées par les instances de (son) parti ". Une manière, pour l'avocat islamiste, de signifier qu'il a choisi " la base ". Contre le sommet, bien évidemment. Ne le voilà-t-il pas qui ajoute de but en blanc : " ma vision politique diffère complètement de celle de certains de mes pairs du secrétariat général ". Plus : dans son interview accordée à notre confrère " le Journal ", Ramid se positionne à l'extrême (même) de la ligne actuelle. " Je ne veux pas être responsable ou cautionner la manière dont cette période (actuelle) est gérée ", dit-il en substance. Et d'ajouter : " je ne suis pas d'accord avec les choix politiques de l'instance dirigeante du PJD ". En fait, à l'inverse de ce que l'on croit savoir quand il exprimait son différend avec " certains de (ses) pairs ", c'est toute l'instance, donc toute la ligne qui est ici mise en cause. Ramid, seul contre tous ? Oui, et non ! Oui car celui que les médias ont présenté comme la " bête noire " de l'Intérieur s'est senti visé lors de son élection à la tête du groupe PJD, et garde encore des rancunes à l'égard de la direction. Non, car Ramid essaie de jouer le jeu de la " base " qui a été bafoué en sa personne. " Le conseil national, explique-t-il est la plus haute instance après le congrès. Ses décisions doivent être exécutées par le secrétaire général. Chose qui n'a pas été faite ". En guise de toile de fond, Ramid enfonce le clou davantage ; en accusant la direction d'accepter l'intervention de l'Intérieur. De l'insinuation à l'attaque frontale, il n'y a qu'un pas que l'avocat n'hésite pas à franchir : " mes pairs ont anticipé la colère du pouvoir (…) et c'est plus dangereux ", accuse-t-il. La raison, lui, il l'a cherchée chez Saâdeddine Othmani. Pour Ramid, ce dernier a accepté ce que l'ancien S. G, et non moins parrain proclamé des islamistes légalistes, Abdelkrim Khatib a toujours refusé l'intervention du ministre de l'Intérieur. Othmani, dit-il " n'a pas osé ". Ce manque de courage, moral et éthique, Abdelilah Benkirane l'avait déjà implicitement et avec le verbe de la " confrérie " de toujours reproché à Ramid lui-même. Retour en arrière L'histoire remonte au mois de juillet dernier. Dans une interview qui a fait la " Une " d'Assahifa du 13 au 19, Abdelilah Benkirane avait –clairement et crûment- accusé son collègue au sein du S.G de faire dans la demi-vérité. Sans occulter le désaccord politique qui les sépare, Benkirane déclare : " ce qui attire mon attention dans les déclarations de Me Ramid, c'est qu'elles ne disent pas toute la vérité ". Sur quoi, au juste ? Si Ramid croit dur comme fer que la présidence du groupe PJD est perdue, " à cause de l'interventionnisme de l'Intérieur ", cette conviction est –pour Benkirane- nulle et non avenue. " Archi faux ! " s'insurge-t-il. S'en suivent des détails, davantage pour relativiser les " vérités " de Ramid que pour trouver un terrain d'entente avec celui qui ne mâche plus ses mots. Lors de la première élection, c'est-à-dire en octobre 2003, apprend-on du plaidoyer de Benkirane, le S.G du parti islamiste a voté Ramid. " Ce dernier a fini par démissionner parce qu'il l'a jugé utile, pour l'intérêt du parti ". Comme pour tous les partis au Parlement, le PJD devait choisir, pour le deuxième round du Parlement, un président pour son groupe. Encore une fois, Ramid est en lice. C'est-à-dire dans une position de conflit. Ou plutôt de confusion. A en croire Benkirane, l'avocat est la victime de lui-même. Ce dernier aurait " suscité " des articles dans la presse –notamment " Al Ayyam " et " Assahifa "- qui font état d'une " quelconque intervention de l'Intérieur ", au cas où " Ramid ne serait pas élu ". Qu'à cela ne tienne. Pour Benkirane, ce jeu s'apparente à " des pressions inacceptables " ! Morale de l'histoire : sa chute, le trublion ne la doit qu'à ses propres pressions et non à celles de l'Intérieur ! Désamour Vérité pour vérité, Mustapha Ramid rend la pareille à son pair. " Effectivement, je n'ai pas tout dit. Et je ne crois pas que Benkirane a également tout dit ". Ce ton " amical " est trompeur, en fait il cache un jeu subtil de… désamour. Plus, de menace. " J'attends que mon frère rectifie ce qu'il avait déclaré dans cette interview. Dans le cas contraire, je serais obligé de dire certaines vérités " a-t-il menacé. Entre temps, Saâdeddine Othmani semble déjà avoir trouvé, et la réplique et le moment opportun. Lors de l'organisation du 4ème forum de la jeunesse à Kénitra de son parti, Othmani était accompagné de… Abdelkrim Khatib. Tout un symbole ! Que fera Benkirane ?