L'Iran vient de provoquer l'Occident tout entier en levant les scellés sur son usine d'Ispahan, officialisant ainsi la reprise de son programme nucléaire. Si les Etats-Unis ont immédiatement condamné ce nouveau geste de défiance comme un signe de «mépris» envers la communauté internationale, les 35 membres du conseil des gouverneurs de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), réunis à Vienne mercredi dernier, ont peiné à s'entendre sur un texte. Il n'y a aucun doute du fait que l'Occident, qui joue toujours l'hypocrisie, est désormais perturbé par les manipulations entreprises par les dirigeants de la République islamique. Cette dernière ne se contente plus de persister et signer, mais va jusqu'à confirmer que le nucléaire est devenu un symbole de souveraineté nationale pour l'Iran. En bref, Téhéran qui maitrise maintenant parfaitement le jeu sur le clavier du nucléaire dans la région du Moyen-Orient, est en même temps consciente des points de faiblesse aussi bien des Américains que des Européens. Et, par là, elle agit en conséquence des faits. Les Etats-Unis, notamment avec leur enlisement grandissant en Irak et leurs revers en Afghanistan, auxquels s'ajoutent les complexités internes à cet égard, seront incapables de s'attaquer militairement à l'Iran. Ce que Mahmoud Ahmedi Nejad et sa nouvelle équipe réalise. Tout ce que pourrait faire Washington dans le court terme, c'est d'afficher son désir de voir le dossier iranien aller au Conseil de sécurité de l'ONU. Un souhait autour duquel les européens sont divisés. Quant à l'Etat hébreu, qui pourrait jouer la force de frappe militaire contre les installations nucléaires à la place des Etats-Unis, il a aujourd'hui beaucoup de soucis qui l'empêcheront de sous-traiter une telle aventure. La preuve, les différentes déclarations des proches collaborateurs d'Ariel Sharon soulignant qu'Israel estime être la cible du programme nucléaire iranien. Réalité ou intox, allez savoir. Tous les indices montrent que ni le temps ni la conjoncture ne jouent aujourd'hui en faveur des Occidentaux. Ce, alors que la République islamique tient de plus en plus de cartes régionales tout en consolidant ses alliances. La visite la semaine dernière du président syrien, Bachar al-Assad, dans la capitale iranienne et les déclarations communes émanant des discutions entamées, défiant l'administration Bush en premier, et une partie de ses alliés européens en deuxième, le prouvent. Les divisions étalées de l'AIEA face à l'Iran ainsi que les déclarations du Président américain appelant «les amis en Europe à mener les efforts diplomatiques pour convaincre les Iraniens d'abandonner leurs ambitions nucléaires», relèvent de la pure hypocrisie. Washington oublie là son discours plaçant Téhéran au cœur de l'axe du mal. D'autre part, Ahmedi Nejad répond par la poursuite de ses manipulations qui font partie de sa stratégie du «poker menteur». Ce dernier se dit «prêt à poursuivre les discussions». Dans ce contexte, il semble que tout le monde gagne du temps, attend des changements sur le terrain. Mais, en tout état de cause, et à y regarder de plus près l'évolution de ce bras de fer mesuré, personne ne semble prêt, au moins pour l'instant, à envoyer un signal fort au fils «adoptif» d'Ayatollah Ali Khamenei. Il y a probablement un besoin pour multiplier les efforts diplomatiques internationaux afin d'éviter une future confrontation entre les Etats-Unis et l'Iran. C'est ce qu'indiquent les spécialistes en matière de stratégie militaire. Ces derniers pensent que cette confrontation pourrait commencer par des sanctions économiques et un durcissement de l'embargo sur Téhéran. Mais ils finissent par affirmer que la frappe militaire américaine est inéluctable. Mais celle-ci ne sera pas sans une douloureuse riposte de la part des Iraniens contre les intérêts américains dans toute la péninsule arabique, et même contre Israél. Le gouvernement iranien passe aujourd'hui les messages- menaces dans tous les sens. Il l'a déjà fait savoir à Mohamed al-Baradei le haut responsable auprès de l'AIEA : «Si les Occidentaux appliquent des sanctions sur la République islamique, cette dernière n'hésitera pas à se retirer du Traité de non prolifération des armes nucléraires comme l'avait déjà fait il y a deux ans et demi la Corée du Nord. La crise aura alors une toute autre dimension».