Ahmed Amor livre les détails du projet d'instauration du professionnalisme On pensait depuis le 7 juillet dernier que le professionnalisme ne sera instauré au Maroc qu'au bout des quatre années qu'aura duré le processus de mise à niveau du football marocain. Mais grâce à la bonne volonté conjuguée dont ont fait preuve le Premier ministre Driss Jettou, le ministère de l'Intérieur via sa direction des collectivités locales et les principaux autres intervenants dont la FRMF, le GNF et le département du sport, le processus vers le professionnalisme étalé sur 4 années a été avancé à la prochaine saison 2005-2006. Voici les raisons de cette décision expliquées en exclusivité pour la Gazette du Maroc par le secrétaire général de la FRMF Ahmed Amor, ainsi que les grandes lignes du professionnalisme marocain qui entrera en vigueur à la mi-septembre. La Gazette du Maroc : quelles sont les étapes qui ont été franchies dans le processus de mise à niveau du football national devant mener à l'instauration du professionnalisme dans le football marocain, depuis la signature le 7 juillet dernier du contrat-programme entre le gouvernement et la FRMF ? Ahmed Amor : avant de répondre en détail à votre question, permettez - moi d'abord de vous donner une idée sur les conditions dans lesquelles nous avons accompli notre travail sur la route de la mise à niveau du football national tout au long des deux dernières années et précisément depuis que le Premier ministre Driss Jettou nous a fait part de sa volonté de tout mettre en œuvre pour réussir cette mise à niveau du football national et assurer les meilleures conditions possibles de son passage au professionnalisme. Bien que le contrat - programme signé le 7 juillet dernier se proposait initialement d'instaurer progressivement le professionnalisme dans le football marocain sur une période de quatre années, soit entre 2005 et 2009, nous avons senti sur la base de la disponibilité et de la volonté manifestée par les pouvoirs publics à l'égard de la FRMF que le temps est peut-être venu de passer directement à un système professionnel intégral. La Fédération et le groupement des clubs d'élite (GNF) ont donc décidé d'instaurer ce système professionnel dès la saison prochaine 2005-2006 Pourquoi une telle décision ? Je peux vous affirmer que deux raisons principales nous ont poussé à franchir ce pas. D'abord le chemin parcouru depuis deux années pour la mise à niveau de notre football et l'adhésion à cet ambitieux projet de tous les décideurs au niveau du gouvernement. Tous se sont mobilisés pour hisser notre football que ce soit sa gestion ou son organisation au niveau des grandes nations du football mondial. La meilleure preuve est que tous les ingrédients favorisant un tel saut qualitatif sont aujourd'hui réunis, surtout après la signature du contrat-programme FRMF – gouvernement. En plus, il y a lieu de souligner un fait nouveau à savoir l'entrée en vigueur du nouveau règlement de la FIFA qui depuis le 1er juillet 2005 ne distingue plus que deux types de joueurs : le joueur amateur et le joueur professionnel. Partant de ces données, la FRMF et le GNF ont décidé de mettre en place ce championnat professionnel dès la prochaine saison. Comment cela va-t-il se traduire dans les faits ? Les avantages dont bénéficieront les clubs d'élite dans le cadre de ce championnat professionnel sont multiples. Permettez-moi de citer ici les facteurs les plus importants : 1- Construction et financement par la FRMF et le GNF de centres de formation pour l'ensemble des 16 clubs d'élite; 2- Financement par la FRMF et pendant cinq années de tous les frais de fonctionnement de ces centres de formation; 3- Edification de 16 terrains à gazon artificiel pour l'ensemble de ces 16 clubs de GNF 1, 4- Signature avec les collectivités locales d'une convention prévoyant la remise en état des stades où se jouera ce championnat professionnel. A ce propos, il y a lieu de citer deux aspects importants de cette convention : l'éclairage des terrains et l'amélioration des conditions d'accueil des spectateurs; 5- En plus de toutes ces dispositions, tous les clubs du GNF vont recevoir de la FRMF et du GNF une dotation que nous avons arrêtée pour sa première année à 1.200.000 DH; 6- Nous avons également instauré une prime de mérite en championnat et coupe du Trône avec un barème incitatif fort encourageant (voire encadré ); 7- Tous les clubs qui représentent le Maroc dans des compétitions africaines, (Champion's League africaine et coupe de la CAF) seront pris en charge par la FRMF et le GNF pour leurs frais de transport et leurs séjours en déplacement. Quelles sont les conditions que les clubs candidats au professionnalisme doivent remplir ? D'abord le respect d'un cahier des charges clair et contraignant; Ensuite, l'obligation d'établir un contrat professionnel avec leurs joueurs. Tout cela en plus d'autres dispositions concernant d'autres aspects pratiques au sein de leurs structures tels le règlement intérieur, la nécessité de se doter d'un directeur général et d'un directeur chargé du personnel administratif du club, l'obligation de disposer d'un registre comptable et d'un commissaire aux comptes. Pour faciliter la tâches à l'ensemble des intervenants, en particulier les clubs d'élite, nous avons intégré des modèles de tous les contrats que les clubs doivent établir avec leurs joueurs, entraîneurs et autres partenaires dans le cadre d'un cahier des charges clairs et précis et couvrant tous les aspects de la pratique dans le cadre d'une organisation totalement professionnelle. En dépit des multiples appels lancés par la fédération et le GNF tout au long de la saison passée suite à l'affaire Sarsar, nombre de clubs d'élite n'ont pu jusqu'à présent disposer de contrats en bonne et due forme avec leurs joueurs. Le dernier cas est celui du joueur du Wydad Aït El Arif qui vient de rejoindre un club tunisien sous l'œil impuissant de son club ? Nous avons longuement débattu de cette question tant au niveau de la FRMF qu'à celui du GNF. C'est la raison pour laquelle nous avons décidé que dès la saison prochaine 2005-2006, la licence, à elle seule, ne sera pas suffisante pour homologuer la qualification d'un joueur en vue de participer au championnat national. Désormais, il faudrait en plus de cette licence une copie du contrat établi avec le joueur et l'adresser à la commission fédérale d'homologation au sein de la FRMF. Autrement le joueur ne peut en aucun cas être autorisé à disputer le championnat avec son club même s'il dispose d'une licence. Nous avons également exigé un contrat club- entraîneur, lequel figure également parmi les documents modèles contenus dans le cahier des charges. Enfin et pour s'assurer du bon rendement du club professionnel marocain , nous avons introduit une clause supplémentaire mais néanmoins contraignante concernant la nécessité que le terrain sur lequel un club professionnel dispute ses matches à domicile doit disposer d'un nombre déterminé de places assises. La division du football d'élite au Maroc est constituée aujourd'hui de pas moins de 16 clubs. Nombre d'entre eux n'ont apparemment pas les moyens de se conformer à un cahier des charges aussi exigeant. Ajoutons à tout cela le fait que la FRMF et le GNF n'ont pas les moyens d'assurer la dotation annuelle de 16 clubs ( plus de 19 millions de DH). On avait parlé depuis plusieurs saisons d'un projet de ramener les clubs d'élite à 14 clubs seulement voire même à 12 clubs. Qu'en est- il dans les faits ? Nous sommes profondément conscients de cette réalité mais je ne m'amuserais pas à vous citer quels sont les clubs en mesure de remplir les conditions du cahier des charges et quels sont ceux qui ne le sont pas. Car c'est le strict respect des dispositions de ce cahier qui va déterminer cela. Néanmoins, je peux vous assurer que le bureau fédéral a déjà décidé et dès cette saison 2005-2006 de ramener le nombre de clubs de 16 à 14 clubs seulement. Cela se traduira donc par la relégation cette saison de quatre clubs et la montée de deux seulement. Nous avons encore une année pour voir s'il n'est pas dans l'intérêt de notre football de ramener encore les clubs d'élite à 12 au lieu de 14. Mais dès la saison prochaine, nous savons que les six clubs d'élite classés aux premières loges et qui sont donc qualifiés pour disputer une compétition africaine ou arabe vont recevoir une dotation intéressante et que pas moins de quatre seront relégués en GNF II. Quelles sont les autres grandes décisions que la FRMF vient de prendre dans la perspective de réussir ce processus du football professionnel marocain ? De nombreuses mesures d'accompagnement sont déjà lancées dans cette perspective. Mais permettez-moi surtout de vous expliquer la philosophie de la FRMF et de ses partenaires au sujet de la mise à niveau du football national. D'abord, la mise en place d'une Direction technique nationale, la DTN qui sera installée avant le début de cette saison. Ensuite, il y a l'amorce d'une réorganisation de fond en comble des structures de la Fédération Royale Marocaine de Football. Celle-ci, pour s'adapter à la nouvelle donne, doit se doter de nouveaux cadres supérieurs et compétents, de spécialistes dans de multiples secteurs tels le marketing, l'informatique, l'administration, la comptabilité etc. La fédération s'est engagée à fournir plus de 55 % du budget alloué pour la concrétisation de la mise à niveau du football national. Quelles seront dans cette perspective ses ressources financières ? Bien évidemment, nous démarrons avec ce qu'il y a, s'agissant aussi bien des clubs aptes à répondre aux conditions d'intégration au processus professionnel ou encore de cette condition sine qua non de réussite qui est la nécessité de disposer de ressources financières importantes et surtout stables. A propos de ce chapitre, la FRMF et le GNF se sont déjà lancés dans la mise en place de nouveaux contrats de sponsoring et sur les droits de retransmission de la télévision et nous n'avons pas encore perdu l'espoir d'améliorer ces ressources. Ce dont nous sommes certains en tous cas, c'est que notre football va s'améliorer sous l'effet de la mise en place des centres de formation, des stages que la FRMF s'engage à organiser périodiquement au profit des encadreurs, dirigeants, arbitres et autres intervenants et que nos ressources financières vont s'améliorer à mesure que notre football se développe et sa pratique se fera dans des conditions dignes des grands clubs professionnels et des grandes nations du football. Vous semblez trop miser sur la formation à tous les niveaux, mais est-ce suffisant pour rentabiliser ce professionnalisme alors que notre championnat souffre d'une hémorragie sans précédent de jeunes joueurs internationaux et qu'il n'a pas les moyens de recruter des stars du football international en mesure de crédibiliser cette compétition. Effectivement, nous misons sur la formation tous azimuts. Pour la simple raison que nous sommes certains que les 16 centres de formation que nous avons décidé d'édifier dès cette saison nous permettront de disposer d'au moins 300 jeunes joueurs de qualité, triés sur le volet et qui permettront prochainement à notre football de s'améliorer et d'évoluer sur des bases nouvelles. Il ne faut pas oublier que les pays qui ont évolué dans le professionnalisme, de la France à l'Italie en passant par la Grande-Bretagne, l'Espagne et le Portugal ont axé leur stratégie sur les centres de formation dont disposent les clubs. C'est l'axe principal de notre stratégie de mise à nouveau du football national. Prenez par exemple l'athlétisme où un seul centre de formation installé à Rabat depuis près de 20 ans nous a déjà permis de sortir chaque année quelques dizaines d'athlètes de très haut niveau. Des centres analogues en tennis, en football et dans d'autres sports permettront d'atteindre les mêmes résultats. Et ce n'est pas tellement l'absence de stars mondiales qui devrait nous préoccuper. Car si nous parvenons à garder ce que nous avons en potentiel joueurs dans leur propre pays, ça serait déjà beaucoup. En Tunisie par exemple et en Egypte, les joueurs ne choisissent que très rarement l'aventure professionnelle en Europe parce qu'ils sont satisfaits des conditions de pratique dans leur pays. Si nous parvenons à un tel résultat, ce serait déjà beaucoup pour notre football. Une dernière question si vous le permettez. Compte tenu de l'importance des sommes qui seront englouties dans cette opération de mise niveau et de l'instauration du professionnalisme dans notre football, nombreux sont ceux qui ne cachent pas leur suspicion de voir les dirigeants de clubs détourner à leur profit d'importantes sommes destinées au football . Quelles sont les mesures de contrôle que la FRMF et le GNF vont instituer pour garantir les conditions de transparence dans notre football pro? D'abord une précision fort importante : tout ce que l'Etat va octroyer à la FRMF dans le cadre de cette opération, soit 55 millions de dirhams par an, n'ira pas aux clubs. Il bénéficiera d'une gestion centralisée à partir de la FRMF. Les budgets prévus sont on ne peut plus clairs : 20 millions de DH pour les centres de formation, 16 millions de DH pour les terrains à gazon artificiel et le reste pour les primes de mérite en championnat et Coupe du Trône ainsi que la couverture des frais de participation des clubs à des compétions africaines et les dotations destinées aux clubs d'élite. Cela étant, tous les clubs doivent disposer d'un registre comptable, d'une gestion transparente garantie par un commissaire aux comptes. Et ce sera bien sûr à la justice et aux autorités monétaires de statuer sur le cas des détournements et des violations signalées dans l'excercice quotidien du club professionnel. Nous avons la certitude que les mécanismes de suivi et de contrôle existent et qu'il faut laisser le temps à nos dirigeants de clubs d'accomplir cette noble mission pour assurer la mise à niveau, la professionnalisation et la meilleure gestion possible du sport national. Noubliez surtout pas que dès son lancement, le secteur du football devrait pouvoir assurer près d'un millier d'emplois hautement rémunérateurs entre joueurs d'élite (près de 500 joueurs) leurs staffs technique et administratif, sans compter les bénéficiaires des centres de formation et les joueurs de GNF II qui sont en fait dans une situation de footballeur pré- professionnel. Voilà pourquoi il faudra leur donner le temps de travailler avant de juger objectivement leurs actes. Les détails de la prime de mérite aux 6 premiers du championnat et aux demi-finalistes de la Coupe du Trône Des primes de mérite seront instaurées dès la prochaine saison dans le football marocain. Un budget global de 7.200.000 Dh sera réservé à cette rubrique destinée à mieux motiver les clubs et à les compenser d'une partie des frais engagés durant la saison aussi bien en championnat qu'en coupe du Trône. Voici les détails de ces primes : Champion 1.500.000 DH Vice-Champion : 1.200.000 DH 3ème : 900.000 DH 4ème : 800.000 DH 5ème : 700.000 DH 6ème : 600.000 DH Soit une dotation totale de 5.700.000 DH Coupe du Trône : Vainqueur : 600.000 DH Finaliste : 400.000 DH Les deux autres demi-finalistes : 250.000 DH chacun soit un total de 1.500.000 DH
