Les leçons de la reconnaissance de la RASD par le Kenya L'Afrique du Sud, allié stratégique de l'Algérie, mise sur les pays d'Afrique anglophone, d'Afrique australe et orientale, pour contrecarrer les appuis des pays d'Afrique francophone de l'ouest et centrale à la thèse marocaine. Alors que l'écrasante majorité des pays francophones, situés en Afrique de l'ouest et centrale, se rangent du côté marocain dans le bras de fer qui l'oppose à l'Algérie depuis près de trente ans au sujet du Sahara, la toute récente reconnaissance de la RASD par le Kenya démontre à quel point la diplomatie marocaine continue d'éprouver toutes les difficultés du monde à pénétrer et à sensibiliser à sa cause, les pays d'Afrique anglophone. Particulièrement ceux d'Afrique australe et orientale, généralement situés dans la zone d'influence de l'Afrique du Sud, érigée depuis quelque temps en allié stratégique de l'Algérie. Souvenir des sommets de Naïrobi Ainsi, le Kenya , le pays de Jommo Kenyatta et d'Arap Moï, dont la capitale Naïrobi avait abrité il y a près d'un quart de siècle (1981) deux mémorables sommets où le Maroc avait, pour la première fois, accepté le principe du fameux référendum d'autodétermination au Sahara occidental, a décidé, à la surprise générale, d'aller à contre- courant de l'histoire en franchissant le pas de la reconnaissance de la chimérique république sahraouie. Une décision à la fois inopportune, inattendue et franchement inamicale de la part d'un pays qui a régulièrement adopté une attitude de "neutralité positive" en refusant constamment de prendre position dans un conflit dont tout le monde sait qu'il oppose essentiellement les deux grands Etats du Maghreb : le Maroc et l 'Algérie. Il est vrai qu'une telle reconnaissance n'aura pratiquement aucune incidence, ni effet sur l'évolution du conflit, au moment où toutes les grandes capitales et organisations mondiales, de Washington à Paris, en passant par Madrid, Moscou et l'organisation des Nations Unies, plaident et appellent à une solution politique pratique négociée entre les deux parties. Il n'en reste pas moins que le Maroc continue de traîner un gros déficit en communication avec les pays d'Afrique anglophone et que nos adversaires continuent d'en profiter pour donner au Polisario l'image d'un Etat authentique crédible. Thabo M'beki cherche à enrôler de nouveaux pays anglophones dans un nouveau front antimarocain En effet, depuis la reconnaissance du Polisario par l'Afrique du Sud , son président Thabo M'beki ne semble pas avoir perdu l'espoir d'enrôler de nouveaux pays africains dans un nouveau front. Il multiplie les initiatives, solennelles et discrètes, en vue de mettre en marche une nouvelle alliance qui puisse remettre en cause cette impressionnante vague de retraits de reconnaissance dans le continent africain tout au long des dix dernières années. Face au front pro- marocain constitué en majorité des pays francophones, que l'on disait capables de trouver le moyen de suspendre ou de geler l'appartenance de la RASD à l'Union Africaine et favoriser un retour du Royaume du Maroc au sein de l'organisation, les Algériens et leurs alliés sud-africains semblent miser de plus en plus sur un scénario totalement opposé dont l'objectif est de relancer un large front antimarocain en misant prioritairement sur les pays de l'Afrique australe et orientale où l'influence marocaine reste trop faible sinon insignifiante. Pour y parvenir, Pretoria miserait donc sur ses voisins anglophones dans une zone qui compte l'essentiel des pays reconnaissant la RASD : les anciennes colonies portugaises érigées en "dictatures populaires" constituées notamment de l'Angola et du Mozambique, qui s'ajoutent au Zimbabwé, à la Namibie, l'Ouganda et la Tanzanie sans compter nombre d'autres micro - Etats situés tout autour de la république Sud Africaine. Utiliser l'Afrique anglophone pour faire perdre au Maroc tous les acquis enregistrés chez les francophones Bien que de nouvelles reconnaissances de la RASD n'auraient aucune chance d'influer sur la volonté de la communauté internationale de favoriser la recherche d'une solution politique négociée , il n'en reste pas moins que nous assistons depuis quelque temps à une nouvelle tentative orchestrée par Alger et Pretoria et tentant de faire perdre à la diplomatie marocaine en Afrique anglophone, centrale et orientale, tous les acquis enregistrés chez les pays francophones d'Afrique de l'ouest et centrale. Plus proches de la zone du conflit, les pays francophones dont une bonne partie constituait l'essentiel des Etats reconnaissant cette chimérique RASD dans les années 70 et 80, avaient largement contribué à démasquer les manœuvres de la diplomatie algérienne depuis l'éclatement du conflit du Sahara. A Pretoria et Alger , on mise désormais sur de nouvelles manœuvres dilatoires qui cherchent visiblement à revitaliser une thèse séparatiste qui aura subi un échec cuisant tout au long des dernières années. Un constat qui appelle un redéploiement de la diplomatie marocaine en direction de l'Afrique anglophone pour tenter de résorber le déficit en communication que le Maroc n'a cessé d'accumuler auprès de ces pays. La relance des relations diplomatiques avec un pays comme le Bostwana, pays économiquement performant et voisin immédiat de l'Afrique du Sud, constitue incontestablement un pas dans la bonne direction. Il reste à renforcer cette démarche par de nouvelles campagnes ciblant en priorité le reste des pays de cette zone. Car , nonobstant l'aspect tout à fait superficiel de ces reconnaissances, elles risquent malgré tout de brouiller davantage les cartes en donnant au monde l'illusion de l'existence au Sahara d'un Etat fiable. La diplomatie algérienne nous a habitués à un tel comportement et seules des manœuvres de ce type peuvent encore lui permettre d'avoir de nouvelles raisons de s'accrocher à ses rêves en anticipant à chaque fois sur l'issue de la solution politique envisagée.