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La responsabilité des médecins mise en cause
Publié dans La Gazette du Maroc le 10 - 06 - 2002


Erreur médicale
La responsabilité juridique du médecin est-elle régie
par les mêmes règles selon le mode d'exercice : libéral, fonctionnariat, ou salariat? Peut-on sanctionner un médecin pour les erreurs et fautes commises à l'égard
du patient? Où en est la jurisprudence marocaine ?
Autant de questions mais peu de réponses…
Les textes de loi sont encore aujourd'hui très évasifs.
“Traiter de la responsabilité juridique du médecin serait s'aventurer dans les sentiers perdus de la justice”, disait l'autre.
Mal connue au Maroc, elle n'est pas régie par les mêmes règles selon le mode d'exercice : libéral, fonctionnariat, ou salariat. Par ailleurs, si la responsabilité morale du médecin est une, sa responsabilité juridique est plurielle. En effet, le médecin doit rendre compte à ses patients (responsabilité civile), à ses pairs (responsabilité disciplinaire), à la société toute entière (responsabilité pénale).
Responsabilité civile et compensation pécuniaire
Obligeant l'auteur du dommage causé à autrui de le réparer, la responsabilité civile offre à la victime une compensation pécuniaire. L'existence d'un préjudice constitue donc sa première condition . Ainsi, la réparation du préjudice est-elle proportionnée à l'étendue de ce dernier. Cette réparation suppose la conjonction de deux autres conditions : un fait dommageable (le comportement jugé illicite de l'auteur du dommage) et un lien de causalité (le lien de cause à effet entre le fait dommageable et le préjudice qui en résulte pour la victime).
Notons que la responsabilité civile couvre deux espaces distincts : l'espace contractuel (lorsque le préjudice découle de l'inexécution ou de la mauvaise exécution d'un contrat), et l'espace délictuel (lorsque le préjudice est totalement étranger à l'exécution d'un quelconque contrat)
Mais, autant au Maroc qu'en France, il n'existe pas de règles propres à la responsabilité civile du médecin, faute de régime particulier. Ce sont donc les règles générales (responsabilités contractuelle et délictuelle) qui s'appliquent au médecin. Cependant, cette transposition des règles générales à la profession médicale ne peut se faire qu'au moyen d'un effort d'adaptation qui revient au juge. C'est lui qui met en place l'édifice de la responsabilité civile du médecin à partir des spécificités de la profession médicale et du particularisme de certaines spécialités. Par ailleurs, si le juge en France s'est acquitté de cette tâche, et que la jurisprudence est parvenue à forger un droit de la responsabilité civile, au Maroc, la construction de ce droit est à peine amorcée.
En outre, la relation établie entre
le médecin et son patient prend la
forme d'un contrat particulier, et la responsabilité qui en découle est de nature contractuelle. Le contrat médical met à la charge du médecin non pas une obligation de résultat, mais une obligation de moyens. Le médecin doit non pas guérir, mais prodiguer des soins consciencieux, attentifs et, réserve faite de circonstances exceptionnelles, conformes aux données acquises de la science. Par ailleurs, la faute génératrice de la responsabilité civile du médecin n'est ni ordinaire, ni légère, mais une faute lourde, “qui s'accuse par des faits palpables et évidents”, et qui constitue en soi la négligence, l'imprudence, la maladresse et l'incompétence.
Responsabilité pénale, pour une défense de la société
A caractère répressif, le droit pénal, à l'encontre du droit civil, cherche à sanctionner, à punir et à corriger en souhaitant prévenir et dissuader. Ainsi, la sanction pénale est-elle proportionnée à la gravité de la faute et non à l'étendue du préjudice. Considérant que les médecins détiennent un pouvoir sur le corps des malades, la loi assure ainsi la protection des personnes qui pourraient être exposées à la malveillance, à la négligence, à l'imprudence ou à l'imprévoyance du médecin. Certes, les procès en responsabilité pénale suscitent la colère et l'indignation des médecins, mais certains de leurs actes revêtent une telle gravité qu'ils méritent des sanctions pénales. Le cas de la non-assistance à personne en danger est considéré comme la violation la plus élémentaire des devoirs humanitaires du médecin (omission de porter secours à personne en péril, article 431). Tel est aussi le cas de la violation du secret professionnel (article 446 du code pénal), ou encore l'avortement incriminé par l'article 451. Par ailleurs, les actions dirigées contre des médecins depuis le début des années 1980 ont augmenté, puisque les parquets éprouvent moins de scrupules à engager des poursuites contre les membres du corps médical.
Responsabilité disciplinaire, une dignité professionnelle
A l'instar du droit pénal, le droit disciplinaire sanctionne et ne dédommage pas la victime. Il ne vise pas à préserver l'ordre social, mais tend à défendre la moralité et la dignité professionnelle. Ainsi, le médecin est appelé à comparaître non devant les professionnels de la justice, mais devant ses propres pairs. C'est-à-dire l'Ordre des médecins chargé de contrôler l'exercice de la profession et d'assurer la police et la discipline professionnelles.
L'Ordre des médecins doit donc combattre les pratiques contraires à la déontologie ou attentatoires à la probité professionnelle ou à l'image de marque de la profession. Les sanctions prévues par le Conseil de l'Ordre des médecins varient de l'avertissement au blâme, à la suspension, voire à la radiation pure et simple.
La jurisprudence construit peu à peu les assises d'une responsabilité juridique médicale qui protège le patient et préserve ses droits. Néanmoins le corps médical reste l'un des plus organisés et des plus solidaires, qui relègue souvent les plaintes déposées à de glorieux acquittements.


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