L'erreur médicale met ses victimes devant un véritable casse-tête juridique. Entre la difficulté d'établir la faute du médecin et la complexité des procédures judiciaires, le traitement de la question se présente souvent d'une façon problématique. Quelle est la véritable définition de l'erreur médicale sur le plan juridique ? Cette question a fait depuis longtemps l'objet d'intenses débats aussi bien dans la doctrine juridique que dans la jurisprudence des tribunaux. Pour situer le problème, il convient de rappeler que les médecins ont une obligation de moyen et qu'il ne suffit pas, pour engager leur responsabilité en cas d'erreur, de démontrer l'absence de résultat. Pour qu'elle soit engagée, la responsabilité du médecin nécessite l'existence d'une faute qui cause un préjudice. Le lien de causalité entre la faute et le préjudice doit être en outre clairement établi. Quand peut-on parler de faute ? Pour Maître Mohamed Omar Tayeb, avocat au barreau de Casablanca, la faute intervient lorsqu'un médecin dépasse les limites conventionnelles dans l'exercice habituel de son art. La doctrine évalue cette faute par rapport à la conduite d'un médecin prudent et diligent placé dans les mêmes circonstances ». Ainsi, une erreur de diagnostic ne constitue pas une faute susceptible d'entraîner une indemnisation. Par contre, un diagnostic posé imprudemment ou négligemment pourra donner ouverture à la responsabilité médicale s'il s'avère erroné. Juridiquement, il a y lieu de distinguer entre la faute civile et la faute pénale. La faute pénale est assimilée à une faute lourde. Il s'agit par exemple du cas d'un médecin en état d'ivresse qui opère un patient, ou encore lorsqu'il commet une négligence manifeste durant l'opération. La base pénale de cette faute se trouve dans les articles 432 et suivants du code pénal, relatifs à l'homicide et aux blessures involontaires. Ces articles stipulent en effet que « quiconque, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou inobservation des règlements, commet involontairement un homicide (…) ou des blessures entraînant une incapacité… est puni de l'emprisonnement…». Concernant le préjudice, celui-ci se présente de deux manières. Soit le patient a été blessé dans sa chair de façon provisoire ou définitive du fait des soins, soit a subi les conséquences d'une affection qui pouvait être évité. Une fois ces deux éléments réunis, à savoir l'établissement de la faute et l'existence du préjudice, il y lieu d'introduire une action en justice. Dans le cas d'une faute pénale, le patient lésé ou son représentant ont la possibilité de recourir à deux types de procédures. Soit porter plainte devant le procureur du Roi ou adresser la réclamation directement au tribunal. À ce stade, le juge fait appel à une expertise médicale. Vu le caractère technique du problème, celle-ci est effectuée par des praticiens. Et donc, des médecins. «À ce niveau, c'est la vraie impasse. Les médecins sont généralement frileux à l'idée de dénoncer un confrère» renchérit Me Tayeb. Le taux des affaires où l'expertise médicale établit clairement la responsabilité pénale des médecins est extrêmement faible. S'agit-il d'une insuffisance de la loi ? Non, rétorque Me Tayeb. Le problème s'explique par des considérations qui dépassent le simple cadre de la loi. Qu'elle soit civile ou pénale, les médecins marocains ne sont pas en effet suffisamment assurés pour une éventuelle faute professionnelle. Ce qui renforce les réflexes corporatistes durant les expertises. En Europe et aux Etats-unis, les médecins consacrent une part non négligeable de leurs revenus pour s'assurer au cas où ils commettraient une faute. Si la procédure pénale pèche par la formalité de l'expertise, la procédure civile comporte également des obstacles. La procédure d'indemnisation civile est subordonnée au paiement de taxes judiciaires exorbitantes. Si l'on ajoute les frais d'avocat, un bon nombre de patients lésés préfère tout simplement abandonner les poursuites.