Abdessamad a failli mourir par une nuit d'été. Il était mal, avait les vagues à l'âme et le cœur serré toute la journée : "je savais qu'un malheur allait m'arriver et croyez-moi, j'ai pris du ‘karkoubi' pour me calmer et dormir. J'avais peur des minutes qui s'égrenaient. Nous étions très nombreux dans cette cellule, la chaleur nous étouffait. J'avais mangé des œufs et fait du thé à la menthe pour un compagnon de cellule. C'est là que j'ai avalé mes deux premières pilules. C'était du Rohypnol. J'ai réussi à fermer les yeux pendant un quart d'heure, puis il y a eu trop de bruit. Je transpirais beaucoup et me sentais très mal, toujours la gorge serrée et le cœur palpitant. J'avais aussi très soif. Le temps était du plomb et pour en finir, j'ai avalé deux autres pilules. J'en avais acheté dix à un dealer qui fournissait tout le secteur. La moitié était du troc, des paquets de cigarettes Marquise, l'autre moitié de l'argent que mes parents avaient passé dans le pain. J'avais à maintes reprises demandé à mon frère de m'en acheter à l'extérieur pour moins cher, mais il avait peur de se faire prendre à l'entrée de la prison. J'étais enragé contre ses fils de pute qui nous vendaient l'Karkoubi en prison. Ils se faisaient un argent de tous les diables alors que nous étions là à vendre nos habits pour nous payer des " Bola Hamra " de merde. J'avais juré de faire la peau à l'un d'entre eux et j'avais déjà repéré ma cible : un gros minable qui m'avait un jour refusé une pilule pour deux dirhams qui manquaient alors que j'avais laissé chez lui des milliers de dirhams depuis quinze mois. J'ai fait un tour, j'ai essayé de laver quelques habits et puis j'ai senti la chaleur me serrer le corps comme dans un four. J'ai pris deux autres pilules et je me suis calmé pendant dix minutes. En début de soirée, j'étais très excité et j'avais envie d'en découdre avec quelqu'un. J'ai demandé qu'on m'appelle le dealer pour lui acheter quatre autres pilules. Il avait ses commis qui sont allés le chercher. C'est là que je me suis décidé de lui planter une lame dans le cou. Je voulais lui faire payer son refus de me dépanner. J'ai attendu qu'il soit à l'intérieur de la cellule et en marchandant avec lui, j'ai asséné mon coup, je l'ai raté de peu. Les autres se sont jetés sur moi et lui m'avait cassé les dents avec un coup de tête. Les gardes sont venus, ils nous ont séparés et chacun est parti dans son coin. Pourtant, je ne pouvais pas me calmer. J'étais fou de rage. Hystérique. Je me cognais la tête contre le mur, je saignais du front et là, j'ai repris une autre lame que j'avais sous la semelle de mes espadrilles et j'ai commencé à m'ouvrir la chair. Plus de 30 coups jusqu'à ce que je perde connaissance. Je me suis vidé de mon sang. Il a fallu me transporter à l'infirmerie. On m'a cousu tant bien que mal et mis des bandes sur le cou, le ventre, les bras et les épaules. J'y suis resté dix jours. Je ne sais pas comment je m'en suis tiré, mais croyez-moi, j'ai vu la mort rôder autour de moi toute la journée et j'étais prêt à mourir ce jour-là. Mourir ou tuer ce fis de pute. À ma sortie de l'infirmerie, on m'avait muté dans une autre cellule, et j'ai repris les pilules au bout de cinq jours. Je me suis encore bagarré et donné des coups. J'en ai reçu beaucoup. Et aujourd'hui, je porte toutes ces cicatrices pour ne jamais oublier mes deux ans et demi de prison. " Il faut savoir que cet homme était condanné à la base à 3 mois de prison . Quinze jours avant sa sortie, les pilules lui font faire le pire et il purge deux ans et demi