Le Maghreb en gestation Le Maghreb est le sujet de grande actualité du moment. Que ce soit au niveau des instances onusiennes, de la nouvelle stratégie régionale de la Banque Mondiale, de la coopération bilatérale, des sommets arabes, des revendications de la société civile, des recherches universitaires, des colloques régionaux, des organisations maghrébines des Anciens Résistants et Membres des Armées de libération… La "coquille vide" prend forme dans la douleur pour céder le pas à une approche plus pragmatique d'une région appelée à devenir un " bloc solidaire " face aux échéances de la mondialisation et du libre-échange plutôt qu'à s'entêter à quêter l'atomisation de la géographie politique du nord du continent. Le réchauffement, ces derniers mois, depuis la tenue du conseil des ministres des Affaires étrangères de l'UMA dont la réactivation de ses instances sectorielles a été relancée, les visites croisées de responsables de haut rang alternativement dans les deux pays et la visite historique de Sa Majesté le Roi Mohammed VI à Alger à l'occasion du Sommet arabe, a ravivé les espoirs d'un consensus régional qui, pourtant, semblait à portée de main pendant la lutte de libération et après les indépendances. Le sommet UMA qui devrait se tenir, les 25 et 26 mai en Libye, est censé confirmer la tendance générale au dégel et à la relance de la coopération entre tous les pays de la région. Pour un Maghreb des peuples ou des Régions? Hélas, les trois moments clés encourageant " l'unionisme", à savoir la création de l'Etoile Nord-Africaine en 1935, la conférence historique de Tanger en 1958 et la naissance de l'UMA par le traité de Marrakech en 1989 ont été vite "enterrées" par des frontières communes qui ont été plus bouclées qu'ouvertes, soit 19 années de rupture totale de contacts sur un total de 43 ans d'indépendance. Les tempêtes qui ont secoué les relations entre les pays de la région ont alterné des menaces et confrontations de "guerre chaude", les deux guerres-éclair des sables en 1963 et d'Amgala en 1975 après la Marche verte. Autant que de "guerre froide" prévalant le reste du temps avec un pic de tension après l'attentat terroriste de l'hôtel Asni à Marrakech entraînant la fermeture, toujours en vigueur, des frontières entre le Maroc et l'Algérie. Ces déchirements ont atteint leur point culminant avec la décision arbitraire de l'Algérie des colonels de "couver", d'armer, de financer, de former et de soutenir logistiquement la création franquiste du fantoche polisario et de déstabiliser le Royaume en expulsant manu-militari près de 50 000 MRE dûment établis en Algérie depuis des générations. Un acte qui s'est traduit par la spoliation des biens et avoirs de la communauté des immigrants marocains, principalement dans l'Oranie, victimes de toutes sortes d'exactions et d'humiliations, à l'instar d'ailleurs de ce que continuent à faire nos voisins d'aujourd'hui en fermant les yeux sur les traitements les plus ignobles infligés aux plus vieux prisonniers du monde que sont les 400 soldats marocains toujours détenus en Algérie. Mais ces gesticulations ne doivent surtout pas occulter la responsabilité historique d'une Algérie "boumédièniste" coupable du déclenchement du conflit artificiel du Sahara marocain. Et l'Algérie d'aujourd'hui tarde à prendre ses marques de rupture avec celle du dictateur Boumédiène en renforçant le front anti-marocain lors du récent remaniement ministériel opéré par Bouteflika. Ce dernier péchant par inconstance en rendant la pareille par l'annonce de la levée des visas tout en gardant bouclées les frontières. Ainsi, le " Maghreb des peuples " sur lequel Boumédiène forgeait ses propagandes politiques et idéologiques pour embrigader un peuple sévèrement " policé " par les services algériens en le forçant à clamer ses thèses expansionnistes, a volé en éclats. Alors qu'il figurait toujours sur l'agenda des priorités de S.M Mohammed V et de Abdelkrim El Khettabi, animateur du Comité de libération du Maghreb, pour lesquels les luttes pour l'indépendance nationale, le soutien à la libération algérienne et la fédération des Etats du Maghreb étaient indissociablement liées. Au moment où les " revanchards " de la junte militariste d'en face attisaient la haine entre les peuples, expulsaient et cambriolaient des milliers d'innocents accusés du seul délit de porter la nationalité marocaine. Et reniaient, de façon odieusement mensongère, le soutien total que le Maroc n'a jamais cessé de prodiguer au mouvement de libération en hébergeant, formant, armant, finançant les FLN et ALN pour lesquels, comme disait Ben Bella, " le Maroc constituait une profondeur stratégique formidable ". Ou encore Boudiaf qui disait que " le soutien du Maroc a été plus que conséquent ". Si les intentions algériennes n'étaient pas belliqueuses, pourquoi a-t-on assassiné l'hôte du Maroc et " fils de Kénitra ", qui a été rappelé aux affaires présidentielles pour son seul mérite de légitimité historique dans la révolution algérienne et dont sa petite famille refusa de quitter sa résidence marocaine pour s'installer avec leur père porté à la présidence du HCE (Haut Comité d'Etat), équivalent à la qualité de président de la République algérienne. La cause est simple : Boudiaf était sur le point de régler la question du Sahara marocain au grand désespoir des bourreaux maîtres d'Alger qui ont iniquement stoppé le processus. Même si certains chefs militaires, partis à la retraite, à l'instar du Général Khaled Nezzar, ont fini par admettre que l'Algérie n'a pas besoin d'un nouvel Etat à ses frontières. Alger et le polisario semblent tenir toujours à leurs thèses référendaires, sécessionnistes et indépendantistes. Au mépris de la communauté internationale dont les positions se sont nettement assouplies. Y compris le Conseil de sécurité dans ses dernières résolutions omettant délibérément de faire référence au plan Baker en prorogeant la pacification du territoire contesté. Tout comme le secrétaire général Kofi Annan qui s'est appliqué à inciter " toutes les parties concernées à des négociations directes pour trouver une solution politique, juste et mutuellement acceptable " sur la question du Sahara. Non sans remettre sur le tapis sa demande de libération immédiate de tous les prisonniers marocains encore détenus dans les camps de Lahmada. La classe politique et la société civile marocaines ont emboîté le pas audacieux et inspiré du Souverain qui s'est rendu en toute sérénité et conviction à Alger prouvant, ce faisant l'affection et l'estime qu'il n'a jamais cessés de porter à l'adresse du peuple algérien en assurant qu'il se trouvait dans "son deuxième pays". Des responsables de partis ont pris l'initiative de plaider l'évolution des positions marocaines en s'exprimant dans des médias algériens. A l'instar de Mohamed Elyazghi qui a avancé que "le peuple sahraoui peut réaliser son autodétermination dans le cadre d'une régionalisation avancée des provinces sahariennes". La solution du conflit passe nécessairement par une large autonomie dans le cadre d'une régionalisation démocratique. Autrement dit, il faut promouvoir le Maghreb des régions à l'heure de la globalisation de la planète. Algériens, souvenez-vous avant d'enterrer le passé pour insulter l'avenir. Tous les dirigeants, quels qu'ils soient, ne pourront jamais effacer de la mémoire des deux peuples, qui ont tant souffert d'une séparation forcée, la grandeur d'une histoire commune et les sacrifices consentis pour construire une destinée partagée dans ce grand ensemble qu'est le Maghreb.