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L'escroc court toujours
Publié dans La Gazette du Maroc le 25 - 04 - 2005


Une grosse arnaque au nom du Palais royal
Lahcen Jakhoukh, un homme d'affaires marocain installé au Gabon depuis 1973, est victime d'une escroquerie et d'une arnaque digne des romans polars. Qui l'a dépouillé de son argent ? L'aigrefin, lui, n'est qu'un affabulateur qui s'est fait passer pour le directeur du secrétariat de S.A.R la princesse Lalla Meryem, pour pigeonner sa victime. Jusqu'à présent, l'identité de cet escroc reste un mystère. Juste des hypothèses et des supputations contradictoires. Récit.
Libreville, la métropole du Gabon. Une ville où a élu domicile une importante communauté marocaine. Là, dans son entreprise, Lahcen Jakhoukh, Pdg du groupe Satram-EGCA ( spécialisé dans le domaine des transports maritimes, de l'aconage, de la location de véhicules ), ne comprend toujours pas ce qui lui est arrivé ce 29 mars 2005 pour tomber aussi facilement dans le panneau. L'homme d'affaires, qui se trouve aujourd'hui malgré lui au centre d'une manipulation qui le dépasse, tourne et retourne les interrogations sans pour autant saisir les tenants et aboutissants de cette histoire rocambolesque dans laquelle il s'est fait plumer comme un bleu.
Sa mésaventure, qui lui a coûté beaucoup d'argent, démarre lorsqu'il a reçu un coup de fil menaçant, le 28 mars dernier, d'un mystérieux M. Iraqi de Rabat, qui lui a intimé l'ordre de se rendre illico presto au Maroc.
Son interlocuteur étrange, qui s'est fait passer pour un homme très puissant à Rabat, l'aurait offensé, injurié avant de lui annoncer qu'il a été choisi par le Palais pour recevoir une importante récompense au titre des efforts qu'il a entrepris lors de la dernière visite du Souverain au Gabon en juin 2004.
Le piège parfait
Pour le convaincre, il fait état, avec une arrogance sournoise, de sa qualité de "directeur du secrétariat particulier de Son Altesse Royale la princesse Lalla Meryem" tout en se délectant du changement immédiat de réaction de son interlocuteur. En quelques phrases, il a réussi à faire croire au riche pigeon de Libreville qu'il avait le bras long et qu'il pouvait à tout moment intervenir pour l'exclure de ce don royal. "M. Iraqi insulte Lahcen Jakhoukh et lui dit qu'il le cherchait toute la journée et que les Chorfas passaient avant les Gabonais et avant même Ali Bongo… ", lit-on en substance dans la plainte déposée par Lahcen Jakhoukh devant les autorités concernées.
La conversation tourne très court entre les deux hommes et le rendez-vous est pris le lendemain même à Rabat. À ce moment-là, Lahcen Jakhoukh ne savait toujours pas qu'il allait être victime d'un escroc qui s'est fabriqué de toutes pièces un personnage bidonné et mensonger. Comment peut-il le deviner, lui qui a été joint grâce à un téléphone portable officiel, celui de l'ambassadeur du Maroc au Gabon, qui était en sa compagnie lors d'une réunion de travail avec Ali Bongo, le ministre de la Défense gabonais. En fait, le coup de ce magouilleur a été très bien préparé pour faire tomber le pigeon idéal entre ses mains. Il a poussé le vice plus loin pour faire croire à ses différents interlocuteurs ses appuis imaginaires dont il se réclame. Avant de se lancer dans cette escroquerie, il aurait tout d'abord contacté le secrétariat du ministre des Affaires étrangères à Rabat, en se faisant toujours passer pour le directeur du cabinet de Son Altesse royale la princesse Lalla Meryem, pour soutirer les coordonnées de Larbi Raffouh, l'ambassadeur du Maroc au Gabon.
Magouilles et escroquerie
"Le lundi 28 mars 2005, une interlocutrice du secrétariat de Mohamed Benaïssa (MAE) contacte M. Raffouh et l'informe qu'elle a reçu un appel téléphonique de M. Iraqi du Secrétariat particulier de 1005 (code confidentiel) lui demandant le n° du mobile de Raffouh et qu'elle le lui a donné. Quelques minutes après, M. Iraqi contacte l'ambassadeur du Maroc au Gabon et l'informe que M. Jakhoukh a bien travaillé lors du dernier voyage de S.M le Roi et que son Altesse royale la Princesse Lalla Meryem souhaite le récompenser…". La fiche des autorités marocaines décrit ainsi la manière avec laquelle ce professionnel de la magouille a réussi son coup. Le scénario de cet affabulateur est parfait et ne laisse aucun doute quant à la véracité de ses propos. Lahcen Jakhoukh est aux anges, malgré les quelques injures dont il a fait l'objet, et s'empresse déjà à préparer son voyage au Maroc pour recevoir "cette fausse récompense royale". Celle-ci comprend du matériel TP (pour les travaux para pétroliers ) appartenant à une association gérée par Son Altesse Royale qui l'attendait le lendemain au Maroc. Son interlocuteur lui ordonne tout d'abord de se rendre à Tanger, chez le directeur de l'ODEP, pour récupérer ce matériel avant de se désister et changer le lieu de rencontre. Au lieu de Tanger, l'escroc lui indique la ville de Kénitra où Lahcen Jakhoukh dispose d'un dépôt. Toutefois, pour ce faire, il devait payer la somme de 31 000 Dh (une sorte de commission pour le service rendu) et réserver deux chambres d'hôtel au Safir de Kénitra pour les personnes qui devaient ramener le matériel de la ville de Tanger à Kénitra. Un scénario classique pour dépouiller sa victime, qui jusqu'à cet instant, ne soupçonnait à aucun moment qu'il allait être tout simplement victime de cet escroc de haut vol. Lahcen Jakhoukh s'exécute sans vérifier l'identité de ce fonctionnaire inconnu du Palais royal, se rend au Maroc, s'acquitte de la commission des 31 000 Dh à l'hôtel Hilton à Rabat, sans toutefois récupérer quoi que ce soit dans son dépôt à Kénitra. Deux jours d'attente et l'homme d'affaires marocain ne voyait rien venir. Le faux messager du Palais royal a coupé définitivement l'écoute et son portable est au répondeur. Le pot-aux-roses est découvert.
Enquête ouverte
À partir de ce moment-là, Lahcen Jakhoukh a compris qu'il a été la proie d'une sombre entourloupe qu'il n'arrive toujours pas à digérer. Devant le fait accompli, une seule question taraude son esprit. Qui est cet escroc qui prétend être de l'entourage de la princesse Lalla Meryem qui lui a joué ce mauvais tour ?
Au jour d'aujourd'hui, personne n'arrive à l'identifier vraiment. Juste des hypothèses et des supputations contradictoires.
À vrai dire, ce magouilleur, au visage inconnu, fait depuis plusieurs années dans tout ce qui est illicite et hautement juteux. Ses victimes sont nombreuses et ses procédés sont toujours les mêmes. Les naïfs, comme Lahcen Jakhoukh, prennent propos pour argent comptant avant de tomber dans le piège de l'escroquerie. Toutefois, signale-t-on au niveau des autorités marocaines, le magouilleur a laissé des empreintes. La traçabilité de ses actions pourra être possible grâce à un numéro de portable avec lequel il a contacté Lahcen Jakhoukh. Une enquête judiciaire, au niveau de la Sécurité royale et des services secrets, a été ouverte pour l'identifier et le mettre hors d'état de nuire.
Qui est Lahcen Jakhoukh ?
Lahcen Jakhoukh est l'un des rares hommes d'affaires qui ont réussi dans leur vie professionnelle au Gabon pour attirer l'attention de S.M le Roi Mohemmed VI qui l'a décoré du Wissam Al Moukafaa Al Watania de l'ordre d'officier. Installé au Gabon depuis 1973, son activité, très prospère, touche au domaine des transports maritimes, de l'aconage, de la location de véhicules et d'engins de toutes sortes.
Son groupe, Satram-EGCA, qui emploie quelque 1500 personnes, dont des Marocains, est implanté notamment au Cameroun et en Guinée équatoriale. Il dispose d'une structure et de moyens importants, notamment une flotte de plusieurs navires pour le transport du bois entre Libreville et Casablanca, qu'il met au service de la coopération entre les hommes d'affaires des deux pays. À ce titre, il est le président d'honneur de l'Amicale des Marocains résidant au Gabon.


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