20 ans après son retrait de l'OUA, le Maroc sur la dernière ligne droite Le 30 avril, le Conseil de sécurité de l'ONU sera appelé une nouvelle fois à débattre de la question du Sahara. Cependant, le plus important est d'exploiter le vent de sympathie qui souffle sue le Maroc un peu partout en Afrique, pour retrouver sa place au sein de l'Union Africaine. A condition que notre diplomatie sache qui est pour et qui est contre la thèse marocaine. Il y a 21 ans, presque jour pour jour, la diplomatie marocaine amorçait une longue et pénible “traversée du désert”.Le Royaume venait de se retirer de l'OUA, suite à une session de routine des ministres des Affaires étrangères. Le secrétaire général, le Togolais Edem Kodjo, décide, quelques mois à peine après la tenue des sommets successifs de Nairobi 1 et 2 consacrés à la mise en œuvre du référendum d'autodétermination devant favoriser le règlement définitif de l'affaire du Sahara, de prendre tout le monde à contre-pied. Il fit admettre arbitrairement cette république appelée RASD, grâce à une majorité préfabriquée des deux tiers que l'on évaluait à cette époque à quelque 32 pays sur 48. Parmi les initiateurs de cette résolution, votée en mars 82, figurent aussi bien l'Algérie et la Libye, nos adversaires irréductibles qui n'avaient pu faire entrer cette république dite “arabe Sahraouie”, au sein de la ligue arabe, mais aussi le régime mauritanien né du coup d'Etat fomenté en 1979 contre feu Mokhtar Ould Dada. Avec eux, le Nigeria des généraux Chagari et Obasanjo, le Mali de Moussa Traoré et même le Sénégal d' Abdou Diouf et le Togo de feu Eyadéma pourtant catalogués parmi les régimes sages modérés d'Afrique de l'ouest. Une longue traversée du désert Le Maroc venait de subir de plein fouet les conséquences des manœuvres conjuguées de l'Algérie, fondateur, hôte et protecteur du Front Polisario basé dans les camps de Tindouf, et du régime libyen du Colonel Kadhafi, bailleur de fonds et fournisseur d'armes destinées au Polisario. Les guerres de libération qui s'engageaient dans les anciennes colonies portugaises en Afrique (Angola, Mozambique, Guinée Bissau et Cap vert notamment) allaient faire le reste, conjuguées aux effets de la situation en Afrique australe notamment l'Apartheid en Afrique du Sud, en Namibie et au Zimbabwe, l'entrée en scène des forces cubaines qui menaçaient notre allié, l'ex- Zaïre de Mobutu allaient placer la question du sahara au cœur de la guerre froide et de la confrontation Est-Ouest. Tandis que l'Algérie s'appliquait à jouer au champion de “l'Afrique progressiste”, le Maroc de Hassan II était partout présenté comme le bastion de l'impérialisme américain et du monde occidental. 32 pays africains se sont donc entendus pour faire admettre la RASD à l'OUA. Quant au Maroc, en dehors de la Guinée de Sékou Touré, de la Côte d'Ivoire de Houphouet Boigny, du Gabon de Omar Bongo et du Zaïre de Mobutu, ses amis se faisaient de plus en plus rares en Afrique. Même le Sénégal, notre voisin, ami et allié du sud, avait choisi le camp algérien suite à une brouille attribuée au ministre des A.E puis de l'information Abdelwahed Belkziz. De son côté, le Cameroun de Paul Biya a menacé de reconnaître la RASD pour punir le Maroc d'avoir accueilli son ancien président sortant Ahmadou Ahidjo. Cela est d'autant plus vrai que la diplomatie marocaine, confiée à cette époque au secrétaire général du parti de l'Istiqlal M'hamed Boucetta, avait délibérément opté pour la politique de la chaise vide. Celle-ci consistait à rompre systématiquement les relations diplomatiques avec tout pays reconnaissant la RASD. Cela lui permettra d'atteindre, en quelques années, un taux record de reconaissances à l'emporte pièce, estimées en 82/85 à 72 pays dont plus d'une trentaine en Afrique. Même Madagascar, le pays qui avait accueilli le Roi libérateur Feu Mohammed V durant ses deux années d'exil (voir notre dernier numéro ) sera le premier pays au monde à reconnaître la RASD. Il sera vite relayé par l'ancienne Haute Volta, le Burkina Faso de Thomas Sankara devenu progressiste, au même titre que le Bénin de Kérékou, le Congo Brazzaville de Sasso N'gesso, et nombre de micros Etats tel le Togo, les royaumes de Swaziland et du Lesotho, sans oublier le Libéria, le Sierra Leone, Sao Tomé et Principe, le Botswana. Qu'ils s'appellent Guinée-Bissau ou Cap vert, Angola ou Mozambique, Zimbabwe ou Namibie, 0uganda ou Tanzanie, Ghana ou Iles Sychelles en attendant l'Ethiopie et l'Afrique du sud, ils se sont tous rangés dans le camp anti-marocain Mais si le Sénégal finira par rejoindre le camp marocain, il n'y avait plus que le Gabon, la Côte d'Ivoire, la Guinée Conakry, la Guinée-Equatoriale, la R.D.Congo auxquels on peut ajouter la Gambie, les Îles Comores, Djibouti, le Soudan, le République Centrafricaine, et dans une certaine mesure le Cameroun, le Niger et la Somalie.. Abdellatif Filali change son fusil d'épaule Avec l'arrivée de Abdellatif Filali aux A.E, la reconnaissance de la RASD n'était plus un préalable à l'établissement de relations diplomatiques. Un tournant qui marque un lent processus qui sera patiemment conduit tout au long des années 80 et 90.Il permettra à partir de 1988 de récupérer nombre de ces pays l'un après l'autre, au point que le nombre d'amis sur lesquels on peut compter atteint aujourd'hui prés d'une trentaine, dont près de la moitié avaient plus au moins reconnu la RASD. Avec ces 27 pays sur lesquels il peut désormais compter, le Maroc n'est plus qu'à une dizaine de voix pour constituer une nouvelle majorité des deux tiers (36 pays sur 53 ) devant lui ouvrir les portes du retour au sein de l'Union Africaine. A condition que notre diplomatie sache qui est pour et qui est contre la thèse marocaine et qu'elle agisse en conséquence. Elle gagnerait à cibler en priorité les pays anglophones d'Afrique orientale et australe, de la Mer rouge et l'Océan indien, situés pour la plupart dans la zone d'influence de l'Afrique du Sud. Ce sont le Kenya, la Zambie, le Malawi, l'Île Maurice, le Rwanda, le Burundi, voire l'Erythrée et l'Ethiopie. Elle se doit également de sensibiliser certains “frères arabes” qui se cantonnent encore dans une position de “ni pour ni contre” à l'instar de la Libye, l'ennemi d'hier,le Mali et le Tchad, pays frontaliers de la zone du conflit. Ou encore demander à l'Egypte de lui renvoyer l'ascenseur en lui rappelant le rôle majeur que le Maroc avait joué depuis 1979 pour sa réintégration aussi bien au sein de la Ligue Arabe, qu'à celui de l'Organisation de la Conférence islamique (OCI) suite à la signature des accords de Camp David et la reconnaissance d'Israël. Plus que jamais un retour à l'Union Africaine paraît plus que possible, à la seule condition que la machine diplomatique suive et qu'elle soit à la hauteur de sa mission. Pour récapituler, notons que sur 52 pays, 27 soutiennent le Maroc contre une dizaine (+ l'Algérie et la Mauritanie) qui reconnaît la RASD. 13 pays adopte une position neutre. Le Maroc n‘ a pourtant besoin de neuf pays pour constituer une majorité des deux tiers soit 36 voix.