La visite royale dans la presse algérienne La presse algérienne, toutes tendances confondues, a couvert d'une manière soutenue la visite royale. Très attendue après 14 ans d'absence, cette visite a suscité beaucoup de réactions et de commentaires sur les futures relations maroco-algériennes. La visite du Roi Mohammed VI en Algérie à l'occasion de la tenue du sommet arabe a été abondamment traitée par les médias algériens. Mais c'est la presse écrite qui a remporté la palme de la couverture de la visite royale en consacrant plusieurs couvertures et manchettes à cet événement. Mêmes des journaux généralement très critiques envers le Maroc ont profité de cette opportunité, qui ne leur a pas été offerte par un souverain marocain depuis 14 ans, pour la mettre en exergue à la Une avec illustration. En feuilletant El Moujahid, Liberté, El Watan, le Jeune Indépendant et autres publications, on a l'impression que la visite royale a supplanté le sommet arabe. Et il n'y a pas que la forme qui a primé chez nos confrères algériens, car leurs écrits ont été, aussi, influencés par la personnalité et le discours du roi. Certes le conflit du Sahara marocain revient comme un leitmotiv dans les dizaines d'articles qui traitent des relations entre les deux pays. Mais au lieu de se confondre dans le sempiternel attachement aux principes de l'autodétermination à l'algérienne, les articles ont été imprégnés d'un réalisme rarissime. À tel point que beaucoup de plumes ont affirmé sans nuances que la pression de l'Europe et surtout des Etats-Unis est pour quelque chose dans ce dégel. Certes, les observateurs ne s'attendent pas à de grandes annonces qui bouleverseront la donne actuelle, mais ils estiment que le sommet algéro-marocain, au pluriel, ne s'est pas tenu au hasard du calendrier arabe. D'où ce titre affirmatif du quotidien El Moujahid “Algérie-Maroc : le dégel” illustré sur toute la page par les photos du Roi et du président algérien. Bénédiction L'auteur de l'article décortique les relations algériennes avec un optimisme très soutenu qui frise la certitude surtout lorsqu'il s'appuie sur les déclarations du chef de la diplomatie algérienne : "À une question sur le conflit du Sahara occidental, le chef de la diplomatie algérienne répond que cette question suivait son cours dans le cadre du plan de paix onusien" Réponse diplomatique certes mais qui se départit de la phraséologie idéologiquement radicale soutenue jusqu'ici par l'Algérie. Et d'ajouter avec la subtilité requise, mais qui ne ferme pas la porte avec les cadenas de l'intransigeance d'antan à la probabilité d'une solution à ce conflit' “Ce que conviendront les parties au conflit, le Maroc et le front polisario, aura l'appui et la bénédiction de l'Algérie” Soit ! Car toute bénédiction est bonne à prendre à condition que l'on ne soit pas à la fois juge et partie. Le quotidien “Liberté” a été plus direct pour aborder aussi bien le problème de la réouverture des frontières algériennes que celui plus complexe du Sahara marocain. On ne sait pas si l'auteur se pose des questions ou répond à une évidence que la réalité sur le terrain rend immuable. En tout cas le quotidien “liberté” se donne des libertés en deux interrogations pertinentes dans lesquelles on trouve en filigrane la solution évidente : “ … Il s'agit de savoir si le dossier du Sahara occidental sera abordé, et si oui, comment les deux hommes pourront-ils aplanir des divergences vieilles de trente ans ? Il n'existe que deux manières de procéder. Soit mettre le conflit sahraoui dans un tiroir, ce qui ne fera que différer la question soit prendre à bras-le-corps le dossier. Et c'est là toute la problématique qui se pose. Le royaume chérifien renoncera-t-il à la marocanité du Sahara pour lequel des millions de dollars sont dégagés, annuellement, pour maintenir la présence des troupes militaires et financer le travail de ses lobbies à l'extérieur.” Interrogation Evidemment que le Maroc ne renoncera pas à son territoire et la formulation de la question est si bien faite qu'elle ressemble à une affirmation. Sauf que l'auteur en parlant de lobbying marocain, oublie de citer que la diplomatie algérienne est exclusivement orientée sur le Sahara marocain. Quant aux autres questions en suspens comme la réouverture des frontières et autre suppression de visa, le journal évoque les divergences sur la manière avec laquelle l'assainissement des relations doit se faire, mais n'exclut pas que les deux chefs d'Etat arrivent à un consensus sur ce sujet : “Cette rencontre bilatérale à Alger est la première du genre entre les deux chefs d'Etat”. La rencontre entre le Roi Mohammed VI et le président Bouteflika consacrera le début du dégel des relations entre les deux pays et enclenchera une dynamique de coopération longtemps prisonnière des divergences politiques sur des dossiers. Il est attendu à ce que ce tête-à-tête débouche sur la convocation de la réunion de la commission mixte au niveau ministériel et celui des experts pour examiner les dossiers en suspens et préparer une rencontre au sommet pour parapher les protocoles d'accord “Le ton très affirmatif qui contraste avec la complexité des dossiers en suspens déteint l'inconstance déroutante qui émaille les relations algéro-marocaines.” Le journal “le jeune indépendant” puise dans le discours royal pour étayer son argumentaire d'un changement imminent dans les relations entre les deux pays : “Le discours prononcé par le Roi Mohammed VI, premier souverain marocain à fouler le sol algérien depuis 14 ans, laisse entrevoir en filigrane les prémices d'un changement dans les relations bilatérales entre les deux pays voisins. Les propos conciliants contenus dans le discours du roi accréditent suffisamment l'idée d'un tel changement, estiment les observateurs de la scène. Les propos de Mohammed VI, ne peuvent que favoriser un retour à la solidité qu'on connaissait aux relations bilatérales avant qu'elles ne se dégradent en 1975 avec la guerre du Sahara occidental” Prévisions Ce que le journal algérien n'a pas précisé pour les raisons que l'on connaît, c'est qui, pourquoi et à partir d'où cette guerre a été déclenchée contre le Maroc. Le journal Al Watan a été plus cartésien en n'abondant pas dans la littérature mais en s'appuyant sur des informations que corroborent plusieurs observateurs avertis. Le dégel entre l'Algérie et le Maroc n'est pas fortuit, il est l'émanation de plusieurs facteurs exogènes dont notamment l'intervention des pays étrangers. Al Watan n'y va pas avec le dos de la cuillère en évoquant la pression de certaines puissances étrangères pour que les deux pays normalisent leurs relations : " En tout cas, les pressions de Washington et de l'Europe ne cessent de s'accentuer pour voir deux Etats locomotives au Maghreb se rapprocher davantage. " Une version que reprend avec une formulation plus atténuée la publication " le jeune indépendant " : " Le sommet d'Alger aura servi de cadre pour un premier pas dans la relance des relations bilatérales. D'autant que cette relance est souhaitée par le monde arabe mais aussi par l'Europe et les Etats-Unis qui ont des intérêts dans la région " Entre souhait et pression, il n'y a qu'un pas à franchir dans le langage diplomatique., voire médiatique. D'autant plus que les journaux algériens n'ont pas l'habitude de corroborer ce genre d'informations qui pourrait dicter au “nif” de l'Algérie la politique à suivre. Autant dire que l'on ressent un changement, si ce n'est pas dans le fond, au moins dans la forme pour traiter les relations algéro-marocaines aussi bien chez les politiques que chez nos confrères algériens. Le journal “Liberté” touche bien au fond quand il affirme que: “Cette rencontre entre les deux hommes va certainement donner un coup d'accélérateur au processus de construction du Grand Maghreb, aspiration des peuples de la région et nécessité impérieuse dans un monde dominé par les grands ensembles” Bien dit car il n'y a que l'UMA qui peut faire face aux défis d'une mondialisation aussi économique que politique avec ces cinq Etats et non pas avec un météore que l'on veut implanter dans le Sahara.