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Renaissance à Beyrouth
Publié dans La Gazette du Maroc le 21 - 02 - 2005


Anti-Liban
Jean-Louis Magnan livre une histoire tout en amour sur la désillusion
et la volonté de survivre dans un monde en ruine. Humain et poétique.
Ce livre est un choc dont on ne sort pas indemne. Une espèce de rage et de terreur habite chaque page. Pourtant, il n'y a rien de rejetable ni de rébarbatif dans la lecture de cette histoire presque kabbalistique. Jean. Un homme. Un soldat. Un héros malgré lui. Juste soldat français au Liban, il s'agrippe à la vie au milieu de la haine et des ruines. Il survit grâce à l'alcool, aux femmes et à l'écriture, autant de petites “modérations à ses déplaisirs”. En gros, sa vie coule à côté de lui comme un chemin parallèle qu'il ne maîtrise que par à coups. Devant nous, il pioche à pleins coups sur les dalles superposées de sa mémoire et échafaude une sorte d'intrigue : “Ceci n'est pas un journal intime, ni une pipe, mais, au sens purement plastique : UNE INSTALLATION.” Installation de la volonté d'être autre chose que cette entité prise dans le ressac de l'anéantissement ? Installation du cœur qui ne doit pas changer son sang pour les reflux alcoolisés du désespoir? Beyrouth prend corps et défile devant nous comme une vieille femme qui refuse la vieillesse. Non, comme un enfant qui dit non à l'avenir et tente de déjouer la fatalité de grandir. Elle devient au fil des pages très proche du Sarajevo de Juan Goytisolo dans “Etat de siège” : à la fois “capitale” de la douleur et lieu de l'expérimentation romanesque. On ne marche pas dans les méandres de cette cité pour retrouver des traces du passé mais juste des parcelles éparses de soi, oubliées le long d'un chemin toujours réinventé. L'auteur ne tente pas de trouver une place au présent, mais creuse un sillon pour demain. Et là pointe la maîtrise formelle de l'écrivain. Jouant avec les règles les plus basiques, tentant l'inconnu, il scrute ses propres possibilités de mise en abyme. Sur la route, on cherchera avec lui ou son héros une femme dont le prénom finit par un “a”. Cette chimère est pour le soldat comme pour nous, le prétexte d'arpenter d'autres strates de nous-mêmes que l'on voudrait n'avoir jamais connues. Impossible, nous dit le cœur. Il faut finir sa ronde cruelle, couler son sang dans la forge du désir, de la privation et de la soif. Après, si au bout du compte, vous ne retirez de cette soif qu'un léger suc amer, il aura été passé au vif de la plaie que respire la vie.
Anti-Liban, Jean-Louis Magnan
Editions Cales


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