Nadia Yassine Nadia Yassine a ceci d'extraordinaire qu'elle me fait toujours rappeler un auteur, essayiste ou autres penseurs qui se sont employés loyalement et souvent avec endurance, à comprendre l'âme humaine. Je lui serai toujours gré. Cette fois, elle m'a contraint à revisiter et Albert Camus et Cioran. Le premier, connu pour son fameux livre "L'étranger", est classiquement catégorisé "existentialiste". Cioran, lui, est l'éternel étudiant devenu philosophe par la force de son pessimisme, dont je partage une certaine vision une fois que je regarde du côté de mon pays. "Précis de décomposition" est son œuvre magistrale. Aussi fragmentaire que contemplative, elle tourne, douloureusement d'ailleurs, en dérision certaines idées dites savantes. Et qu'ont-ils en commun tous les trois : Nadia, Albert et Cioran ? Dans une interview avec “Al Bidaoui”, Nadia Yassine trouve que “les indemnités accordées aux victimes n'est qu'un fard makhzenien”. Du maquillage, précisément. Les auditions publiques, quant à elles, "un acte dans une pièce de théâtre makhzenien.” Plus "une calomnie à l'égard du peuple marocain et les victimes". A quoi sert, s'inquiète l'égérie de la Jamaâ de Yassine, qu'une victime s'adresse au public pour raconter ses calvaires passés ? “Il faut juger les responsables” assène-t-elle. Que vient faire Cioran là-dedans ? D'abord c'est lui qui a attiré l'attention de ses lecteurs sur le pouvoir de l'intelligence à projeter sur les mots un lustre, à les polir et à les rendre éclatants. C'est ce que fait Nadia Yassine. Ensuite, et dans le même ordre d'idées, c'est Cioran qui conclut : tout cela n'est rien qu'un “feu d'artifice sur un arrière-plan de… néant". Les adeptes du néant… on les appelle les nihilistes. La fille du Cheikh, en rajoute du sien en parlant de son vieux père. D'abord, elle le gratifie d'un "Que Dieu le préserve !" Ensuite, elle considère en fieffée islamiste qu'elle est que "toute réunion dans un cadre officiel est une insulte pour la Jamaâ" Porte-parole officieux, Nadia Yassine qui revendique le droit "officiel" d'exister, hausse le ton, et déclare sans sourciller : "Nous n'avons aucune confiance dans les instances officielles et nous ne leur accordons aucun intérêt". Vous voyez bien que, après un moment de silence, paraît-il autant aléatoire que long, Nadia revient à ses premières amours : le père, le makhzen et le… néant. Et c'est là qu'Albert Camus vient à mon secours : "Une œuvre (d'homme ou de femme) n'est rien d'autre que ce long cheminement pour retrouver les deux ou trois images simples sur lesquelles le cœur, une première fois s'est ouvert". D'où ce retour éternel de Nadia Yassine. D'où également la promptitude à proférer "les gros mots", rien que pour faire le vide (volontaire) autour de soi. Soucieuse des "premières images", elle se donne des règles absolues sur ce qu'il faut accepter ou refuser. Alors qu'elle "milite” pour le changement, elle vénère l'immobilisme. J'avoue que je n'y vois que du feu. Non d'artifice sur un arrière-plan de néant. Je suis trop modeste pour me vanter !