Amélioration du climat de l'investissement Le rapport de la Banque mondiale sur l'état du développement dans le monde, sur la base d'une étude comparative entre 53 pays, est sans équivoque. Le Maroc a eu droit à un traitement particulier avec l'énoncé des résultats de l'enquête menée par la Société financière internationale. Ils corroborent ce que l'on savait déjà, mais apportent un plus. Comment attirer l'investisseur, pas seulement étranger, mais aussi national ? Stefano Scarpetta, économiste principal et auteur du rapport mondial sur le développement, sait que ce n'est pas joué d'avance. L'erreur est transnationale dès qu'il s'agit de l'amélioration du climat de l'investissement. Alors que les entreprises privées fournissent 90% des emplois, la non-fiabilité des infrastructures, les difficultés d'exécution des contrats, la corruption, les délits et la réglementation entraînent un coût représentant plus de 25% de leur chiffre d'affaires. Les dysfonctionnements varient d'une région à une autre, d'un moment à l'autre. Au sein d'un même pays, les délais varient. Basé sur un échantillon de 26.000 entreprises situées dans 53 pays et sur l'étude de la “pratique des affaires” dans 130 pays, le rapport met à nu les risques que peut générer une politique opaque, non crédible et source de répulsion pour les capitaux et les personnes qui veulent monter une affaire. L'étude a montré que même si la part des Investissements directs étrangers augmente dans les pays en voie de développement, ce sont les entreprises locales qui représentent la plus grande partie des investissements. Or, l'un des problèmes que rencontrent les entreprises est le sentiment d'incertitude à l'égard de la politique gouvernementale dont l'amélioration de la visibilité et la crédibilité urgent. Comme on ne peut pas tout faire en même temps, il faudra s'attaquer en premier aux contraintes importantes, “or cela exige une identification des limites qui n'est pas toujours facile”, juge Stefano Scarpetta, auteur du rapport. Pour contourner cette limite, le rapport prône le renforcement de l'aide à l'amélioration de l'investissement, notamment l'aide publique au développement. Mais l'incertitude est aussi inhérente à l'appréciation de l'avenir en tant que facteur important dans la prise de décision d'investissement. Les risques doivent être jugulés par l'Etat à travers la stabilité macroéconomique, des réglementations non arbitraires et une politique clairement annoncée et énoncée. Dans cette étude, le risque lié à la politique gouvernementale ressort comme le principal frein à l'investissement (28%). Suivent en ordre hiérarchique l'instabilité macroéconomique (23 %), la fiscalité (19 %), la réglementation et la corruption ex-æquo avec 10%. Par ailleurs, toute politique d'amélioration du climat de l'investissement induit foncièrement des coûts et peut parfois créer quelques barrières à la libre concurrence. Il faudra pour les gouvernants non seulement trouver un juste équilibre entre les objectifs de l'Etat, mais aussi répondre aux besoins des entreprises. Enclencher un processus qui s'inscrit dans la durée et qui minimise les risques doit dès lors avoir des fondements bien ancrés dans l'administration et dans l'esprit des fonctionnaires. Ces derniers tendent à effectuer des actions discontinues et parfois entachées de mauvaise gouvernance. L'Etat a, non seulement, un devoir de diligence, mais quelque part aussi une obligation de résultat. Ferid Belhaj, chef du bureau de la Banque mondiale au Maroc estime qu'il y a “eu beaucoup d'avancées au Maroc. Seulement sur le registre de l'efficacité, il y a beaucoup à dire. La loi, par exemple, sur la sauvegarde de l'eau adoptée en 1995 n'a jusqu'à maintenant pas été accompagnée de décrets d'application”. La lecture de la pratique des affaires dans divers pays a montré que la décision politique, quand elle est bien étudiée, a un impact décisif sur la croissance. Un seul chiffre résume de façon éloquente cette relation de causalité. “Une meilleure visibilité de la politique gouvernementale peut augmenter les possibilités d'investissement de 30 %”. La pression concurrentielle qui résulte de la multiplication des entreprises sur un même créneau permet de pousser près de 50% des entreprises à innover. Instaurer un bon climat de l'investissement n'est pas uniforme, impersonnel. Le postulat de base sur lequel s'appuie la solution préconisée par la BM est qu'un bon environnement permettra des investissements ainsi que la création de nouvelles entreprises. Ces entités créatrices de richesses engendreront une demande sur le marché de l'emploi et sont à même d'instaurer une spirale vertueuse qui impactera une croissance non erratique et diminuera ainsi la pauvreté. Des conclusions qui demeurent par ailleurs sujettes à la critique. “Il s'agit d'un rapport et non d'un livre sacré qu'il faut adopter littéralement”, souligne sans ambages Mouâd Jamaï, directeur du CRI de Casablanca. Si ce dernier s'est limité à émettre une critique d'ensemble, Saïd Aqri, chef de la division des études et de la réglementation à la direction des investissements a tenu à faire une lecture plus détaillée du rapport établi par Scarpetta. Les points faibles du rapport résident, selon cet expert en investissement, en des omissions dont l'intégration dans le rapport aurait pu en changer la tendance. Les facteurs exogènes tels les mesures protectionnistes adoptées par certains pays pour contourner la concurrence étrangère et l'importance de l'intégration dans l'espace régional en sont les principales composantes. Le manque de cohérence de la méthodologie adoptée par la Banque mondiale, avec celle empruntée par les autres institutions internationales, fait en outre partie des points faibles du rapport qui n'a à aucun moment évoqué le rôle de l'investissement public dans l'amélioration du climat général de l'investissement. Ainsi, bien que le rapport ait le mérite de dégager quelques pistes, il laisse entrevoir quelques tendances néolibérales. La relation causale climat, investissements, croissance, emploi et diminution de la pauvreté est un raisonnement qui tient sur le papier, mais pas sur le terrain. En outre, plusieurs recommandations vont dans le sens de l'arrimage des pays en voie de développement à la comète de la globalisation. Sa vitesse devrait en principe nous propulser sur l'orbite du développement. Un voyage où la vitesse nous fera défaut, à moins de trouver le moyen d'aller plus vite. Les variables à maîtriser Que faut-il faire pour améliorer le climat de l'investissement ? La Banque mondiale n'y va pas par quatre chemins, elle conseille de : - Assurer certains préalables comme la stabilité macroéconomique, arrêter les expropriations non indemnisées, renforcer les infrastructures et le dispositif de protection de la propriété afin de faciliter l'exécution des contrats. - Maîtriser les économies de rente et la corruption. - Avoir à l'esprit que toute politique aussi belle soit elle, si elle n'est pas crédible reste lettre morte. - Les interventions de l'Etat, de même que la réglementation doivent coller aux réalités locales. - Adapter la main-d'œuvre aux réalités du marché et aux changements. - Privilégier les actions sélectives pour élargir le cercle des bénéficiaires. - Fournir une aide plus généreuse et plus efficace. Actuellement le quart de l'APD, soit 21 milliards de dollars, est destiné à améliorer le climat de l'investissement. Pourtant, l'assistance technique dédiée à cet effet ne représente que 13% du total octroyé alors qu'elle est un moyen efficace. - Développer les banques de données et l'harmonisation statistique pour avoir une meilleure visibilité des réalités de chaque pays. L'informel, une aubaine difficile à exploiter Considéré auparavant comme un sujet tabou lors des discussions avec les organisations internationales comme le FMI ou la Banque mondiale, ce secteur fait désormais partie des principaux sujets de consultations. Partie intégrante de l'économie marocaine, il représente, selon la dernière enquête sur le secteur informel réalisée par la Direction des statistiques 46,8 % de l'ensemble des actifs et réalise 17 % du PIB. Cette part est de 50% dans de nombreux pays en voie de développement. D'après cette enquête, il s'avère que le nombre d'unités de production informelles est estimé à 1,23 million dont 72% sont localisées dans des zones urbaines. Comment faire basculer cette force de croissance dans le giron du formel ? C'est à cette question que se sont attelés officiels de la Banque mondiale, membres du gouvernement et économistes. Mouâad Jamaï, directeur du CRI de Casablanca en fait le constat. “L'investissement le plus durable est l'investissement national, composé en grande partie d'entreprises non structurées. Le relancer suppose renoncer à la condamnation du secteur informel, mais par contre de l'intégrer dans l'économie globale”. Difficile par ailleurs de convaincre les chefs d'unités de production informelles de se plier aux règles du secteur organisé telles qu'elles se présentent aujourd'hui. D'ailleurs que ce soit dans l'enquête de la direction de la statistique ou dans le cadre du rapport de la Banque mondiale, les contraintes énumérées par cette myriade d'activités sont multiples. La tenue d'une comptabilité conforme à la loi comptable et au système fiscal en vigueur en constitue les points d'obstacles focaux. La carotte du financement ne suffirait pas pour combler “le coût” fiscal de l'harmonisation.