Lors des deux dernières parties publiées dans les numéros 393 et 394 de LGM, nous avons parlé de la montée en force d'Amer El Azizi qui en moins de dix ans, est considéré par toutes les polices du monde comme le numéro 1 d'Al Qaïda en Europe. Un Marocain, natif de la région de Settat, ex-amateur de haschich et de bière qui devient l'un des piliers de la nébuleuse d'Oussama Ben Laden, bras droit déclaré d'Abou Moussaâb Al Zarkaoui. Nous nous sommes arrêtés aussi sur ses premières années à Madrid, dans le quartier déshérité de la Isla de Saïpan. Dans ce numéro, il est question des perquisitions faites dans son domicile au 24 de la rue Buen Gobernador en plein cœur de Madrid, ses connexions avec l'Indonésie et son travail de grand recruteur pour les camps d'entraînements d'Al Qaïda. Quand on aborde aujourd'hui le sujet d'Amer El Azizi avec la police espagnole, une certaine gêne prend corps. On voit très bien que la fuite de ce gros calibre de la cellule espagnole d'Al Qaïda a beaucoup marqué les esprits. Ce qui dérange le plus dans cette évasion, c'est la manière dont elle s'est faite, en douceur, avec un sang froid et un calme olympien. Amer El Azizi a obligé tous les services de police espagnols de revoir leurs stratégies, de faire cause commune malgré les désaccords, les dissensions et les haines fratricides dénoncées par José Manuel Fornet, le directeur du syndicat unifié des polices espagnoles. Le même directeur qui nous résume l'état des choses que la fuite d'El Azizi a ébranlé : “Vous savez, le modèle espagnol en matière de sécurité et de police est très compliqué. Il est certainement le plus complexe du monde, ce qui n'est pas une simple affaire quand il s'agit de gestion et de coordination. Depuis des années, à notre niveau au syndicat unifié de la police, nous avons attiré l'attention des responsables sur les difficultés rencontrées sur le terrain et ce que cela implique sur le déroulement des enquêtes, des recherches et surtout des résultats. La vérité est que la collaboration entre les différents corps de police en Espagne est très dure. Ils sont nombreux entre la Guardia civil, les services secrets, la police nationale et d'autres corps de sécurité qui souvent n'arrivent pas à travailler en parfaite adéquation pour un meilleur rendu. Mais ce qu'il faut savoir, c'est qu'en ce moment, le gouvernement socialiste essaye d'alléger tout cela pour permettre à tout le monde de travailler dans des conditions plus sereines.”. Entre temps, le Marocain s'est fait la belle, et s'est payé le luxe de revenir par deux fois en Espagne, toujours selon la police espagnole qu'a pu rencontrer la Gazette du Maroc. L'intrigue de la cassette perdue Quand on demande à José Manuel Fornet quel était le problème avec le cas El Azizi, il répond de façon qui ne souffre aucune ombre : pour lui, “c'est très simple. Il y avait une poursuite contre le Marocain Amer El Azizi suite aux directives du juge Baltazar Garzon qui a travaillé sur le dossier Al Qaïda en Espagne. Le domicile de Amer El Azizi a été cerné depuis quelque temps. Garzon était sur le point de le prendre comme il avait fait tomber d'autres Marocains et Syriens lors de la fameuse opération Datil qui a vu les têtes d'Abou Dahdah et d'autres tomber. Malheureusement et sans concertation, la police nationale et la Guardia civil se sont mises sur le coup d'El Azizi. Le Marocain s'en est rendu compte. Sans oublier que même les services secrets ont été sur le même coup. C'est cela qui a fait que cette opération sur son cas a été un échec”. Plus grave encore, l'existence de la cassette qui prouve le cafouillage des services a été tout bonnement rayée de la planète. Elle n'a jamais existé, selon certains, alors que le directeur du syndicat unifié des polices, qui supervise tous les liens entre les forces de sécurité, dit avoir eu en sa possession ce document. “Oui, assène le chef des syndicats. Il y a en effet une cassette qui montre de façon claire comment les services secrets espagnols sont venus voir Amer El Azizi alors que le juge Garzon le surveillait et allait lui mettre la main dessus. Oui, c'est cette visite des services qui a mis la puce à l'oreille au Marocain. Après cela, il a très vite pris la fuite. Depuis, c'est un gros poisson qui nous a échappé à cause d'erreurs de ce genre”. Evidemment, la cassette n'est pas visionnable. Evidemment, la bande enregistrée a disparu : “non, on ne peut pas la voir. Vous savez c'est un secret d'Etat. Il est même possible qu'elle soit détruite et qu'il n'y ait plus de trace de tout cela. Mais une chose est sûre, ce document a existé et a montré de façon explicite ce qui s'est passé dans le cas précis de Amer El Azizi”. Voici l'arrière histoire officielle de la fuite du Marocain le plus recherché au monde aujourd'hui. Il faut signaler que dans le domicile de Amer El Azizi, lors des perquisitions menées par la police espagnole en 2001 au 24 de la rue Buen Gobernador, on avait mis la main sur les mêmes documents trouvés chez d'autres membres de la cellule espagnole, ce qui signifie que tous ses membres avaient mis en place une série de références qu'ils faisaient circuler entre eux. Othman Al Andaloussi C'est là aussi qu'on a trouvé la fameuse pétition mise en place par l'un des membres les plus actifs de la cellule espagnole, Parlindungan Siregar, un Indonésien qui s'occupait, chez lui en Indonésie, de répartir les nouveaux moujahidines, recrutés en Europe, par la cellule d'Abou Dahdah, à travers la figure espagnole de Youssef Galan Gonzales. Cette pétition visait à récolter des fonds pour l'achat d'armes et de munitions pour les camps d'entraînements d'Indonésie. Abou Dahdah, Youssef Galan et Amer El Azizi ont été les principaux organisateurs de la collecte d'argent mise en place par le texte de la pétition. Ils ont photocopié le document en effaçant toute référence aux adresses des camps des moujahidines. Il s'avère dans ce chapitre que Imad Eddine Barakat Yarkas s'est lui-même déplacé en Indonésie en faisant un don symbolique de 500 000 pesetas qui a été suivi d'autres sommes pour les camps indonésiens. Sur un autre niveau, Il faut tenir en compte que lorsque les troupes américaines sont entrées dans les campements des moujahidines en Afghanistan, elles ont retrouvé des listes contenant les noms de nouveaux volontaires récemment arrivés dans ces camps. C'est sur plusieurs listes que figurait le nom de Othman Al Andaloussi, dit aussi Othman de l'Espagne, présenté comme un recruteur de longue date que les volontaires donnaient comme caution à leur arrivée dans les camps pour intégrer les troupes armées. Ce n'était autre que Amer El Azizi.