L'humour-management Ils sont ni tous beaux, ni tous laids. Ni trop mauvais ni trop bons. Mais ils font souvent la pluie et le beau temps. L'armée des chefs qui dirigent les opérations sur le champ de bataille des entreprises est un mélange compact de caractères, de styles et de comportements dont le fil conducteur est l'exercice sans partage du pouvoir, mais dont les " perles " prêtent souvent à rire. Un peu dans le genre de grand patron bien de chez nous qui s'égosillait un jour à convaincre son auditoire en martelant à tue-tête : "c'est mon point de vue et je le partage" (sic) !!! Sans avoir le sens de l'humour, certains managers produisent des vertes et des pas mûrs des fois, à l'instar de ce nouveau directeur commercial débarquant à Hallmark Greeting Cards qui répondait à son collaborateur posant la question “voulez-vous ce travail pour demain” : “si j'avais voulu ce travail pour le lendemain, j'aurais attendu le lendemain pour le demander”. Vous connaissez l'anecdote marocaine du docteur Zadfih qui fut scanda-lisé d'apprendre les théories X et Y du Dr Mac Grégor et inventa la théorie Z: “les travailleurs vous demandent de leur foutre la paix. Ils savent très bien ce qu'ils ont à faire”. Ou encore cet "esprit" du professeur de management, qui a crû trouver la géniale parade en réaction au "management bleu" de l'Occident et au "management vert" à l'orientale en inventant le "management gris-olive" mais en oubliant d'en localiser la "géostratégie" d'application. Les boss qui veulent se faire passer in en reprenant à leurs comptes les concepts modernes tout en restant primitif, à l'instar de ce responsable marketing à la Citrix Corporation : "le travail d'équipe, c'est quand tout le monde fait ce que je dis". Des clichés à la peau dure... Les attitudes et la perception des managers dans notre société sont portées, à tort ou à raison, sur la caricature dénigrante et la raillerie collec-tive. Il est peu d'entreprises où le public ne se soit forgé en "bouffon" ou en "mongolien" haut perché dans la pyramide. Tout le monde le sait sauf ceux qui continuent à ignorer la réalité des choses en reniflant leur parfum de "parachuté illuminé". Nos commandants de bord peuvent tout aussi bien mener à bon port, au sauvetage ou au naufrage. Difficile de dire dans quelles proportions respectives. Une sociologie sommaire de la perception de l'exercice du pouvoir basée sur les connotations populaires et traditionnelles dans la formation socioéconomique marocaine nous mène à des "étiquetages" qui sentent plus la crainte et la soumission que le respect et le dévouement. Si en Algérie tous les citoyens s'interpellent sous le vocable de "chefs", chez nous prédominent les qualités de "maâlem", "moulay", "sidi", "oustad", "flane", "ould dar lakbira", "chrif", "chef lakbir dyal la gare sghir", qui attribuent plus de considération aux détenteurs du pouvoir qu'à leur mérite et compétences. La France n'est pas plus avancée en affublant de "patrons" les respon-sables gestionnaires. Au contraire des Etats-Unis où ce sont les managers qui sont identifiés du premier coup et les "leaders", vocable initié par General Electric pour désigner les collaborateurs du premier groupe industriel mondial. Mais redescendons vers le Sud pour mieux appréhender cette "angoisse" du pouvoir en s'accrochant désespérément à ses basques pour question de survie et de miettes à ramasser. Si le chef est promu, le verdict pousse les gens à le juger "fyaddou", mais s'il est "décapité", il est livré au lynchage du discrédit populaire : "ma fyaddouch". C'est-à-dire qu'ici, on existe surtout par rapport à d'autres et non par sa personnalité propre. Si on réussit, c'est grâce aux "chefs", si on est piétiné ou déchu, c'est à cause des chefs encore. C'est dire que la vie sans un chef protecteur, sans un "maâlem" garant serait tellement rude et l'avenir incertain. ... Mais mieux vaut en rire Mais les chefs ne font pas dans la dentelle pour maintenir les "écarts" lorsqu'ils s'adressent aux gens d'en bas qualifiés de "petites mains", de "subalternes" ou encore d'exécutants. Mais ils oublient leurs propres tares, ces "pique-assiettes", ces "bi-ingénieurs", ces "narcisses", ces "grandes oreilles", ces "gardiens du clan", ces "chiens de garde", ces "geôliers", ces "sabreurs et affameurs". Un cocktail explosif de talents qui a tout pour déplaire et, surtout, faire rire. Tiens, le rire, parlons-en justement. Les managers les plus sophistiqués le recommandent vivement : "sachez manier l'humour management". Faites bien le travail avec le sourire en prime. Souriez, ils souriront, sinon, ils combattront, dit l'adage. Une technique, semble-t-il, bigrement efficace qui a fait ses preuves au Canada et aux Etats-Unis. Sinon, comment franchirions-nous le redoutable exercice de pouvoir nous accorder avec cette maxime de Chamfort: "la plus perdue des journées est celle où l'on a pas ri". Les détachements de la "chefferie" à la carte nous réservent encore d'autres purs spécimens aux allures de "larbin", de "béni-oui-oui", de "makhzénien", enfin ceux qui se montrent les plus chauds partisans de la culture d'entreprise centraliste, hiérarchisée et paternaliste ou encore les adeptes de la culture "Tour Eiffel" fondée sur la division bureaucratique. Quant au traitement égalitaire, en fondant les missions autour de projet et l'épanouissement des individus, des idées qui ne les effleurent même pas. Deux cultures d'entreprise reniées, pourtant à grande valeur ajoutée, que les spécialistes attentifs ont classifiées dans les catégories de "missile guidé" et de "couveuse" dans les entreprises. Cette dernière culture plaidant la valorisation des ressources humaines est un clin d'œil à nos dirigeants qui n'approuvent pas Stephen Covey quand il conseille chaudement : "il faut traiter ses employés comme l'on traite ses meilleurs clients". Mais comment font-ils, diable, tous ces patrons pour réussir à ne divulguer que des résultats "positifs" alors que leur mode de gestion laisse à désirer ? Comme en témoigne si bien Edward Deming : "les chiffres dont le management a le plus besoin sont presque toujours introuvables ou inexistants". Sans compter les adeptes du moindre effort, trouvaille voltairienne s'il en fut : "l'homme n'aime pas travailler, d'ailleurs ça le fatigue!" En tout cas, tant que le leadership persiste à être "valorisé" vers la haute direction. Ce qui est contraire aux coutumes japonaises ou canadiennes, par exemple, où les analystes, partant du constat que "les stratégies actuelles des grandes entreprises pour développer les aptitudes au leadership sont en grande partie inefficaces", n'ont pas hésité à foncer sur un autre modèle préconisant que la seule façon d'y arriver est d'avoir des meneurs à tous les échelons ; des gens proactifs qui prennent et appliquent des décisions sans délai. Le "rêve américain" que nos managers excellent dans l'art de le transformer en cauchemar au quotidien. Nos chefs, décidément, tiennent de la philosophie aristotélicienne qui s'évertue à faire des dirigeants des "automates" ou des "perroquets" hostiles au goût de l'innovation. "Nous sommes ce que nous répétons chaque jour". Quant à l'imagination "débordante" de nos chefs, laissons le soin à Albert Einstein de nous inspirer avec ce commentaire : "l'imagination est plus importante que la connaissance. Nous ne pouvons résoudre les prob-lèmes difficiles que nous rencontrons en demeurant au même niveau de réflexion où nous nous trouvions lorsque nous les avons créés".