Hommage posthume de la CAF à un grand dirigeant marocain La distinction dont s'apprête la CAF à honorer la mémoire de l'ancien ministre marocain de la Jeunesse et des Sports traduit la reconnaissance à ses nombreuses actions en faveur du sport en général et du football en particulier. La cérémonie protocolaire de cet hommage posthume aura lieu à Casablanca le 17 avril en présence des pontes de cette instance continentale. Les dirigeants sportifs africains n'ont pas la mémoire courte et ils savent rendre justice et honorer leurs pairs qui ont vaillamment et longuement bataillé et œuvré pour le développement du sport sur leur continent. Tout le contraire des politiques qui jettent dans l'oubli, de leur vivant, ceux qui ont quitté la scène pour les couvrir d'opprobre à leur disparition. La CAF, sous la conduite de son président Issa Hayatou, élu à Casablanca en 1988 (merci Me Semlali !…) a donc tenu, à sa manière, à exprimer sa gratitude envers un loyal serviteur de la cause du football qui a brillamment et courageusement milité pour son développement, d'abord dans son pays, durant son long mandat de 1er responsable du sport (onze ans), ensuite à l'échelon continental en soutenant, par deux fois, la candidature d'un pays africain à l'organisation d'un Mondial (1994 et 1998). C'est ce pionnier du plus grand défi du football africain, aujourd'hui tombé dans la banalité avec la flopée de candidatures, que la Confédération africaine du football entend honorer en lui décernant, à titre posthume, l'ordre de mérite de cette honorable instance. Comment ne pas s'associer à cette noble et louable initiative en rappelant l'extraordinaire parcours de ce dirigeant exceptionnel qui a consacré toute sa vie au sport, à son développement et son rayonnement au détriment, parfois, de sa santé. Le public marocain connaît fort bien le personnage pour son inlassable travail accompli durant son long bail au département du sport et qui fut couronné par les plus grands exploits du sport marocain dans l'histoire. Ce bilan fabuleux et incomparable a hissé durant une décennie le Royaume au rang des plus grandes puissances sportives de la planète, notamment en athlétisme avec l'avènement d'une génération en or (Saïd Aouita, Nawal El Moutawakel, Brahim Boutayeb, Khalid Skah). Jamais le sport national n'a connu autant de fastes et de considération et cette baraka, Dieu merci, ne s'est jamais estompée jusqu'à… son départ en 1992. Onze année de réussite, d'exploits, de réalisations et de défis, toujours aussi téméraires qu'audacieux, comme si le défunt voulait briser et vaincre les derniers obstacles qui empêchent les pays en voie de développement à accrocher le wagon des nations nanties. Et à cet égard, force est d'admettre aujourd'hui, que c'est sous sa férule que le Maroc a accompli le bond prodigieux dans le domaine sportif que la hiérarchie planétaire lui a reconnu. Mais pour mieux comprendre la folle passion de cet homme du barreau pour le sport, il faut revenir à ses débuts dans le domaine et particulièrement dans le football où il a fait ses premières armes pour apprendre le métier. Dima, dima Raja Pour l'enfant de Derb Soltane, quartier Bouchentouf, il allait de soi qu'on ne peut aimer que le Raja et c'est tout naturellement que le jeune Abdellatif fut un féru des Verts, qu'il suivait partout, c'est-à-dire des séances d'entraînement aux matches du dimanche, à Casablanca ou en déplacement. Jeune supporter clairvoyant et avisé, il vouait une passion sans bornes à l'entraîneur légendaire des Verts, feu Lahcen Jégo. Il se lie d'amitié avec les stars de l'époque et devient l'ami des Hamid, Baeja, Houmane, Aliouate, etc. Et dès 1962, il entre dans l'Association des supporters pour devenir rapidement un des membres les plus actifs, sous le regard amusé d'un grand dirigeant de l'époque, le célèbre Boujemâa Kadri, qui lui prédit un bel avenir de dirigeant. Aussitôt c'est sans surprise que l'on retrouve le tout jeune avocat secrétaire général du Raja en 1970, l'année suivante du “putsch” de 1969 quand le club s'était présenté avec deux formations sur le terrain. Le Raja venait alors de tourner une page dans son histoire avec l'avènement des gens de barreau. Dès lors deux noms vont cristalliser l'actualité du Raja et l'amener aux plus hautes marches de la gloire : Maâti Bouabid et Abdellatif Semlali, tous deux avocats de métier et qui ont leurs idées sur le sport et la gestion d'un club. Feu Semlali restera en fonction de S.G. du Raja durant onze ans (1970-1981). Cet apprentissage lui servira grandement quand Feu Hassan II le nommera ministre de la Jeunesse et des Sports en 1981. Dès son arrivée au département de tutelle, il bouscule les habitudes et secoue l'apathie de quelques cadres habitués à la routine. Il entreprend alors un vaste travail qui lui tient à cœur : achever la réforme du sport marocain entamée dès 1979 au sein de la commission de football dont il a été l'un des membres les plus actifs. Ce qui se traduira en 1986 par la Charte des sports concrétisée par la loi en 1989. L'âge d'or du sport marocain Pour le sport national englué dans toutes sortes de misère et d'insuffisances, c'est l'espoir d'un tout autre destin avec le principe du parrainage et l'avènement du sponsoring et plusieurs clubs vont bénéficier de cette double manne pour enfin bien respirer et se développer dans un cadre structuré et avec un bilan d'activité. Sous sa conduite, le Maroc ne se contente plus de faire de la figuration aux grands forums puisqu'aux Jeux olympiques le Royaume s'abonne au tableau des médailles, accrochant de l'or à Los Angeles en 1984, Séoul en 1988 et Barcelone en 1992. Du jamais vu avant l'arrivée de ce ministre “maz'har” (chanceux) !… Ce qui lui vaut bien des honneurs et une longue longévité dans sa carrière ministérielle qu'il mène de pair, avec le même succès, dans le domaine politique au sein du parti de l'Union constitutionnelle dont il fut l'un des co-fondateurs avec son ami et maître de toujours, feu Maâti Bouabid. Parallèlement à ses multiples charges, feu Semlali tisse des liens indéfectibles avec de grands dirigeants arabes, lui le membre fondateur de l'Union arabe de football (UAF) en 1975. Ce qui vaudra au Royaume beaucoup de soutien et d'aides de la part de ces riches nations à chaque organisation au pays d'une grande manifestation (Jeux méditerranéens entre autres). Dernier crédit à son actif, et non des moindres, celui de son action dans les dossiers de candidature du Maroc en Coupe du monde. Il en fit une affaire personnelle pour aller “s'attaquer” aux grands du ballon rond, c'est-à-dire les hauts dirigeants de la FIFA et le tout-puissant président de cette institution, le Brésilien Joao Havelange. Par deux fois le Maroc rata de peu le Mondial, en 1994 face aux USA et en 1998 face à la France. Aujourd'hui encore, ses adversaires, représentants de grandes puissances, saluent la témérité de ce précurseur hors-pair qui a ouvert la porte et montré le chemin aux autres pays de l'Afrique. Et c'est à ces multiples combats et à son œuvre inlassable pour le développement du football que les dirigeants de la CAF et à leur tête le président Hayatou veulent rendre un vibrant hommage posthume. Abdellatif Semlali incarnera toujours pour les sportifs marocains l'infatigable serviteur du sport et le brave architecte de sa restructuration. A ses successeurs d'être dignes en achevant son œuvre. Ahmed Belkahia