Rapatriement d'enfants clandestins En Espagne, trois procès administratifs sont en cours contre le gouvernement central pour violation des droits des mineurs marocains. La partie plaignante est constituée par les gouvernements locaux des régions autonomes qui affirment être bernés par Madrid qui entretiendrait le flou sur les réunions bilatérales avec le Maroc et les clauses qui en découleront. Si dans le mémorandum signé avec le Maroc l'objectif final des accords consistait à rapatrier ces enfants, la méthode et les critères à utiliser sont perçus différemment par la classe dirigeante espagnole. L'affaire des mineurs marocains commence à soulever des passions en Espagne. Une véritable discorde est née depuis quelques jours au sein de la classe dirigeante espagnole à propos du statut administratif des enfants et la manière de gérer le dossier des rapatriements. Selon le ministre de l'Intérieur, Angel Acebes, les termes des accords concernent également les enfants qui sont actuellement insérés dans des programmes éducatifs ou qui suivent une formation professionnelle sur le territoire espagnol. Ces cas, nombreux, sont aujourd'hui “reconnus” tant bien que mal par la loi et doivent, selon elle, bénéficier à leur majorité d'une reconnaissance officielle via l'octroi de la nationalité. Dans les clauses du mémorandum signé avec le Maroc, l'un des paragraphes a en effet la particularité d'être suffisamment équivoque pour que l'on s'y arrête : “Lorsque les mineurs marocains non accompagnés qui ont franchi la frontière espagnole vivent depuis quelques temps en Espagne, ils seront identifiés et la documentation qui accrédite leur nationalité sera expédiée par les soins des autorités marocaines avant de procéder à leur rapatriement.” Dans la foulée, trois villes ont déposé une plainte contentieuse-administrative pour soutenir trois enfants marocains à qui les autorités du gouvernement central de José Maria Aznar avaient refusé le permis de résidence. A Castilla-La Mancha, le mineur en question était entré clandestinement en 2002, et après avoir été placé dans plusieurs Centres d'accueil dans différentes régions d'Espagne, il avait obtenu la mise en tutelle en février 2003. Deux autres cas similaires ont été enregistrés en quelques jours par les tribunaux de Ciudad Real et Cuenca. Ce qui a provoqué une vive réaction auprès des responsables de certaines régions autonomes qui ont, à leur tour, demandé des comptes à la Moncloa. Quand le flou est entretenu Le gouvernement de l'Andalousie accuse le gouvernement central de Madrid de faire régner le flou et de ne rien laisser filtrer des réunions bilatérales qui se tiennent mensuellement depuis septembre avec le Maroc. Aucune suite n'a été donnée aux multiples appels à plus d'éclaircissement et aux demandes réitérées de réunions formulées officiellement à Angel Acebes par l'Andalousie qui est la région la plus touchée par le fléau des arrivages. Ses autorités ont fait savoir qu'un vent de panique et “d'inquiétude soufflait parmi les mineurs qui vivent depuis longtemps sur notre territoire”, car “la majorité était intégrée socialement et professionnellement.” Le porte-parole du gouvernement andalou a aussi considéré les accords de rapatriement ambigus et “qu'il aurait fallu, pour la partie espagnole, des arrangements entre le ministère du Travail et des Affaires sociales, le ministère de l'Intérieur et les différentes régions autonomes, pour que les procédures soient différentes pour les mineurs qui sont déjà chez nous et ceux qui arrivent actuellement.”Contacté par LGM, le service du Bien-être social de Melilia, institution chargée de veiller sur les mineurs arrêtés dans la ville, reconnaît que des expulsions ont commencé au lendemain de la signature des accords entre le Maroc et l'Espagne, en date du 23 décembre dernier, et que les enfants arrêtés depuis lors ne font l'objet d'aucune démarche d'accueil comme c'était le cas auparavant. En outre, on nous annonce que depuis le 13 janvier, la mise en tutelle des mineurs illégaux ne peut être applicable qu'aux nouveaux-nés de parents clandestins… D'autres voix politiques, comme celle de UGT, ont demandé purement et simplement l'annulation des accords avec le Maroc, vu que ces derniers provoquent de graves distorsions dans la loi de protection des enfants. La Junte de l'Andalousie a lancé un appel aux autres régions autonomes pour “signer des accords avec les autorités marocaines pour ouvrir des Centres d'accueil au Maroc afin que les futurs rapatriés trouvent un toit et de la nourriture”. Selon le plus haut responsable des Affaires sociales de l'Andalousie, Isaias Perez Saldana, sa région a déjà obtenu gain de cause puisque “ces accords vont permettre d'ouvrir dans le Nord du Maroc des Centres d'accueil” qui permettront de concrétiser rapidement, et en toute conscience, les rapatriements des enfants. Selon les déclarations, cette façon de faire doit “constituer un modèle” de manière à ce que Madrid coopère avec le Royaume et crée un système de refuges qui “garantisse aux mineurs des alternatives” et évite, comme le signalent d'autres voix qui s'élèvent “que ces enfants reviennent un jour vers les villes de Sebta et Melilia, ou pire, n'entreprennent une seconde fois le périlleux voyage à travers le Détroit de Gibraltar”.En guise de ballet diplomatique, c'est le gouvernement des Iles Canaries qui effectuera un voyage de travail au Maroc courant février pour “discuter” des aspects techniques des accords bilatéraux sur le rapatriement des mineurs marocains. A cet effet, c'est Abdeslam Baraka, ambassadeur du Maroc en Espagne, qui s'est déplacé le 13 janvier à Las Palmas pour rencontrer le président du gouvernement des îles, Adan Martin. Selon des sources bien informées, la priorité de Madrid est d'obtenir des “résultats satisfaisants quant à l'application du mémorandum”. Mais nul ne sait ce que peuvent bien vouloir dire des “résultats satisfaisants”, notamment lorsque la loi reste inachevée et source de manipulations. Dans certains milieux politiques, on commence à penser que le rapatriement des mineurs permettra de faire table rase sur la situation de tous les enfants maghrébins indésirables qui traînent dans les rues, recueillis par les instances sociales ou travaillant déjà dans de petits métiers auxquels ils ont été formés par les Espagnols. Les termes de l'accord signé le 23 décembre à Madrid En vertu de l'accord signé le 23 décembre dernier : • les mineurs marocains qui atteignent les côtes espagnoles à bord des pateras seront arrêtés et, postérieurement, rapatriés vers leur pays avant 40 jours. • Les mineurs marocains non accompagnés qui entrent par un poste frontalier espagnol seront remis immédiatement aux autorités des frontières marocaines. • Lorsque les mineurs marocains non accompagnés qui ont franchi la frontière espagnole vivent depuis quelques temps en Espagne, ils seront identifiés et la documentation qui accrédite leur nationalité sera expédiée par les soins des autorités marocaines avant de procéder à leur rapatriement. • L'objectif de l'Espagne est de réinsérer les mineurs marocains non accompagnés au sein de leurs familles, chaque fois que cela est possible de localiser lesdites familles. • Dans le cas contraire, si les familles ne sont pas localisables, l'Espagne procèdera à leur rapatriement sous tutelle des autorités frontalières marocaines auxquelles les mineurs seront confiés, comme l'établit la législation espagnole.