Parallèlement à l'interdiction prononcée par la Cour spéciale de Justice (CSJ) à l'encontre de 44 ex-responsables de la CNSS, deux enquêtes, l'une technique de l'IGF et l'autre policière de la BNPJ, sont menées pour déterminer les véritables coupables dans le scandale financier de la CNSS. Décidément, le ministère de la Justice met les bouchées doubles pour boucler ce dossier avant la suppression de la CSJ du système judiciaire marocain. Il fallait s'y attendre. Juste après avoir achevé l'instruction de l'affaire du CIH, les magistrats de la Cour spéciale de Justice s'attaquent au dossier épineux de la CNSS. Incontestablement, le ministère de la Justice a le vent en poupe et souhaite boucler les dossiers des scandales financiers avant la suppression de la CSJ du système judiciaire marocain. La semaine dernière, le département de Bouzoubâa, ministre de la Justice, a remis le dossier de la CNSS au juge d'instruction chargé de l'affaire qui a aussitôt prononcé une mesure d'interdiction de quitter le territoire national à l'encontre de 44 ex-responsables de la Caisse. Il s'agit là d'une mesure ordinaire, et non pas d'une inculpation entrant dans le cadre de la procédure concernant l'enquête judiciaire, et notamment l'audition des personnes citées. Mohamed Gourja ou Rafiq Haddaoui (ex-DG de la Caisse) et Mounir Chraïbi actuel DG viennent en tête d'une longue liste préparée par la Commission d'enquête de la Chambre des conseillers présidée par Rahou El Hila. L'interdiction de quitter le territoire national frappe également les anciens secrétaires généraux et quelques anciens directeurs de département. Aujourd'hui, deux enquêtes sont menées parallèlement, l'une policière de la Brigade nationale de la police judiciaire (BNPJ) et l'autre technique par l'Inspection générale des finances ( IGF ), pour désigner les véritables coupables dans cette affaire. En effet, la publication du rapport d'enquête parlementaire sur la CNSS en 2002 avait suscité de nombreuses réactions. D'abord, le montant du préjudice tel qu'il a été estimé par la commission d'enquête n'a pas manqué de surprendre. Surtout que les membres de la commission ne se sont pas contentés d'évaluer le montant principal uniquement, soit 47,7 milliards Dhs. Mais ils ont également comptabilisé les intérêts que ce montant aurait rapporté à la Caisse (67,7 milliards Dhs) une fois placé auprès de la Caisse de dépôt et de gestion (CDG). Pour les ex-responsables de la Caisse, cette méthode est absurde et ne repose sur aucun fondement professionnel. Contacté par nos soins, Rafiq Haddaoui, ex-DG de la CNSS se refuse à tout commentaire tout en réfutant toutes les accusations portées contre lui par la Commission d'enquête parlementaire. “La méthode de calcul est non fondée et toutes les accusations sont fabriquées de toutes pièces ”. Autre son de cloche, celui de Rahou El Hila, président de la Commission d'enquête parlementaire. Selon lui, la méthode de calcul adoptée ainsi que les chiffres annoncés sont justes et précis. Pour lui, les remarques et les résultats sont adressés à la Justice puisqu'il s'agit d'un rapport qui émane d'une institution constitutionnelle. “Les excédents de la CNSS doivent être déposés auprès de la CDG. C'est la raison pour laquelle nous avons calculé les intérêts de placement”, avait-il déclaré à la presse. Des deux versions des faits, c'est la première qui retient aujourd'hui l'attention des magistrats de la CSJ. En effet selon une source de la CSJ, le dossier de la CNSS sera traité avec un certain recul pour vérifier la véracité des chiffres avancés par la Commission d'enquête parlementaire. “Nous allons différencier le montant estimé par rubrique: montants détournés, préjudice subi pour mauvaise gestion, pertes d'adhésion…”. En somme, la crise de la CNSS remonte à loin et s'il est question aujourd'hui de porter des jugements, il faut en même temps demander des comptes aux différents ministres de tutelle qui se sont succédé depuis 1971, aux syndicats représentés dans le Conseil d'administration sans oublier au passage le patronat impliqué lui aussi dans cette histoire. Et là, le rapport de la commission parlementaire cite des exemples de sociétés affiliées à la CNSS qui n'ont jamais versé de cotisations à la Caisse.