Ex-directeur général de la CNSS de 1971 à 1992, Mohamed Gourja a été récemment interrogé par la BNPJ dans le cadre de l'instruction du dossier sulfureux de cette caisse qui avait fait l'objet d'une enquête parlementaire rendue publique en 2001. Mohamed Gourja n'est pas le seul à être épinglé par le rapport en question qui a révélé des détournements de fonds à grande échelle. D'autres responsables cités par le document parlementaire sont appelés à se rendre à la convocation de la police. La semaine dernière, la brigade nationale de la police judiciaire de Ò(BNPJ) Casablanca, a procédé à l'arrestation de l'ancien directeur général de la Caisse Nationale de la Sécurité Sociale (CNSS), Mohamed Gourja. Celui-ci est incontestablement l'homme qui a "régné" le plus longtemps sur la Caisse. Et pour cause, il a occupé ce poste pendant 21 ans, exactement de 1971 à 1992. C'est au cours de cette période que l'essentiel des détournements a été relevé par la commission parlementaire qui réalisé, entre novembre 2001 et mai 2002, une importante enquête sur la gestion de la CNSS. "Mohamed Gourja a été arrêté par des éléments de la BNPJ, le mercredi 19 mai, à 7 heures du matin à son domicile", estiment des sources concordantes. Il a été relâché le soir-même. Mais Gourja a effectué, depuis, plusieurs allers-retours, de son domicile vers les locaux de la BNPJ. Les enquêteurs tentent de déceler l'étendue de sa responsabilité dans de nombreuses affaires de détournements. Des millions de dirhams se sont tout simplement évaporés, et ce pendant plusieurs années. Un autre cadre de la CNSS, et pas des moindres, a également été entendu par les officiers de la BNPJ. Il s'agit du chef de la division financière, Mohamed Lamouden. Les enquêteurs auraient découvert plusieurs chèques, avec des montants faramineux (entre 1 et 3 millions de DH), signés par Lamouden et à son compte. Ce n'est pas la première fois que Gourja et Lamouden sont interrogés par la BNPJ. Mais cette fois, les démarches des enquêteurs semblent reposer sur du concret. Les observateurs estiment que l'affaire CNSS ne fait que commencer. D'autres têtes vont tomber. La mauvaise gestion qui a caractérisé des années de la vie de la CNSS ne peut être la responsabilité d'une ou deux personnes. Ne faut-il pas rappeler que le Conseil d'administration est toujours présidé par le ministre de l'Emploi. Aussi, ce Conseil d'administration, organe qui trace les grandes lignes de la politique de la CNSS, est composé de représentants du gouvernement, des salariés et du patronat. Aussi, pendant plusieurs années, la vice-présidence du Conseil d'administration a été confiée au tristement célèbre, Mohamed Abderrazak, le numéro 2 de l'UMT, récemment limogé. Une centrale qui fait parler d'elle dans le COS-ONE. En outre, Mohamed Abderrazak occupait le poste hautement stratégique de président du comité de gestion de la CNSS. C'est un organe important car c'est lui qui devait, en principe, veiller au contrôle de l'action du Directeur général. Ce dernier ayant l'obligation d'appliquer, à la lettre, les décisions du Conseil d'Administration, le fameux comité de gestion a-t-il jamais tiré la sonnette d'alarme? Une question qui reste sans réponse. Autre responsable, déjà dans la ligne de mire des enquêteurs: Abdelmoghit Slimani. Il occupait le poste de secrétaire général de la CNSS, entre 1976 et 1994. C'est justement dans cette période, que les polycliniques de la CNSS ont été créées (en contradiction avec la loi qui gère la Caisse). C'est également au cours de cette période que le budget des soins de Santé-France a été dilapidé. A noter que les éléments de la BNPJ de Casablanca se sont penchés sur la gestion de la CNSS depuis plusieurs mois. Tout a commencé par le rapport de la commission d'enquête parlementaire, présidée, rappelons-le, par le Conseiller FFD, Rahou Hilae. Ce rapport qui a fait couler beaucoup d'encre et a secoué plusieurs syndicalistes a été remis au ministre de la Justice, à l'époque Omar Azziman. C'est son successeur, Mohamed Bouzoubaâ, qui a transmis, comme la procédure l'exige, le rapport parlementaire à la Cour Spéciale de Justice (CSJ). Celle-ci a immédiatement saisi l'Inspection Générale des Finances (IGF). L'enquête de l'IGF, réalisée par des spécialistes, a été beaucoup plus précise que celle des Conseillers (même si ces derniers ont été aidés par quelques professionnels). En tout cas, la CSJ a décidé de mettre également dans le coup, les officiers de la BNPJ. Une équipe de cette brigade, continuellement étoffée de nouveaux éléments, effectue régulièrement des visites à la CNSS, épluchant de nombreux documents d'archives et effectuant des recoupements et des vérifications. L'affaire ne fait donc que commencer.