Les responsables de la CNSS ont disposé pendant des années de l'argent des salariés avec une facilité déconcertante. En dehors de tout contrôle et au mépris de la loi. Évoquée dans le rapport d'enquête parlementaire sur la CNSS, l'affaire de la clinique Ben Brahim en est vraiment une. Les faits remontent à 1985. Le directeur général de la Caisse, à l'époque Mohamed Gourja, a usé et abusé de ses prérogatives pour financer l'acquisition de cette clinique privée située à Casablanca. Montant de l'opération : la bagatelle de 6 millions de Dhs. Ce qui n'est pas normal dans ce dossier c'est le prélèvement de cette somme sur le fonds spécial des soins de santé “Maroc-France“ de la CNSS. Le titre de paiement a été établi au profit d'un notaire de Casablanca, Essaïd Boujida. C'est ce notaire qui a établi l'acte de cette étrange transaction. Ont comparu devant le notaire les vendeurs de la clinique, Ben Brahim Mohamed El andaloussi et Ben Brahim El andaloussi Mostafa, ainsi que Mohamed Gourja en sa qualité de président du conseil d'administration de la mutuelle d'action sociale (MAS) et Bouchaîb Boughaba en tant que président du conseil d'administration et d'action sociale des entreprises de production, de transport et de distribution d'électricité (CMCAS) de l'ONE. Les deux représentants, M. Gourja d'une part et M. Boughaba de l'autre, acceptent d'acheter la clinique dans les proportions suivantes : La MAS pour les 2/3 et la CMCAS pour 1/3. Cette répartition n'est vraie que sur le papier. Dans les faits, cette opération a été financée en totalité par l'argent du compte soins de santé Maroc-France. Autrement dit, l'organisme mutualiste de l'ONE n'a pas déboursé un sou dans cette affaire. Mieux que cela, le seul et unique bénéficiaire de la clinique depuis son acquisition jusqu'à aujourd'hui n'est autre que l'organisme de l'ONE même si l'acte notarié stipule que la jouissance de la propriété sera assurée par les deux parties. En fait, la CNSS, dans un élan de générosité impétueux, lui a fait cadeau de cette unité médicale de 737 m2. Quant aux anciens propriétaires, les deux frères Ben Brahim, ils ont été recrutés comme médecins à la clinique. Un tour de passe-passe financier comme le rapport El Hilaâ en regorge, à l'exemple de l'affaire de la moelle osseuse financée à hauteur de 3 millions de Dhs sur les deniers de la CNSS. Le protocole d'accord de ce projet que la caisse n'a pas à subventionner a été signé le 25 février 2000 à Casablanca, soit deux mois avant la réunion du conseil d'administration, par le directeur de la CNSS de l'époque Rafiq Haddaoui, le directeur du centre hospitalier Ibn Rochd, le professeur Abdelmajid Bouzidi et les ministres de l'Emploi et de la Santé d'alors, respectivement Khalid Alioua et Abdelouahed El Fassi. La somme a été versée sur le compte du centre régional de transfusion sanguine (CRTS) du professeur Noufissa Benchemsi. L'initiative est bonne si elle ne constitue pas une violation caractérisée de la loi et du Dahir portant organisation de la CNSS. Les cotisations sociales des salariés ne sont pas destinées à financer ce genre de projet dont le montant a été prélevé qui plus est sur le compte de gestion de la Caisse. L'illégalité totale. L'UMT a d'ailleurs porté plainte en juillet 2000 auprès de la Chambre administrative de la Cour suprême et confié le dossier à l'avocat Mohamed Ziane. Or, cette instance, à la surprise générale, a débouté le plaignant en validant l'opération. Le projet de greffe de moelle osseuse, qui devait être réalisé au centre hospitalier Ibn Rochd, ne verra jamais le jour. Importé de l'étranger, le matériel médical est perclus de rouille dans les cartons.