Malgré son climat semi-aride ou aride, le Maroc est soumis à des crues importantes. Ce phénomène d'inondations est ressenti plus fortement aujourd'hui en raison du développement démographique, économique, urbain, agricole et industriel ou touristique. Des régions de Casablanca, Berrechid et Settat, en passant par le Gharb ou Tan Tan jusqu'aux provinces de Nador et Al Hoceima,les zones à haut risque sont touchées. Des crues dévastatrices. Un apport d'eau en 72 heures équivalent à 70% de la pluviométrie annuelle. La région d'Al Hoceima-Nador a subi à son tour les foudres de la nature. Une nature déchaînée contre laquelle il n'y a nul secours, nulle issue. Que s'est-il passé au juste ? Pourquoi les problèmes climatiques sont-ils devenus récurrents chez nous ? Pourquoi ce phénomène des inondations à répétition dans un pays pourtant à climat aride ? Autant de questions que le commun des citoyens se pose depuis au moins deux ans. Des questions auxquelles le Secrétaire d'Etat chargé de l'Eau, Abdelkébir Zahoud, apporte des réponses de spécialiste d'abord et de responsable gouvernemental. Va-t-on faire les frais des changements climatiques sans rien faire ? Les Marocains vont-ils maintenant que la pluviométrie est abondante, faire des sacrifices en vies humaines et en infrastructures alors qu'ils ont pendant des années subi de lourdes sécheresses ? Dégâts considérables Les départements concernés à savoir le ministère de l'Equipement, celui de l'Aménagement du territoire et le Secrétariat d'Etat chargé de l'Eau ont établi chacun de son côté des plans de travail pour gérer au mieux des situations dont seule la nature détient les secrets. Ainsi, on a vu comment face à la catastrophe d'Al Hoceima et Nador, les cadres de l'Equipement ont réalisé des prouesses en installant des ponts suspendus en fer et qui normalement nécessitent un temps au moins trois fois supérieur à celui effectué pour cette circonstance. “La réalisation d'un pont suspendu pour remplacer le pont écroulé a duré quinze heures au lieu de quarante huit heures”, selon Karim Ghellab, ministre de l'Equipement. La réalimentation des villes en eau potable après un arrêt compensé par les pompes et bornes fontaines s'est déroulée en un temps correct… Les dégâts matériels ont concerné notamment le réseau routier et on estime les pertes à 35 millions de dirhams… Les travaux de réfection ont démarré et le dernier village souffrant de coupure d'eau a été réalimenté. La question qui se pose est de savoir si au Maroc les prévisions ne sont pas justes et si le système d'alerte fonctionne ou non. Mais aussi si avec tout le savoir-faire et le développement scientifique on n'arrive toujours pas à répertorier les sites à risques et à prendre les précautions qui s'imposent. Les événements catastrophiques de l'Ourika en 1995, d'El Hajeb en 1997 et tout récemment de Settat, Berrechid et Mohammédia en novembre 2002, ont été à l'origine de pertes humaines déplorables et ont causé des dommages aussi bien aux infrastructures publiques ou privées qu'aux terres agricoles. Il y a un an, au cours du mois de novembre 2002, des records de pluie ont été enregistrés dans les provinces de Mohammédia, Settat et Ben Slimane provoquant des crues d'une rare violence. “Il fallait compter avec les changements climatiques qui se sont opérés ces 25 dernières années et qui ont aggravé les phénomènes extrêmes (sécheresse et inondations). Cependant, les données ne sont pas encore suffisantes pour permettre d'élaborer des tendances et des modèles. Toujours est-il que nous avons été surpris par l'ampleur et la violence des crues comme beaucoup de pays d'Europe l'ont été pour les mêmes raisons”, selon M. Zahaud. Délais d'alerte Le Secrétariat d'Etat chargé de l'Eau a élaboré un plan national de lutte contre les inondations. Un plan dont certains volets sont déjà opérationnels. Ainsi, le 25 octobre, par exemple, le Secrétariat d'Etat chargé de l'Eau a procédé à la mise en place sur l'Oued El Maleh d'unités mobiles de mesure des ressources en eau. Il s'agit d'un ensemble d'équipements de mesure et de traitement des données montées sur un véhicule tout terrain permettant d'effectuer des interventions de manière rapide et souple pour disposer d'éléments de prise de décision à partir de mesures effectuées dans des endroits non couverts par les réseaux existants. Parmi les mesures de précaution prises, il a été procédé à la mise en place de 5 postes d'annonce de crues permettant de porter le délais d'alerte à 14 heures au lieu de 6 heures auparavant. En plus de la réalisation de 4 digues à Mohammédia au niveau du boulevard Sidi Mohammed Ben Abdellah, de Douar El Haja, du boulevard Chefchaouni et de la zone basse de la SAMIR. Des études pour trouver les meilleures solutions aux divers problèmes posés au niveau de la ville sont en cours. L'étude du Plan national de lutte contre les inondations a permis d'avoir une vision synthétique et complète à l'échelle de la totalité du territoire national de l'ensemble des risques réels et potentiels d'inondation. Ces mesures pourront être techniques par la réalisation des ouvrages de protection tels que les barrages, les endiguements, le calibrage et l'entretien des lits des cours d'eau, des systèmes de lutte contre l'érosion,… mais aussi préventives, réglementaires, organisationnelles, et de sensibilisation… Et puis il ne faut plus occulter les nouvelles donnes climatiques : le Maroc aura à gérer les fortes précipitations plus qu'il n'avait à gérer les dures périodes de sécheresse. Avec une différence de taille. La sécheresse est mortelle. Les apports d'eau abondants restent toujours bénéfiques.