Ali Sedjari, chercheur Ali Sedjari, président du groupe de recherches et d'études sur le territoire est un spécialiste des notions de gouvernance. Professeur d'université, il porte un regard méticuleux sur les autorités administratives autonomes. La Gazette du Maroc: d'après vous, les organismes de régulation qui deviennent plus nombreux se substituent-ils aux départements gouvernementaux déjà en place? Ali Sedjari : pas du tout. Il ne s'agit pas de moyens de remplacement ou de structures de substitution. Il est plutôt question de nouveau mode de gouvernance qui épouse les tendances nouvelles dans le monde. Par le passé, l'organisation administrative était classique, avec les principes hiérarchiques, avec la sanction comme arme brandie à tout bout de champ. Le degré et la fréquence des sanctions vont en baisse dès que le cadre gravit les échelons... Maintenant, on est en passe de mettre en place un modèle nouveau, et la création des organismes de régulation qui sont des autorités administratives autonomes vient dans ce sens. Ce sont des entités aux pouvoirs élargis et relevant directement de S.M. le Roi. Mais elles ne jouissent pas des mêmes pouvoirs de décision... Il faut savoir qu'il y a deux catégories d'autorités administratives indépendantes. Il y a celles qui ont un pouvoir d'influence seulement. C'est le cas par exemple du Conseil consultatif des droits de l'Homme, de l'Instance équité et réconciliation entre autres. Ces instances émettent des avis sur telle ou telle question. La deuxième catégorie, par contre, a un pouvoir de décision. C'est le cas du Conseil de la concurrence, de l'Agence nationale de réglementation des télécommunications ou du récent Conseil supérieur de l'audiovisuel. Ce dernier peut autoriser ou retirer l'autorisation d'émettre, prononcer des sanctions pécuniaires à l'encontre de contrevenants ou réduire leur temps d'émission... Cette deuxième catégorie édite des règlements et son pouvoir est important dans la conjoncture actuelle. Quelles conditions faut-il remplir pour que ces instances accomplissent leur mission? Il va sans dire que sans autonomie et sans indépendance, les autorités administratives autonomes ne feront pas leur travail tel que le définit la loi. Il faut qu'elles optent pour la transparence et que le maître-mot reste à tout instant l'efficacité et rien que l'efficacité. Et pour cela, il faut s'entourer des compétences nécessaires. La compétence et le savoir-faire sont des conditions nécessaires pour la réussite des organismes en question et pour qu'ils puissent agir en tant que pouvoir décisionnel. Il ne faut pas oublier qu'il est impératif de ne pas reproduire les mêmes schémas administratifs et leurs lourdeurs. Je pense que les autorités administratives indépendantes reflètent un signe de pragmatisme. Cela dit, il ne faut pas qu'on ait uniquement de nouveaux coûts financiers sans résultats et la question du coût financier est à lier aussi aux structures administratives traditionnelles qu'il faut peut-être recycler. La volonté d'aller de l'avant est là, et pour y parvenir, la sagesse des membres de ses structures jouera un rôle primordial.