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Dans le camp de Calamocarro, à Ceuta
Publié dans La Gazette du Maroc le 17 - 11 - 2003

Quand on y entre, c'est que l'on a été pris en flagrant délit de clandestinité dans la ville de Ceuta. C'est le camp de Calamocarro, duquel nul ne sort indemne. Ses occupants n'ont pas de visage, pas d'identité. Ils ont perdu leur passé en même temps que leurs papiers. Leur destin : être exploités en tant qu'ouvriers en Espagne…
D'une taille d'un terrain de foot, cet ancien campement de colonie de vacances, à l'état lamentable et crasseux, a abrité régulièrement ces dernières années jusqu'à deux mille clandestins dans des tentes bleues cédées par la Croix-Rouge, alors qu'il a été conçu pour en loger cinq cents. La plupart des clandestins ont atterri ici après avoir parcouru des centaines ou des milliers de kilomètres à travers un continent africain hostile et souvent en guerre. En atteignant Ceuta et ses barrières naturelles, ses côtes saillantes à l'Ouest et ses montagnes abruptes sur le versant oriental, rendant l'accès à l'enclave espagnole difficile, les “harragas” ont dû affronter d'autres périples. Le périmètre frontalier se termine à Kabililla, une bourgade côtière où vivent des pêcheurs espagnols. De l'autre côté de la plaine, se trouve le village marocain de Belyounech. Les Espagnols ont édifié tout autour de la ville un grillage électrique appelé MIR (Muraille Intelligente Radicale), pour lutter contre les passeurs de drogues et d'articles de contrebande et depuis quelques années contre les réseaux de passeurs d'hommes. A cela s'ajoute une forte présence de la police des frontières qui dispose de dix-sept postes de contrôle permanents et de patrouilles qui sillonnent vingt-quatre heures sur vingt-quatre la bande de séparation avec le Maroc, large de huit kilomètres. Le long de la côte, le mur électrique érigé sur plus de trois mètres de haut atteint les deux plages formant territoire avec Ceuta : Tarajal et Benzu pour dissuader les clandestins qui cherchent à regagner la rive du port à la nage ou en pateras. Munis d'appareils infra-rouge, de radars, de chiens et d'autorisation de tirer sur les interpellés en fuite, ces guardia craints dans la région engagent très souvent des poursuites en voitures et des échanges de balles sont très fréquemment observés. Ils sont là pour le trafic de hashich, d'extasy et de cocaïne, mais les patrouilles interceptent régulièrement des arrivages de clandestins qui cherchent à traverser le Détroit. Chaque jour à Ceuta, près de vingt clandestins sont arrêtés et"incarcérés" dans le Centre temporaire des immigrants, Calamocarro.
Le camp des servitudes
Calamocarro a été érigé il y a quelques années après la révolte violente provoquée par un groupe de 350 clandestins qui s'élevaient contre leur condition de vie à Ceuta. En octobre 1995, las d'être humiliés à longueur de journée par les Espagnols, de dormir sur des cartons dans les rues glaciales du port, ils se sont regroupés à hauteur des murailles de la ville, sur une place dénomée El Angulo, armés de pierres et de bâtons avec lesquels ils allaient terroriser les 75.000 habitants de la ville et défrayer la chronique internationale. Le temps s'y déroule avec une lenteur carcérale. Au milieu des tentes délabrées, une mosquée et une église ont été aménagées tant bien que mal pour les besoins de la religion. Il n'y a pas un seul interprète dans tout le camp et l'on parle toutes les langues, comme à Babel. Mais en guise de terre promise, entrer à Calamocarro, c'est surtout bénéficier d'un sauf-conduit valable un an qui permet aux clandestins d'entrer légalement en Espagne et d'y travailler. Mais pour être accepté dans ce centre d'accueil humanitaire, il faut réussir à franchir les frontières entre le Maroc et Ceuta, et se faire prendre sur le territoire espagnol et non marocain. Près de vingt nationalités cohabitent dans le camp situé aux alentours de la ville, mais les nouveaux arrivants sont majoritairement issus du Nigeria, du Mali, de Sierra Leone, de Guinée-Bissau et curieusement d'Algérie. On nous assure que les Algériens sont bien plus nombreux dans le camp de Melilla puisque les frontières de l'autre enclave espagnole enregistrent un taux d'entrée illégal de 6 Algériens/jour. 20% de la population du camp est féminine. Peu importe que le voyage des clandestins se termine dans cette prison dorée qui leur paraît plus conviviale et humaine que leurs foyers d'origine ? Ils ont une moyenne d'âge de vingt-six ans et savent que leur séjour à Calamocarro est temporaire, qu'un jour prochain, ils seront admis officiellement sur la péninsule. Selon les chiffres de Madrid, depuis octobre 1996 près de 15.000 clandestins ont été extradés de Ceuta et Melilla vers l'Espagne pour bénéficier du programme “Accueil et Accès à l'Emploi”. Ils attendent dans le purgatoire transformé en petite ville africaine, une “république” où les groupes majoritaires sont représentés par des "chefs"… A Calamocarro ont fleuri depuis les premières années, des commerces : deux ou trois restaurants improvisés avec quatre casseroles où l'on propose du poulet au riz ; des baraques de trois mètres carrés où l'on peut s'approvisionner en bière, tabac et fruits ; un cordonnier qui vend aussi à l'occasion des chaussures usées espagnoles ; une baraque qui propose de chauffer l'eau moyennant quelques pièces d'argent ; des coiffeurs et coiffeuses qui officient en plein air, avec une chaise et deux instruments ; enfin un bordel officieux constitué d'une petite baraque où vingt subsahariennes vendent leurs corps avec des tarifs préférentiels car à Calamocarro les Algériens paient le double pour forniquer.
Leur déambulation incroyable les a menés de leur pays d'origine, en Afrique Noire, jusqu'à la pointe du continent. Les prix de la traversée ont été négociés chèrement par les immigrés qui jettent leurs papiers et autres documents avant d'entreprendre le périlleux voyage. Selon les informations fournies par les rescapés des pateras, qui arrivent à rejoindre l'autre rive, la traversée du Détroit de Gibraltar à elle seule coûte jusqu'à 40.000 dh/personne. Les voyageurs illégaux peuvent aussi faire appel à d'autres services proposés par la maffia européenne : mariage en blanc, travail au noir, faux documents… Selon les enquêtes menées par la police à Calamocarro, des membres de la sureté algérienne ayant fuit l'Algérie en choisissant de passer par Ceuta et Melilla, tout comme des Sierra Léonais auraient avoué durant leur séjour à Ceuta avoir participé aux génocides culturels qui accablent leur pays et d'autres terres africaines.
Exploités par la société espagnole
Leur assimilation en Europe est forcée : l'Espagne n'a en effet aucune preuve qui dévoilerait le pays d'origine des clandestins, et se voit forcée d'en faire "quelque chose". A défaut de les rapatrier vers le Maroc, thèse qu'elle défend depuis plus de dix ans sous pretexte que les clandestins sont passés par le royaume, elle les livre à la vindicte populaire de plus en plus raciste, à la pâture des industriels qui les exploitent, à la lourdeur administrative qui permet de retarder leur insertion définitive et leur liberté illusoire… Calamocarro apparaît comme un doux piège pour les plus démunis de cette planète. En accord avec les principes démocratiques et humanitaires de l'Europe, les clandestins sont recueillis dans le camp sans trop de heurts et ensuite dirigés vers le marché du travail espagnol et européen. Ils vivent en Espagne durant quelques années dans une situation précaire, en attente de leur permis de séjour, et constituent une main-d'œuvre bon marché introuvable ailleurs. Les clandestins d'aujourd'hui sont plus rentables que les Maghrébins des années 70-80 qui traversaient le Détroit avec un simple passeport pour aller travailler dans les fermes et les restaurants de la Costa del Sol, déjà avec des salaires dérisoires.
Les hôtes de Calamocarro, qui échappent à la mort, à la maladie, aux mille tourments de leur aventure inouie, ont finalement caressé leur rêve en payant un peu de leur humanité restante qui sera sacrifiée sur l'autel qu'est l'Europe. En Espagne, le destin des clandestins est tout noué.
Après un voyage de rêve dans un paquebot tel qu'il l'imaginait durant leur long périple de fugitifs des temps modernes, ils seront récupérés par la machine industrielle espagnole. Ils serviront dans l'agriculture, les industries lourdes, le ménage, les travaux de corvée et les basses besognes, à des prix défiant toute concurrence. Beaucoup de femmes seront approchées par des proxènetes et viendront alimenter les réseaux de prostitution du vieux continent.


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