Abdelaziz Lemsioui, membre du B.P de l'U.C : Membre du bureau politique de l'Union constitutionnelle, ancien chef du groupe parlementaire et ancien ministre, Abdelaziz Lemsioui porte un regard critique sur le mode de scrutin de liste, et appelle à la réorganisation des partis.. La Gazette du Maroc : maintenant que l'ensemble du processus électoral touche à sa fin avec l'élection des présidents des régions, quelle évaluation peut-on en faire ? Abdelaziz Lemsioui : les opérations électorales ont débuté en septembre 2002 par les législatives avec le nouveau mode de scrutin de liste et se sont poursuivies avec les communales de septembre 2003, qui se sont déroulées selon un scrutin de liste pour les grandes villes et uninominal pour le reste. L'ensemble des opérations a davantage balkanisé la scène politique et éloigné les élus des populations. Ce mode a laissé sans représentation parlementaire certaines localités dont les habitants ne se sentent pas concernés, contrairement à ce qui se passait avec le mode de scrutin uninominal. C'est d'autant plus négatif que les arrondissements électoraux sont devenus plus vastes... Mais là on reste dans la même logique qui privilégie le candidat sur le programme du parti... Le vote sur un programme n'existe pas encore chez nous. On vote pour une personne selon des normes n'ayant parfois rien à voir avec le parti. On croyait qu'avec le mode de scrutin de liste, on allait minimiser le recours à l'argent et à l'achat des voix. Malheureusement, le nouveau mode l'a consacré et à grande échelle. Il faut dire aussi que le scrutin de liste est un mode très développé et un pays qui est au début de sa construction démocratique ne peut faire usage d'un mode utilisé par les traditions démocratiques bien ancrées... Pour l'élection du tiers de la chambre des conseillers, des sommes colossales ont été utilisées puisque le mandat court sur neuf ans et c'est à cette situation qu'on peut amputer le blocage actuel concernant l'élection du bureau de la chambre. Je pense qu'il est impératif de revenir au mode de vote uninominal, sinon le gâchis ne sera que plus dommageable. Ajouter à cela la transhumance que ce scrutin a exacerbée. Il faut que la loi sur les partis puisse mettre un terme à cette situation préjudiciable à l'engagement politique dans sa totalité. Et que la loi punisse ceux qui changent de parti pour abus de confiance... C'est là où je reviens à mon idée selon laquelle le vote est lié aux personnes et non pas au programme. Imaginez qu'actuellement pas moins de seize élus sont inscrits dans quatre listes à la fois... avec l'absentéisme qui constitue la principale caractéristique de notre vie parlementaire, il y a lieu de dire que le tableau est sombre. Votre jugement n'est-il pas le résultat de votre situation dans l'opposition ? Vous savez que la notion d'opposition a connu un changement notoire depuis quelques années. Et que l'opposition que l'on est en train de mener est une opposition de programmes et non de régime. Dans ce dessein, il faut bien que les membres des partis y croient et ne conditionnent pas leur appartenance à telle ou telle formation par les privilèges qu'elle peut leur procurer. Il ne faut pas oublier non plus que l'actuelle majorité a puisé dans les rangs de l'opposition pour constituer le gouvernement et ce, avec le Mouvement populaire qui fait partie du gouvernement tout en étant membre du Wifak... Les problèmes de la majorité sont aussi dus à cet état de choses. Dans ce même registre, que pensez-vous de la situation actuelle que vit l'USFP ? D'abord, il faut relever qu'il s'agit là d'une affaire interne à l'USFP. Cela dit, rendons à César ce qui appartient à César : l'USFP est un grand parti national et ce qui s'y passe intéresse toute la classe politique. Pour moi, j'espère que le problème actuel que connaît ce parti sera résolu de façon à permettre à cette formation de sortir forte. Le pays a besoin d'une USFP forte et la faiblesse de cette dernière rejaillira fatalement sur l'ensemble du processus démocratique. N'oublions pas que nous sommes issus de la même famille et que nous avons des points communs. Et en langage cru, je dirai que l'UC a besoin d'un concurrent fort, sinon la bataille n'aura pas de goût...