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Le gang de Abdelouahab Rabii
Publié dans La Gazette du Maroc le 21 - 10 - 2003


Bouarfa et Hanouichi
Qui étaient les assassins d'Albert Rebibo, de Lakhlifi Thami et de Ahmed Amhada? Mohcine Bouarfa et Taoufik Hanouichi étaient originaires de Hay Atlas où vivait le chef de la cellule salafiste de Meknès, Abdelouahab Rabii. Enquête sur des hommes au lourd passé de banditisme qui se sont convertis un jour à l'Islamisme radical.
Plus personne ne semble vouloir se souvenir de ces hommes; la mémoire de Meknès devient transparente jusqu'au déni, jusqu'à l'oubli volontaire, entremêlant la réalité et le cauchemar qui s'est propagé ces dernières semaines dans tous les quartiers à une vitesse vertigineuse. A l'évocation de ses spectres qui ont hanté ses rues sombres, la cité ismaélite tremble. Les regards se font suspects, les mots se couvrent d'un voile d'appréhension, les gens font un geste de leur main pour marquer leur incompréhension.
A moins que ces signes ne soient destinés à faire fuir le mauvais sort et à rappeler à tout un chacun que la vie est courte et que personne n'est à l'abri d'un malheur. Pourtant, c'est ici, quelque part dans la banlieue de la ville, que des éléments de réponse peuvent être trouvés au sujet de ces hommes, qu'une partie de l'énigme de la mort d'Albert Rebibo est peut-être dissimulée, que les visages, que les histoires des malfrats crapuleux du gang, qui ont multiplié les assassinats, risquent de se révéler. “Et après ?”, dit un homme croisé près de la banlieue appelée Sabona, réputée chaude et insoumise, où nous mènent nos pas et les premières informations recueillies tant bien que mal sur place. “Vous venez de Casablanca pour apprendre des choses sur ces assassins, mais cela vous avancera à quoi, vous et vos lecteurs, de savoir qui étaient Abdelouahab Rabii, Taoufik Hanouichi, Mohcine Bouarfa… ?” La réaction à ce genre de provocations est de laisser éclater l'orage… Et de faire comme si nous ne nous dirigions pas vers Sabona qui prend les formes d'un véritable repère de brigands, comme si nous ne traversions pas, au Maroc, en 2003, l'année de tous les dangers.
Notre réponse, au tac au tac, ne lui a pas fait bonne impression, non plus : “C'est à Casablanca que les bombes ont explosé en emportant des innocents, c'est dans tout le Maroc que des s… ont projeté de nuire en cherchant à frapper des enfants, des femmes et des hommes qui n'avaient aucun lien avec cette soi-disant lutte de l'Islam…”. Fort de ce premier bras de force qui semblait tourner à notre profit, il fallait maintenant briser le silence et pénétrer plus en avant dans le territoire maudit. Nous traversons une ligne rouge qui ceinture la ville moderne et où sont venus s'entasser les carrières à la population semi-vivante, en passant par le hay “sinahi” (industriel) qui n'avait plus que le nom pour convaincre que quelque chose de vague, d'industrielle, avait bien été lancée ici autrefois. Il faut continuer dans un décor lunaire et saugrenu pour arriver aux lisières inquiétantes de hay Atlas 1, où se joue l'essentiel du drame du gang Rabii. Atlas 1, Atlas 2,
Atlas 3, c'est comme ça dans la banlieue de Meknès… Des lambeaux de la société entassés dans la région sans ressources et des générations superposées qui grossissent, se multiplient jusqu'à l'implosion. On nous explique : “Avant, ici, il n'y avait que des baraques en tôle. A la fin de la décade soixante-dix, des familles qui fuyaient la faim et la misère de la campagne sont arrivées régulièrement dans la région. Elles se sont installées sans savoir ce qui les attendait”. Puis, quelques années plus tard, les bidonvilles ont été supplantés par des constructions anarchiques, restées le plus souvent en brique rouge, certaines rues principales ont été goudronnées, sans illusion, les échoppes de commerce se sont improvisées et ont poussé comme des champignons, dans la gangrène frénétique qui a accompagné l'essor peu enviable des quartiers Atlas.
Une bande désœuvrée prête à tout
La foule en ce jour de milieu de semaine ne fait pas exception à “charii al kebir” (la Grande Avenue). Officiellement, cette longue avenue grouillante et très marchande porte le n° 38 mais tout le monde préfère l'appeler la Grande Avenue. “Pour retrouver la maison de Mohcine Bouarfa et de Abdelouahab Rabii, c'est simple : le premier est au bout de charii al kebir, à ma gauche, le second est aussi au bout de l'avenue, à ma droite…”, nous éclaire un jeune vendeur de la place. Par où commencer, lequel des deux tueurs dont les demeures cernent de la sorte l'avenue principale du quartier Atlas peut nous aider à mieux comprendre ce qui s'est passé ici ces dernières années ? Pourquoi, alors que rien ne les prédisposait à aller vers le crime, des adolescents de Atlas, une bande d'amis comme l'on en trouve dans tous les quartiers du monde, se sont convertis en des gangsters prêts à tuer et à commettre les pires atrocités ? Si le gang de Rabii, qui compte une quinzaine d'individus, a déjà un lourd passé derrière lui et un tableau de chasse impressionnant, trois hommes se sont cependant démarqués à travers leurs méfaits : le chef bien sûr, Abdelouahab Rabii, passé du banditisme le plus bas au jihad salafiste ; Mohcine Bouarfa et Taoufik Hanouichi, les deux “potes” de Abdelouahab qui vivent dans le derb. Taoufik Hanouichi, lui, ne vit pas à charii al kebir, mais il avait l'habitude de fréquenter le coin et résidait à quelques centaines de mètres de là, à hay Atlas 3, qui est limitrophe au quartier d'enfance des premiers terroristes.
Une histoire d'amitié et de projets d'avenir, en somme, qui finit par mal tourner et par plonger le Maroc dans l'une de ses pires pages du crime organisé. Et comment ces malfrats de premier ordre, qui ont fait dans les agressions, les kidnappings, qui ont terrorisé littéralement le voisinage durant une bonne décennie, en sont arrivés à devenir des soldats de Dieu, des fidèles de Ben Laden qu'ils adulaient tel un prophète, des fers de lance pour le combat du jihad… ? Mohcine Bouarfa est “ né en 1975 durant la Marche verte, la Massira ”, nous apprend un voisin de charii al kebir. A son arrivée à Hay Atlas avec ses parents, frères et sœurs, il s'est converti très vite en un “ garçon à problèmes qui cherchait sans cesse les embrouilles, fumait et buvait avec les siens très tard la nuit, faisait les mille coups comme s'il était né pour ça et avait besoin de ça pour vivre… ” La demeure des Bouarfa est située le long de charii al kebir dans une impasse sans lumière où il est déconseillé de s'attarder, même en plein jour. Il fait la connaissance de Taoufik Hanouichi, légèrement moins âgé que lui, qui a rejoint avec sa famille Atlas 3 en 1993 ou 1994. Taoufik Hanouichi a toujours préféré se rabattre sur la grande avenue commerçante où évoluent Abdelouahab et Mohcine, et où les opportunités en tous genres ne manquent pas. Si Mohcine Bouarfa n'a pratiquement jamais mis les pieds dans une école, Taoufik Hanouichi, lui, a pu tenir jusqu'au collège, puis dans une école professionnelle qui ne le mènera pas bien loin. Il préfère encore vagabonder, aller au centre-ville pour faire passer le temps qui semble s'être arrêté, n'hésite pas à proposer des coups foireux destinés à enrichir le gang et à faire changer leurs vies à Sabona. A cette époque, les amis de Rabii vivotent de brigandage, de vols à l'arraché, d'agressions qu'ils mènent régulièrement sur des femmes et des couples sans défense. Ils sortent le soir, se dirigent vers leurs points de prédilection où ils organisent leurs guet-apens et attendent leurs victimes en faisant des rondes dans les alentours déserts où s'aventurent quelques amoureux en mal d'intimité, des individus seuls, des fillettes à la sortie des écoles. Dans le quartier Atlas, leur réputation est vite faite. Abdelouahab et ses compères sont des brigands notoires, qui agressent, parfois violentent leurs victimes. “Il a fallu les respecter”, avoue ce père de famille qui vit à charii al kebir, “la peur est venue toute seule et il a fallu l'intervention de la police pour arrêter ces “oulad lahram” qui s'attaquaient aux pauvres gens”.
Les premières années de prison
De coups en coups, le gang finit par se faire repérer et la police arrive à coincer certains des membres de Rabii. C'est Mohcine Bouarfa et Taoufik Hanouichi qui tombent, écopant de cinq années de prison, avec pour principaux chefs d'inculpation “ agression, vol, coups et blessures, constitution de bande de malfaiteurs ”.
Les deux larcins se retrouvent mis au banc de la société pour un bon bout de temps, alors que Rabii a réussi à s'éclipser dans la nature et à se faire oublier… Ces années de prison ont-elles été profitables à Bouarfa et Hanouichi ? Non ! Et pour cause, c'est dans les cellules sombres et les réfectoires miteux de la prison qu'ils se sont radicalisés, devenant des durs de l'Islam, et ont appris le repentir aux dépens des autres. C'est dans les couloirs du bagne qu'ils se sont laissés pousser la barbe et ont lu, beaucoup lu, sur l'engagement jihadiste et le takfir. C'est dans les geôles marocaines qu'ils vont se forger une nouvelle identité, reniant celle de leur société, de leur patrie, et qu'ils vont promettre de consacrer le reste de leur existence à l'adoration d'Allah et à l'accomplissement des desseins célestes, qui est l'avènement de la chariaa au Maroc et sur toute la planète… Vaste programme pour ces deux lascars qui reviennent de loin après avoir terrorisé la moitié de la ville de Meknès. Mais tout est gommage dans le comportement de Bouarfa et Hanouichi. C'est comme s'ils avaient effacé, d'un trait, tout un pan de leur passé, leur condition d'autrefois, les cris de leurs victimes et la peur qu'ils lisaient dans leurs yeux.
Tout cela est balayé d'un coup, les bourreaux se jugent et se blanchissent d'eux-mêmes et ils décident de faire peau neuve… Au bout de quelques années passées à l'ombre, ils sortent un beau matin méconnaissables et transfigurés par leur passage dans le purgatoire des pénitenciers marocains. Nous sommes en 2000. Hay Atlas n'a pas bougé d'un iota, si ce n'est le nombre des habitations et de leurs habitants qui a grimpé. A cette époque, Hay Atlas a un nouveau Mokadem. C'est un jeune homme de trente-deux ans, aujourd'hui trente-cinq, qui s'est installé dans le quartier en 1984. Désigné “agent d'autorité” en 1995, Lakhlifi Thami, un ancien ouvrier, devenu vendeur ambulant puis miraculeusement Mokadem du derb, est un personnage clé de l'histoire.
Il jouera un rôle important dans la capture de Abdelouahab Rebii, bien plus tard en 2003. Pour l'heure, Lakhlifi Thami observe la vie de ces nouveaux “islamistes” et attend. Ces derniers, affichant une piété irréprochable et une longue barbe, se font voir à la mosquée et adhèrent aux mouvements takfiristes de Meknès et de Fès, ville où Taoufik Hanouichi avait l'habitude de faire de longs séjours pour participer à des prêches privés, donnés notamment par Mohamed Fizazi et Abou Hafs. A hay Atlas, on se souvient du frère aîné de Taoufik, Kamal Hanouichi, arrêté il y a quelques mois et accusé d'appartenance à la Salafiya Jihadiya : “Kamal était vendeur ambulant ici, dans le quartier. Lui, il était radical et s'entêtait à ramener son frère Taoufik sur le droit chemin. C'est lui qui l'a pris en main à sa sortie de prison. Kamal, qu'on voyait toujours à charii al kebir, a disparu un jour et on ne l'a plus revu jusqu'à ce qu'on a entendu dire qu'il avait été arrêté après le 16 mai…”. Bouarfa, qu'on voit de moins en moins dans le quartier, est un homme qui veut en découdre avec la vie qui ne l'a pas ménagé, avec le hasard qui l'a fait naître dans une société impie et occidentalisée et avec sa propre existence d'ancien délinquant qui cherche à donner un sens à sa présence ici bas. Jusqu'en 2003, il participe avec Taoufik sous la houlette de leur ancien ami Abdelouahab Rabii, à des sorties de “réhabilitation” sociale, en compagnie d'autres individus de la mouvance, et entreprend maintenant d'agresser les gens pour les rappeler à l'ordre.
Abdelouahab Rabii, du banditisme au jihadisme
Sur la Grande Avenue, dans une rue perpendiculaire qui porte le numéro 16, un chemin de terre jaune non asphalté qui se transforme en boue en hiver, se dresse une curieuse maison longitudinale. Nous sommes au numéro 7 et c'est là qu'a vécu Abdelouahab Rabii. La maison retient l'attention car sur son unique façade, grise comme le ciment qui la recouvre, il n'y a aucune fenêtre qui permettrait à l'air d'entrer dans la demeure et aux occupants de regarder dehors. Une maison-claustrophobe isolée dans le quartier, où la famille Rabii vit recluse entre quatre murs. On comprend : la maison des Rabii a été construite dans une autre maison et une porte artisanale a été aménagée en guise d'entrée. Dans cet antre, Abdelouahab a vécu misérablement jusqu'au jour où il décida de devenir tailleur pour femmes, dans une échoppe qu'il louait au mois dans les parages immédiats de sa demeure. Son frère cadet, Kacem, qui aurait actuellement vingt-trois ou vingt-quatre ans, est lui aussi devenu tailleur, mais pour de bon. Il travaille encore dans une boutique non loin de charii al kebir, et ne souhaite pas témoigner sur les événements graves où s'est retrouvé mêlé son frère Abdelouahab.
Selon plusieurs sources informées qui ont eu affaire à Abdelouahab, ce dernier était un takfiriste convaincu, qui le proclamait haut et fort, en tentant d'embrigader les jeunes de Atlas. “Après avoir échoué dans son métier de tailleur pour femmes, après une période de vols et d'agressions pendant laquelle il devint un grand brigand, il s'est engagé dans le jihad et a commencé à sermonner les jeunes du quartier. Il arrêtait ceux qu'il connaissait et leur demandait des comptes sur leur vie, leurs habitudes religieuses, en cherchant à les convertir à sa propre vision de l'Islam”, rapporte cet ancien ami de Abdelouahab.
En 2003, avec une vingtaine de fidèles qui l'adulent comme un chef, dont les éternels Mohcine Bouarfa et Tawfik Hanouichi, Abdelouahab Rabii décide d'organiser de véritables complots sur le sol marocain. La bête a pris du poil et veut passer à un autre cran de la lutte, laisser tomber les prêches et embrigadements des jeunes pour de l'action sur le terrain. Il avouera plus tard, devant le tribunal qui le condamnera à la peine capitale, qu'il avait proposé à sa troupe de kidnapper et de liquider des personnages publics de la ville de Meknès, d'attaquer des cibles et des intérêts juifs, chose que feront parfaitement Bouarfa et Hanouichi en mettant un terme à la vie d'Albert Rebibo, de voler des armes des casernes militaires et d'autres méfaits qui visent à déstabiliser la pax politica de la nation.
Abdelouahab Rabii commencera par cette dernière idée, voler des armes pour détenir un bon arsenal qui servirait pour les opérations de la cellule. Il fera appel au service d'un soldat dénommé Yacine Aït Ami, sympathisant qui tentera de voler des kalachnikovs pour le groupe. Arrêté après son vol par la police, Yacine Aït Ami écopera de vingt ans de prison.
Abdelouahab Rabii eut plus de chance, il avait réussi à prendre la fuite et avait été jugé par contumace par la Cour militaire à la même peine. Dès lors, la vie des hommes de Rabii bascule dans la clandestinité. Abdelouahab Rabii se cache entre Meknès, le douar d'Agourai (environ de Meknès) et Nador. La police le recherche activement et à ce moment précis, où tout est joué pour lui, où il sait que l'épée de Damoclès est suspendue au-dessus de sa tête, il n'a pas changé d'avis sur ses intentions de mener un combat de guérilla avec sa troupe. Il est accompagné de Ahmed Slimani (né à Meknès en 1976), Mohamed ben Jilala (né à douar Anasra à Taza en 1951), Mohamed Amimi, alias Abou Ilyas, Abderrahim Lazrak (né à Al Hoceima en 1969, propriétaire d'une téléboutique à Meknès), Lahbib Kharbouch (né à Meknès en 1957), Abdelilah Saidi (né à Agourai en 1969), Aziz Zridid, alias Abou Doha (né à Meknès en 1966), Idriss Lazhar, alias Abou Soumaya (né à Meknès en 1974), Abdelaziz Lazrak (né à Al Hoceima en 1962, tailleur traditionnel), Omar Atrassi, alias Abou Dor (né au douar Kasr Oulad Youssef en 1981), Zakaria Assad (né à Meknès en 1980, a écopé en 2000 de 2 mois de prison pour coups et blessures), Khalid Lechkar (né à douar Ain Jamaa à Meknès en 1975, tailleur traditionnel) et Abdelali Amimar, alias Tchache (né à douar Kalea à Moulay Idriss Zerhoun en 1960.
Bouarfa et Hanouichi courent toujours…
L'assassinat, dans des conditions atroces à Nador, durant l'été 2003, du fonctionnaire de la justice marocaine Ahmed Amhada (voir encadré ci-après), permettra l'arrestation de Abdelouahab Rabii et sa condamnation le 25 septembre à la peine capitale. A ce meurtre ont participé également Mohcine Bouarfa, Taoufik Hanouichi et Ahmed Slimani. Ils seront traqués pendant des jours dans les environs de la cité ismaélite et trouveront refuge, avec leurs acolytes, dans le douar d'Agourai, chez leur ami et complice Abdelilah Saidi. Selon plusieurs témoignages, les forces spéciales d'intervention ont peiné à désarmer le groupe de quinze personnes caché dans une maison du douar. Mais Mohcine Bouarfa et Taoufik Hanouichi ne faisaient pas partie des personnes arrêtées à Agourai.
Ils n'étaient pas présents sur les lieux durant la confrontation où tout bonnement ils ont réussi à déjouer le piège tendu par la police et ont réussi à fuir… L'épisode n'en est pas encore à sa fin. Les deux Islamistes se font oublier quelque temps, tandis que le procès de leur chef Abdelouahab est organisé rapidement par la justice marocaine. Le 11 septembre dernier, à Casablanca, ils referont surface pour assassiner le Juif Marocain Albert Rebibo, avec des armes à feu qui proviennent, selon l'enquête, d'un vol d'armements réalisé par le groupe de Rabii. Albert Rebibo, tout comme le jeune juriste Ahmed Amhada, ne connaissait pas Rabii et ses hommes et n'avaient aucun lien avec les complots tracés par le groupe de Meknès.
Chercher un mobile aux meurtres commis par le gang serait vain, si ce n'est le fait que le groupe de Abdelouahab Rabii avait préconisé d'abattre des cibles juives, et ils l'on fait, et d'abattre aussi des “personnalités de la justice, de la Sûreté nationale, de la Gendarmerie” comme l'a bien signalé durant son procès le chef du gang.
Le dernier coup perpétré par Mohcine Bouarfa et Taoufik Hanouichi, qui courent toujours, a eu lieu le 27 septembre dernier, soit deux jours après la condamnation à mort de Abdelouahab Rabii. Entre le 11 septembre, date symbolique qui prélude à une action symbolique qui est la mort du Juif marocain Albert Rebibo, et le 27 septembre où a lieu un autre crime, aussi horrible que les précédents, il y a le verdict de Rabii et le désir d'en finir avec l'individu qui a permis de faire tomber le gang. Cet homme, qui doit mourir car il a parlé, est Lakhlifi Thami, le Mokadem de hay Atlas, tué violemment à l'arme blanche, qui a aidé durant l'été la police de Meknès à localiser les hommes (voir La Gazette du Maroc n° 337). Les terroristes de hay Atlas ont laissé un message à travers ces trois meurtres : tant qu'ils ne seront pas appréhendés par la police, ils continueront à sévir en poursuivant leur lutte jihadiste. Ils n'ont plus rien à perdre. Ils sont condamnés et le savent.
Rabii, le monstre qui découpait ses victimes
L'affaire “Ahmed Amhada”, qui allait défrayer la chronique, allait dévoiler toute l'ampleur de la monstruosité des hommes de Rabii, tout en permettant la capture de ce dernier et son jugement, le 25 septembre dernier. Ahmed Amhada est un jeune cadre de la justice marocaine, fraîchement nommé à Nador. Le jour même de son premier déplacement pour la signature du procès-verbal d'entrée en fonction, il rencontre dans le car qui le mène de Meknès à la ville orientale, l'un des amis de Abdelouahab Rabii et membre de son réseau, Ahmed Slimani. Ce dernier, assis à coté de Ahmed Amhada, lui demande son avis sur les récentes condamnations des membres de la salafiya. Ahmed Amhada dit ce qu'il pense, à savoir qu'il est pour des condamnations exemplaires et pour l'arrestation de tous les islamistes radicaux. Ahmed Slimani ne porte aucun jugement sur le jeune homme, qu'il a commencé à haïr intérieurement, et se propose de l'aider à Nador à lui trouver un logement à un prix très intéressant. En toute confiance, le juriste l'accompagne chez lui, dans les alentours de la ville, et s'apprête à répondre à l'invitation de cet homme chaleureux et fort hospitalier en passant la nuit dans sa demeure.
Ce sera la dernière soirée pour Ahmed Amhada. Ahmed Slimani a invité ce soir-là, ni plus ni moins que Abdelouahab Rabii, Mohcine Bouarfa et Tawfik Hanouichi. Une réunion pour un grand festin. Un juriste “kafir” en guise de tableau de chasse. Selon les confessions que fera devant le parquet Abdelouahab Rabii, Ahmed Slimani “a affirmé que Ahmed Amhada était l'un des juristes qui avaient travaillé sur les dossiers des inculpés du 16 mai”.
Dans la maison de Slimani, le repas s'achève agréablement et Ahmed Amhada loue une énième fois la bonté de son hôte et la gentillesse de ses amis… Les cinq hommes font la prière ensemble, puis d'un commun accord orchestré par Abdelouahab Rabii, le jeune juriste est froidement étranglé par l'un des membres du gang pendant que les autres tiennent solidement la victime. Mais ils n'en resteront pas là. Le pauvre Ahmed Amhada sera découpé en plusieurs morceaux et finira dans des sacs en plastique jetés à la sauvette par les quatre criminels dans les environs de la ville. Abdelouahab Rabii sera arrêté en septembre, grâce à la dénonciation du fameux Mokadem de hay Atlas, Lkhlifi Thami, qui aurait aidé la police, en payant de sa vie, à remonter le fil de cette histoire macabre jusqu'au chef du gang qui a finalement écopé de la peine capitale.


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