Trois questions à Hammad Kassal, président de la Fédération des PME/PMI Suite à la publication par la DPEG d'une étude sur l'évaluation du financement de la PME, la Gazette du Maroc a interpellé le président de la Fédération des PME/PMI. Hammad Kassal dessine un tableau sombre sur les rapports entre les banques et les PME. Voici ses réactions. /B La Gazette du Maroc : comment trouvez-vous l'étude sur l'évaluation du financement de la PME que vient de publier la DPEG ? Hammad Kassal : pour nous, ce rapport est un état des lieux de tout ce qui s'est déjà fait et dit sur le financement de la PME. C'est-à-dire que c'est un document qui n'a pas amené du nouveau. Nous avons toujours dit au système bancaire et aux pouvoirs publics que l'handicap principal d'avancement de la PME, c'est le financement. Comme vous l'avez remarqué, le rapport fait une synthèse de l'ensemble des instruments de financement mis en place. Mais, ce qu'il y a, c'est que ces instruments, quelle que soit leur efficacité ailleurs, ne sont pas adaptés à la PME/PMI marocaine. Ceci pour deux raisons. La première, c'est que ce sont des instruments qui sont gérés par le système bancaire, lequel privilégie ses propres produits. La seconde c'est que le système bancaire marocain ne fait toujours pas confiance à la garantie institutionnelle. Il ne fait confiance qu'à la garantie réelle, c'est-à-dire que l'on ne vous prête que si vous avez un terrain à donner ou une villa à hypothéquer, etc...Alors que c'est plus facile de réaliser une garantie institutionnelle parce qu'elle est à la première demande. Restons sur l'attitude frileuse du système bancaire à l'égard des PME/PMI. Est-ce que vous ne pensez pas que cette attitude est encore fortement influencée par la mauvaise expérience du fameux "Crédit jeunes promoteurs" ? Vous savez, lorsqu'on parle de financement, il y a toujours une responsabilité partagée entre les différents intervenants. Dans le cas du crédit jeune promoteur, par exemple, il y avait une responsabilité partagée entre l'Etat, les banques et les jeunes promoteurs. L'Etat voulait privilégier l'aspect création d'emplois. Ce faisant, l'argent a été donné à des gens qui n'ont aucune expérience. Ensuite, comme il n'y avait aucun risque pour la banque, le risque de tout le système bancaire est rejeté sur l'Etat. Ainsi, les banques ont commencé à accorder de l'argent avec parfois des moyens peu avouables. Enfin, le jeune entrepreneur, qui est sorti de l'école et n'a aucune expérience de la vie, se retrouve du jour au lendemain avec 200.000 DH et se dit "je vais profiter moi-même pour mon bien-être". Ainsi, au lieu d'enrichir son entreprise, il a commencé à s'enrichir lui-même. C'est la règle générale qui a prévalu. Ceci étant, le Crédit jeune promoteur est un faux problème. Pourquoi ? Parce que l'objectif visé par ce programme était noble, c'était de créer des emplois. Mais la méthode avec laquelle les crédits ont été distribués était très mauvaise. En tous cas les ardoises laissées aux banques se sont chiffrées à plusieurs centaines de millions de DH. Sans vouloir légitimer l'attitude des banques, n'est-ce pas là un argument suffisant pour refuser d'octroyer des crédits? Ecoutez, 300 millions de DH, c'est rien du tout. Les grosses dettes des banques sont occasionnées par les grandes entreprises. Si vous prenez le cas de la BNDE, avec 12 groupes, elle a laissé 11 milliards de DH de créances en souffrance. Prenez le CIH, avec ses milliards d'impayés, ce sont les grands groupes. Idem pour la Banque Populaire et le Crédit Agricole. Le risque PME dans l'ensemble des crédits octroyés par le système bancaire à l'économie ne dépasse pas 8%. La part des crédits à moyen terme accordée aux PME n'a représenté, en 2002, que 7,7% de l'encours total des crédits à moyen terme distribués par les banques contre 49,4% enregistrés en 1996, alors que la distribution totale des crédits à moyen terme durant la même période a augmenté de 6,4% en moyenne annuelle. Vous savez, le système bancaire obéit à la fameuse loi des 20/80. C'est-à-dire que 80% des crédits sont accordés à 20% des grandes entreprises au Maroc et 80% des PME n'ont accès qu'à 20% des crédits accordés. Sur les 20% des crédits accordés aux PME/PMI, il y a le tiers qui est accordé à des PME adossées à des groupes; le tiers accordé à des PME solvables et le tiers qui reste c'est le réel risque PME, un chiffre qui tourne autour de 6%. C'est rien du tout, rien du tout. Les banques doivent assumer leur responsabilité. On ne peut pas faire du développement dans un pays sans qu'il y ait un certain nombre de sacrifices qui peuvent se faire.