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Des flux fortement liés aux privatisations
Publié dans La Gazette du Maroc le 28 - 07 - 2003


Investissements directs étrangers au Maroc
Le Maroc a réussi à attirer au cours de la décennie écoulée un flux relativement important d'investissements directs étrangers (IDE). Mais leur évolution a été marquée par une très grande irrégularité, due principalement au lien étroit entre ces investissements et les privatisations. Ce qui montre que le Maroc ne parvient pas à enclencher un mouvement autonome, régulier et substantiel d'IDE.
Les IDE sont devenus un vecteur puissant du processus de la mondialisation. Chaque pays tente d'en attirer le maximum possible sur son territoire pour stimuler la croissance et accroître l'emploi. Les IDE prennent la forme soit d'une acquisition totale ou partielle d'une entité existante, soit la création ou l'extension d'un centre de production, quel que soit le domaine d'activité. Ils sont conditionnés par trois principes déterminants : le niveau de l'activité économique, l'état de santé de la Bourse et surtout l'attractivité du pays d'accueil (qualification et coût de la main-d'œuvre, volume et qualité des infrastructures, avantages fiscaux et douaniers…).
L'évolution de ces indices a une incidence directe sur le volume des IDE. Lorsque la conjoncture mondiale était favorable à la fin des années 1990, les IDE avaient atteint des sommets historiques. Le nombre de fusions-acquisitions avait battu des records pour atteindre 7.894 transactions en 2000 pour un montant de 1.145 milliards $. La dégringolade des Bourses à la suite de l'éclatement de la bulle Internet en mars 2000 et le ralentissement économique mondial qui en a résulté ont freiné les flux des IDE, ramenés à 651 milliards $ en 2002. De leur côté, les opérations de fusions-acquisitions sont tombées à 4.493 pour une valeur de 368 milliards $.
Dans ce contexte, le Maroc a pu attirer, au cours de la décennie écoulée, un flux relativement important de capitaux étrangers. Cet afflux est lié au démarrage des opérations de privatisation en 1993 et à la conversion de la dette extérieure en investissement. Tendance qui s'est renforcée par la vente de la licence de téléphonie mobile et les concessions de service public.
Toutefois, cette évolution a été marquée à partir de 1996 par une forte irrégularité. Ainsi, l'année 1997 a enregistré un niveau relativement élevé, 10,5 milliards de dirhams (1.147,74 millions d'euros), dû à la privatisation de la Samir et à la concession des centrales thermiques de Jorf Lasfar.
Evolution très irrégulière
Après avoir accusé un recul très sensible en 1998 (442,05 M euros), les flux d'IDE vont enregistrer une reprise très nette en 1999 (1.626,07 M euros) en liaison avec la vente de la 2ème licence de téléphonie mobile à Meditel. L'année 2000 a été marquée par un nouveau recul des flux des IDE, puisque le pays n'a réussi à drainer que 499,77 M euros. Les IDE vont atteindre un record en 2001 (30,6 MM DH = 3.248,61 M euros) avec la cession de 35 % du capital de Maroc Telecom au groupe Vivendi (23,3 MM DH = 2,3 MM euros), ce qui a valu au Maroc d'être classé deuxième pays destinataire d'IDE sur le continent noir, derrière l'Afrique du Sud. Mais l'année 2002 sera caractérisée par la chute brutale des flux des IDE vers notre pays :
575 M DH (520 M euros), soit à peine un sixième environ du montant de 2001. Cette dégringolade s'explique par le quasi-arrêt des privatisations au cours de cette année où seulement trois opérations ont été enregistrées.
Diverses causes sont à l'origine de ce phénomène : crise de la Bourse de Casablanca, persistance de la faible attractivité globale du Maroc pour les IDE – malgré les efforts fournis dans ce domaine, ralentissement économique mondial et déprime des marchés financiers internationaux. Il est vrai que le contexte mondial a été peu favorable en 2002, ce qui a contribué à réduire les flux des IDE à travers la planète. Il n'empêche ! Certains pays en développement (PED) ont réussi à tirer leur épingle du jeu et même amélioré leurs performances.
La Chine, par exemple, a attiré, en 2002,
53 milliards $, en progression de 12 % par rapport à 2001, alors que l'indice général des IDE a baissé de 20 % en 2002. Elle est même passée, pour la première fois, devant les USA (30 MM $), en tant que deuxième pays destinataire des IDE au monde, derrière le Luxembourg, célèbre paradis fiscal. Après la baisse de 2002, le gouvernement tablait sur des recettes de privatisation de 12 milliards de dirhams en 2003. Mais, le succès de l'opération de cession de 80 % du capital de la Régie des Tabacs au groupe franco-espagnol Altadis allait rapporter 14,08 MM DH, dépassant ainsi la valeur totale des recettes escomptées par la Loi de finances pour l'année 2003.
Poids des privatisations
Cette évolution en dents de scie des flux de capitaux privés en direction du Maroc reflète l'incapacité du pays à créer une dynamique autonome attirant des flux réguliers et substantiels d'IDE. Elle traduit la profonde dépendance des privatisations comme principal facteur pour attirer les capitaux privés étrangers. Le poids des privatisations apparaît excessif dans les flux des IDE. Certes, la contribution des IDE dans la formation brute de capital fixe (FBCF) s'est améliorée sensiblement, passant d'une moyenne annuelle de 5 % entre 1990-1995 à 14 % entre 1996-2002, période où se sont réalisées les plus importantes opérations de privatisation. Mais, les IDE les plus utiles, c'est-à-dire qui ont le plus d'effets positifs sur l'économie d'accueil, en particulier dans les PED, sont ceux qui se traduisent par la création de nouvelles unités de production ou ceux qui assurent l'extension de celles déjà en service. Ils accroissent en effet la capacité de production nationale et contribuent à la création de nouveaux postes de travail.
Malgré les succès inespérés de certaines opérations (Maroc Telecom, Régie des Tabacs essentiellement), la situation ne devrait pas inciter à un optimisme démesuré. D'une part, des fleurons de l'économie marocaine sont passés sous le contrôle du capital étranger. D'autre part, depuis le démarrage du programme de privatisation en 1993, les gouvernements successifs - toutes tendances politiques confondues – ont pris la mauvaise habitude de compter sur ces recettes non récurrentes pour boucler les budgets.
Ces recettes non structurelles fragilisent chaque année davantage les finances publiques et constituent un motif supplémentaire pour renvoyer aux calendes grecques une réforme fiscale devenue indispensable pour améliorer l'état des finances publiques. Quoiqu'il en soit, les pouvoirs publics sont satisfaits du déroulement du programme de privatisation, et affichent leur optimisme quant aux perspectives d'afflux des IDE à destination du Maroc.
Ainsi, la Direction de la politique économique générale (DPEG), relevant du ministère des finances, estime que “les perspectives pour le reste de l'année 2003 et pour 2004 sont prometteuses, particulièrement lorsqu'on sait que plusieurs entreprises figurent sur la liste actuelle des privatisations, en plus de probables ouvertures de capital, notamment de la Banque centrale populaire, des sucreries Surac et Sunabel, de l'imprimerie Sonir et, si les conditions du marché le permettent, des 16 % de Maroc Telecom”. La reprise de la croissance mondiale en 2003 (3,2 %) et en 2004 (4,1 %), annoncée par diverses organisations internationales, ainsi que le regain de dynamisme de la Bourse de Casablanca et la transparence de l'opération de privatisation de la Régie des Tabacs sont pour la DPEG des signes qui jouent en faveur de l'accroissement des IDE à destination du Maroc. A ces signes encourageants s'ajoutent d'autres atouts pour attirer l'investissement étranger.
Ce sont “notamment la disponibilité et le coût modéré de la main-d'œuvre, la proximité des marchés européens, la modernisation du cadre institutionnel relatif à l'environnement des affaires, la stabilité politique et la démocratisation, l'évolution favorable des équilibres extérieurs et de l'inflation et la visibilité de la politique économique…”. Cet optimisme doit toutefois être tempéré, car parmi les atouts cités, nombreux ceux qui sont contestables tels que les caractéristiques de la main-d'œuvre, la modernisation du cadre institutionnel ou encore la visibilité de la politique économique.
Une vision à long terme impose de faire en sorte que les privatisations ne restent plus le principal facteur attractif des IDE. Le Maroc a déjà mangé l'essentiel de son pain blanc dans ce domaine et la liste des entreprises privatisables n'est ni renouvelable ni extensible à souhait. Il faut apprendre dès maintenant à utiliser d'autres leviers pour attirer les capitaux étrangers nécessaires au développement économique et social du pays.


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