Le 12 septembre prochain, le Maroc aura rendez-vous avec les élections communales. Ces dernières se déroulant sous l'égide d'une nouvelle charte communale qui a défini d'autres prérogatives et missions pour les conseils élus. D'où l'intérêt grandissant que revêt ce scrutin. Chaque échéance électorale, quelles qu'en soient la nature et l'importance, est conditionnée par des enjeux politiques que déterminent l'étape et les objectifs. C'est pourquoi, il est légitime de s'interroger sur les enjeux politiques du scrutin du 12 septembre prochain, qui se déroulera pour la première fois sous le règne de Sa Majesté le Roi Mohammed VI. Ces élections se tiendront selon les dispositions de la nouvelle charte électorale qui tend à faire des conseils communaux, tant urbains que ruraux, des leviers de développement local. C'est pour cela qu'il faut inscrire ces élections dans le contexte général de leur déroulement, ce qui permettra de définir la nature des enjeux politiques qui sont à l'ordre du jour des calculs et des prévisions des milieux politiques. A cet effet, trois enjeux majeurs se dessinent: la normalisation des opérations électorales, leur rationalisation et leur réactivation. Normalisation Il faut dire que l'acteur politique marocain souffre d'un complexe politique nommé "les urnes". En revisitant les discours politiques depuis l'organisation des premières opérations électorales, tout observateur ne pourra qu'être surpris de constater que les acteurs politiques se comportent vis-à-vis des scrutins selon une logique d'exception. Ainsi, à chaque fois, l'avenir du Maroc est hypothéqué par les élections. Commençons par le scrutin de 1976 et de 1977. Pendant cette période, le discours officiel parlait de la naissance d'un nouveau Maroc, celui de l'après-marche verte. Cette nouvelle naissance devait être accompagnée d'opérations électorales consacrant le "Maroc démocratique". Les discours des acteurs politiques qui y ont participé s'articulaient autour du caractère "historique" de cette étape soulignant au passage que les résultats des élections détermineront, pour une grande part, l'avenir du pays. Or, malgré les revendications portant sur la transparence et l'honnêteté, les partis politiques à grand rayonnement populaire ont contesté les résultats et affirmé que le Maroc a raté son rendez-vous avec l'histoire. Mais dès que les échéances de 1983 et 1984 se sont profilées à l'horizon, les partis politiques ont commencé à reproduire les mêmes discours tenus précédemment. Ensuite, le Maroc a vécu le même scénario des contestations que ce soit en 1992-1993 qu'en 1997. Cependant, les opérations électorales ne doivent en aucun cas être considérées comme un objectif en soi. Elles ne sont que des moyens pour atteindre des objectifs. C'est pourquoi, il est devenu de plus en plus difficile d'évaluer positivement ou négativement les réalisations du Maroc à la lumière des opérations électorales. Ainsi, le scrutin du 14 novembre 1997, malgré ses lacunes, a débouché sur la formation du premier gouvernement de l'alternance. En revanche, celui du 27 septembre 2002, malgré l'éloge qui en a été fait officiellement, n'a pas assuré la continuité de l'expérience de l'alternance. Cela dit, l'incapacité de distinguer entre les résultats des élections et la nature du système politique marocain incite les acteurs politiques à continuer à considérer chaque étape électorale comme étant décisive et exceptionnelle. C'est ce qu'ont reflété, d'ailleurs, tous les discours des acteurs politiques à la veille du scrutin du 27 septembre qui ont insisté sur son caractère historique et qui devait constituer une rupture positive dans l'histoire politique contemporaine. A l'opposé de ce "rêve", Sa Majesté le Roi Mohammed VI devait confirmer au quotidien Le Figaro, en septembre 2001, que le scrutin du 27 septembre ne sera ni une sanction ni une épreuve. Ce message a été réitéré par le dernier discours du Trône qui a insisté sur le caractère "ordinaire" du scrutin et que le Maroc est appelé à poursuivre son chemin sans hypothéquer son avenir par les résultats des élections. Cependant, il ne faut pas comprendre, par là, que les élections n'ont aucune importance. Au contraire, la normalisation des opérations électorales induit à considérer avec sérieux les conditions objectives et subjectives qui produisent ces élections. Or, dissocier les élections de leur contexte et des conditions générales de leur déroulement n'aboutit qu'à une évaluation négative de leurs résultats et à une précipitation dans le jugement. Par conséquent, pour éviter de parler du caractère exceptionnel ou décisif des élections, il faut se pencher sur les conditions qui les génèrent. Rationalisation La rationalisation des opérations électorales passe par la rationalisation de l'action des partis politiques. En effet, depuis son accession au Trône, Sa Majesté le Roi Mohammed VI n'a cessé d'appeler à la mise à niveau des formations politiques à travers la démocratisation de leurs structures et à travers la rationalisation de leurs actions. D'ailleurs, le dernier discours du Trône a été, encore une fois, une occasion pour renouveler cet appel.La question de la mise à niveau des formations politiques est devenue une revendication à la fois officielle et populaire, car il est impensable d'édifier une démocratie en l'absence de partis démocratiques. Prendre conscience de cette nécessité implique de déployer plus d'efforts et de réflexions pour la consacrer dans la réalité, puisque pour atteindre un objectif donné, il faut lui en assurer les moyens. Donc, le bon diagnostic de la situation ne peut que constituer, déjà, une partie de la thérapie. A ce propos, le discours royal a mis les points sur les "i" et développé les grandes lignes du projet de loi sur les partis politiques. Ainsi, il ne peut y avoir de partis qui se créent sur des bases religieuses, linguistiques, ethniques ou régionales. De même que ne seront pas tolérés les partis dont les statuts ne prévoient pas explicitement les outils de gestion et de régulation démocratique. Cependant, la mise à niveau des partis ne signifierait pas grand chose, dès lors qu'ils n'assument pas complètement leur responsabilité. En effet, les formations politiques sont appelées à créer de nouvelles élites partisanes capables de gérer les affaires publiques tant au niveau local que national. L'époque est révolue où les partis se contentaient de présenter le plus grand nombre de candidatures dans le seul souci de se présenter comme force même si cette force est virtuelle. Or, la force politique d'un parti se mesure à l'aune de ce qu'il produit comme valeur ajoutée qualitative. Ces partis politiques sont appelés, aujourd'hui, à encadrer les citoyens et notamment les jeunes pour que les événements du 16 mai ne se reproduisent plus. En effet, il faut éviter que les jeunes Marocains soient victimes des idées obscurantistes qui les ont conduits à perpétrer des actes terroristes. Par conséquent, ces partis doivent remplir le vide et se constituer en véritables écoles de formation politique axée sur la citoyenneté et la modernité. De même qu'ils doivent contribuer à édifier le projet de développement dans ses dimensions économiques et socio-culturelles. Réactivation La nouvelle charte communale prévoit de faire des conseils communaux des leviers de développement local. Mais, il est maintenant connu qu'il n'y a pas de développement local sans démocratie locale. A partir de cette évidence, il est devenu nécessaire de réactiver les opérations électorales. Cette réactivation est intimement liée au rôle que doivent jouer les citoyens soit avant, soit après les élections. Ce rôle consiste à participer aux élections et à contrôler l'action des conseils. La participation des citoyens est la première condition de réactivation des élections. Beaucoup a été dit ou écrit au sujet de la participation et de l'abstention lors des élections du 27 septembre. Sans vouloir prétendre anticiper sur ce sujet en relation avec les prochaines échéances, il faut simplement rappeler que les prochaines élections se dérouleront après les attentats terroristes du 16 mai dernier, lesquels ont poussé les Marocains à reconnaître que le Maroc vit une situation nouvelle. Ainsi, les discours commencent à véhiculer l'idée de la préservation des acquis. C'est pourquoi, le niveau de participation pourrait être revu à la hausse, d'autant plus que la loi a consacré le droit des jeunes de 18 ans à voter. D'autre part, le contrôle des institutions élues est une autre condition de réactivation. En effet, les opérations électorales ne se terminent pas avec la proclamation des résultats. Elles doivent donner lieu à un contrôle continu et permanent de la part des citoyens. Et puisque le discours officiel accorde une grande importance au rôle que doit jouer la société civile, les différentes associations sont appelées à contrôler les élus, responsables de la gestion des affaires publiques pour que leur gestion soit rationnelle. D'ailleurs, ce contrôle est indispensable et doit compléter celui des autorités de tutelle.Ainsi, donc, trois enjeux majeurs se profilent pour les prochaines élections communales.