En dehors d'Agadir où ils ne se sont pas présentés pour le scrutin communal, les islamistes élus du PJD jouent un rôle déterminant dans l'élection des présidents et des bureaux des conseils communaux dans 7 villes à moins de 500.000 habitants. Les tractations pour la constitution des conseils communaux un peu partout à travers le pays sont en train de dévoyer le processus électoral et d'empêcher l'émergence d'une véritable démocratie locale. Les partis politiques sont les premiers responsables. Le retour au principe de l'unité de la ville est l'une des nouveautés apportées par la nouvelle charte communale. Un principe appliqué à quatorze villes du Royaume de deux manières différentes. D'un côté, il y a les six grandes métropoles ayant plus de 500.000 habitants qui seront dotées d'un conseil de la ville et des conseils d'arrondissements à savoir Casablanca, Rabat, Salé, Fès, Tanger et Marrakech, et d'un autre, il y a huit villes où un conseil communal sera investi de la mission de gérer les affaires publiques locales. Ces dernières à savoir Agadir, Tétouan, Kénitra, Safi, Témara, Taza, Meknès et Oujda sont aujourd'hui la scène de négociations et de marchandages politiques entre les différentes formations ayant pu décrocher des sièges au sein de leurs conseils communaux pour l'élection des présidents. Une mission qui s'avère difficile à la lumière des résultats obtenus au niveau local par les différents partis. En effet, dans chacune de ces huit villes, les cartes politiques nées des communales du 12 septembre, sont généralement marquées par l'hétérogénéité, ce qui ne permet pas de dégager aisément une majorité permettant d'élire un président. Cette difficulté fait en sorte que les pourparlers entre les différentes composantes politiques des nouveaux conseils communaux se fassent dans une série de va-et-vient entre les sièges locaux des unes et des autres formations politiques où des conditions sont posées par ceux dont le soutien est sollicité. Or, cette opération peut se prolonger et prendre beaucoup de temps. C'est pour cela que la loi, la charte communale, en l'occurrence, a défini un délai pour l'élection du président et des membres des bureaux des conseils communaux. L'article 6 de ce texte de loi précise que "le conseil communal élit, parmi ses membres, un président et des vice-présidents, qui forment le bureau dudit conseil. Les membres du bureau sont élus pour la durée du mandat du conseil communal. Cette élection a lieu dans les quinze jours qui suivent l'élection du conseil communal ou la date de la cessation collective de fonction du bureau pour quelque raison que ce soit". Il est ainsi établi que la désignation des nouveaux présidents devrait avoir lieu avant le 28 septembre. La date du scrutin est décidée par l'autorité administrative locale qui a la prérogative et le pouvoir discrétionnaire de la choisir. Cette élection a lieu au scrutin uninominal au vote secret et la majorité absolue est requise. Mais, si aucune majorité n'est dégagée lors de la première convocation, une deuxième date est fixée et seule la majorité relative est requise. Partant de ce fait, il est plus que probable qu'une deuxième convocation soit nécessaire pour élire les présidents et les bureaux des conseil communaux de certaines villes parmi les huit concernées sachant qu'aucun parti n'a pu obtenir la majorité absolue pour pouvoir gouverner seul. Chercher des alliances et des pactes est donc une obligation pour tout élu aspirant au poste de président de commune. À ce niveau, la remarque la plus importante demeure le fait qu'aucun critère général n'est défini par les partis au moment de choisir leurs alliés. Aucune formation n'a communiqué sur ses véritables intentions en matière d'alliances. Il n'y a aucun respect des affinités politiques ou idéologiques. Les négociations sont libres et les sections locales peuvent faire des pactes personnalisés selon la situation. Ainsi, l'on assiste à des partis de gauche qui s'allient à ceux de la droite contre des partis faisant partie de la famille socialiste. Aussi, a-t-on constaté que des membres élus négocient avec des candidats à la présidence en dehors de leur formation politique ou une direction centrale d'un parti qui décide de présenter un candidat alors que tous les élus de sa formation s'opposent à ce choix. Une ambiguïté qui profite à un seul parti qui mène son jeu politique d'une manière disciplinée faisant prévaloir l'intérêt du parti avant tout autre calcul individuel. Il s'agit du PJD qui est en train de profiter de cette situation pour s'imposer discrètement et efficacement en tant que force politique locale dans sept des huit villes concernées. Seule la ville d'Agadir a échappé à cette règle. À Tétouan, Kénitra, Safi, Témara, Taza, Meknès et Oujda, le PJD est devenu un passage obligé pour tous ceux qui aspirent à la présidence. Le respect par ses élus des consignes de vote données par leur direction centrale a fait en sorte qu'ils soient des interlocuteurs crédibles au moment de négocier les alliances. N'exigeant généralement qu'une ou deux vice-présidences, ils s'assurent une place au sein des bureaux sans bousculer les choses et sans passer au premier plan. Une stratégie qui risque de conférer une connotation islamiste à certains conseils communaux des principales villes du Royaume. Enfin, la leçon que l'on peut dégager de cette étape des tractations politiques est que notre politique locale est encore dominée par des affinités personnelles et des calculs politiques individuels que par des convictions politiques.