Europe, USA et Japon La reprise économique se confirme aux USA et au Japon.En revanche, la croissance est toujours en berne en Europe. La forte appréciation de l'euro depuis le début de l'année a profité à l'économie américaine,mais a plombé la croissance européenne. Le redémarrage des Etats-Unis, malgré le redressement du dollar, et du Japon n'a pas fait reculer le chômage. En outre, les cours du pétrole restent toujours à des niveaux élevés. Le dogme de la monnaie forte aura vécu. Jusqu'à il y a deux ans, la force d'une monnaie était considérée comme le symbole de la puissance et de la bonne santé économiques, un rempart contre l'inflation et un facteur déterminant pour attirer les capitaux étrangers. Le ralentissement économique et la maîtrise des prix ont changé la donne. Actuellement, aucune puissance économique mondiale -pays ou groupe de pays- ne souhaite voir sa devise s'apprécier. Bien au contraire, la torpeur économique aidant, chacun voudrait laisser sa monnaie baisser dans l'espoir de donner un coup de fouet à ses exportations pour stimuler la croissance. Dans le contexte actuel, le change est le seul volet de la politique économique qui offre encore une certaine latitude aux différents gouvernements. Car, les marges de manœuvre en matière budgétaire et monétaire ont considérablement rétréci. Les déficits budgétaires n'épargnent aucune puissance et sont beaucoup plus élevés au Japon et aux Etats-Unis qu'en Allemagne et en France. La première puissance économique mondiale affichera en 2003 un déficit de 455 milliards $ (4,6% du PIB) selon la Maison Blanche elle-même. Et encore, comme le souligne ironiquement le très sérieux The Economist (8 août) : "les comptes du gouvernement américain sont aussi fiables que ceux d'Enron", société américaine de courtage en électricité rendue célèbre par la manipulation des comptes et acculée à la faillite, après un énorme scandale qui a ébranlé les marchés. Quant au déficit budgétaire japonais, il atteint 7,7 %, associé à une dette publique de 140 % du PIB. Malgré les contraintes du pacte de stabilité, l'Allemagne et la France s'attendent cette année à un déficit budgétaire de 3,6%, dépassant les 3 % autorisés par le traité de Maastricht. Baisse de l'euro En matière monétaire, les taux d'intérêt sont pratiquement partout à des niveaux historiquement bas : 1 % aux USA, 2 % dans la zone euro et voisins de 0 % au Japon. C'est dire que l'instrument monétaire offre de moins en moins de possibilités d'agir sur la conjoncture, à l'exception toutefois de la BCE (Banque centrale européenne) qui dispose encore d'une légère marge pour procéder à l'abaissement de son taux directeur pour la zone euro, sous réserve que la hausse des prix reste modérée. Dans ce contexte international marqué par la course à la croissance, le taux de change reste la seule arme susceptible de redresser ces économies, grandes exportatrices. L'appréciation de l'euro de 30 % vis-à-vis du dollar en un peu plus d'un an a largement profité à l'Amérique et a plombé la croissance européenne. Malgré la glissade de la monnaie unique, après son pic historique de 1,1933 $, le 29 mai, elle reste à un niveau d'environ 14 % plus élevé qu'il y a un an face au bille vert. Ce cours de l'euro pénalise fortement les exportations européennes, en particulier celles de l'Allemagne, première économie de la zone et également premier exportateur. La baisse actuelle de la devise européenne s'explique en grande partie par la différence des perspectives de croissance meilleures aux USA qu'en Europe. En effet, motivés par les signes d'une reprise rapide et plus forte de l'activité outre-Atlantique, les investisseurs européens achètent des actifs américains. Le PIB américain a progressé de 0,6 % au deuxième trimestre, soit 3,1% en rythme annuel, selon les statistiques du Département américain du commerce. A l'inverse, en Europe, le tableau est plus sombre. Trois pays de la zone euro (Allemagne, Italie et Pays-Bas) ont déjà plongé dans la récession, définie techniquement par deux trimestres consécutifs de baisse de croissance. De son côté, la France se trouve également au bord de la récession. Après une progression de 0,3 % au premier trimestre, le PIB a régressé de 0,3 % au second trimestre, et on ne table au mieux que sur une croissance de 0,8 % pour l'ensemble de l'année. Un autre élément imprévu risque de jouer en défaveur de la conjoncture européenne et de sa monnaie. Il s'agit des effets négatifs de la canicule et de la sécheresse, dont on n'a pas encore évalué les répercussions sur les budgets nationaux (aides aux agriculteurs sinistrés notamment) et sur les prix. Si l'inflation demeure contenue pour le moment, rien ne garantit que les prix ne repartiront pas à la hausse. Ce qui risque de réduire la marge de manœuvre de la BCE pour abaisser ses taux si la reprise tarde à se dessiner, car l'Institut monétaire européen est avant tout garant de la stabilité des prix. Cette croissance européenne en berne contraste donc avec la reprise américaine, mais également avec le dynamisme retrouvé du Japon. En effet, après douze ans de stagnation, l'économie nipponne a renoué avec la croissance. Le PIB a progressé, comme aux USA, de 0,6% au second trimestre, soit 2,1 % sur douze mois. Au total, le taux de croissance des Etats-Unis et du Japon en un trimestre équivaut à celui de l'Europe sur une année. Le pire c'est que le dynamisme retrouvé des deux premières économies mondiales ne profite pas à l'Union européenne. Cela provient probablement du fait que l'euro reste à un niveau élevé par rapport au dollar et au yen. On est encore loin de connaître des parités euro/dollar et euro/yen favorables aux exportations européennes, un des principaux moteurs de la croissance. Le deuxième facteur qui a participé à la hausse du billet vert réside dans les achats massifs de dollars par les Banques centrales asiatiques, soucieuses de maintenir leurs devises à des cours assurant la compétitivité de leurs économies. Au Japon, par exemple, les réserves de change ont augmenté de près de 20 % depuis le début de l'année. A court terme, la baisse de l'euro devrait se poursuivre selon les analystes et les investisseurs qui continuent d'acheter des dollars. Selon certains prévisionnistes, la poursuite de cet effritement devrait conduire la devise européenne jusqu'à 1 euro pour un dollar, contre 1,085 $ actuellement. En tout cas, quelle qu'en soit la durée, ce repli de l'euro est perçu comme une bonne nouvelle par la plupart des opérateurs européens. Il devrait soulager en partie les grands exportateurs de la zone dont les comptes ont été très affectés par un taux de change défavorable qui réduit leur compétitivité. Même les grands groupes industriels implantés aux USA ont vu également leurs comptes affaiblis lors du rapatriement des profits de leurs filiales américaines. Menaces sur le dollar Le redressement du dollar devrait donc avoir des effets favorables sur l'économie européenne qui peut espérer une reprise dès la fin de cette année, ou au plus tard au début de l'année prochaine. Mais, les analystes estiment que le dollar sera bientôt sous pression et devrait être à nouveau orienté à la baisse. Une menace plane en effet sur le billet vert. Il s'agit des "déficits jumeaux" de la balance des paiements (5,3 % du PIB) et du budget (4,6 %). Si aucun effort n'est fourni pour tenter de remédier à ces déséquilibres, la situation risque de devenir intenable. Pour en sortir, le billet vert doit baisser pour faire face aux besoins considérables de capitaux étrangers pour éponger les déficits. A moins que les autorités américaines prennent rapidement conscience des dangers d'un dollar fort et interviennent pour l'affaiblir. Surtout que l'on est à la veille de l'élection présidentielle où tout se joue, l'histoire l'a prouvé, sur l'économique. Malgré la reprise confirmée aux USA et au Japon, le chômage n'a pas baissé. Les taux de chômage demeurent élevés et pratiquement au même niveau qu'avant le redémarrage de ces deux économies : respectivement 6,2 % et 5,3 %, car les entreprises ne créent pas assez d'emplois pour faire reculer le chômage. Ce qui reflète les incertitudes qui continuent de peser sur la croissance. En Europe le chômage continue de monter et les taux atteignent actuellement 9,5 % en France et 10,6 % en Allemagne. Et l'on s'attend même à une aggravation du phénomène au cours des mois à venir, le rebond économique tardant à intervenir. Autre élément en défaveur de la conjoncture mondiale et qui rend la reprise moins rapide ou qui l'empêche de se dessiner : la facture pétrolière. Les cours du pétrole restent en effet à des niveaux élevés. On avait escompté une baisse importante des prix après la fin de la guerre contre l'Irak avec le retour du brut de ce pays sur le marché. Or, l'insécurité et le sabotage des oléoducs irakiens ont réduit cet espoir à néant. Le prix du brent fluctue actuellement dans une fourchette comprise entre 28 $ et 30 $ le baril. Il y a peu de chance pour que les cours redescendent à court terme à des niveaux inférieurs à la bande supérieure de la fourchette de l'OPEP (28 $). Les tensions politiques au Venezuela et les conflits ethniques au Nigeria maintiennent la pression sur un marché déjà tendu par l'absence du pétrole irakien. A cela s'ajoute le fait que les pays membres de l'OPEP sont peu disposés à augmenter leur production, d'autant plus que celle-ci est déjà supérieure au niveau officiel annoncé. Il semble dès lors raisonnable de parier sur une poursuite de la tendance actuelle qui sera de surcroît renforcée par la demande supplémentaire née de la crise énergétique en Europe ainsi que par celle provoquée par la reconstitution des stocks à la veille de l'hiver.