Après la chute de Saddam Hussein L'idéologie du Baâs irakien a disparu avec la chute du régime. Mais l'Irak connaîtra certainement une forte progression de l'idéologie religieuse incarnée par les Chiites. C'est alors que ce pays et peut-être le monde arabe entreront dans une nouvelle phase. Quand la création de l'Etat d'Israël fut proclamée en 1948, la région proche-orientale devait connaître la naissance de l'idéologie panarabe du moins dans sa version nassérienne. Ensuite et au cours de l'agression tripartite contre l'Egypte en 1956, cette idéologie s'est beaucoup raffermie. Or, ce n'était plus le cas après la défaite de 1967 qui a provoqué la naissance de l'Islamisme. Depuis lors, le monde arabe a été ballotté entre les deux idéologies. Qu'en est-il aujourd'hui après la chute du régime baâssiste de Saddam Hussein et quelle place pour ces deux idéologies dans l'avenir ? L'Irak et le panarabisme baâssiste Les tenants de l'idéologie nationaliste arabe ont créé deux courants distincts. Il y a d'abord le courant nassérien qui a prévalu en Egypte de 1954 à 1970 et qui a eu comme prolongement la montée de Moammar Kadhafi en Libye en 1969. Et il y a le courant baâssiste qui prévalait en Irak et en Syrie depuis le début des années soixante. Les fondements du Baâssisme ont été jetés par Michel Aflak, dès les années quarante, et énoncés dans un ouvrage de référence intitulé « Pour le Baâth» (Fi Sabil Al Baâth». Cette idéologie se voulait une réponse à toutes les idées qui ne croyaient pas en l'unité arabe. C'est pourquoi, les Syriens et les Irakiens ont tout essayé pour créer des partis baâssistes dans les autres pays arabes. En Irak, le parti Baâs a conquis le pouvoir en 1963. Et la première tâche à laquelle il s'attela fut de liquider le courant communiste en assassinant plus de 800 cadres du parti communiste irakien. En 1968, lorsque Ahmed Hassan Al Bakr prit les rênes du pouvoir, il désigna son neveu Saddam Hussein comme vice-président. Celui-ci ne tarda pas à encourager le clanisme non seulement au sein du parti mais dans tous les rouages de l'Etat. Ainsi, il put mener en douceur un coup d'Etat contre Al Bakr et s'empara du pouvoir en 1979. Tentant de dissimuler le caractère claniste ( de Tikrit ) de son régime, Saddam a employé à fond l'idéologie nationaliste arabe pour contrecarrer le régime islamique d'Iran qui était tenté par l'exportation de sa révolution. Et montrer qu'il était le défenseur de la nation arabe contre l'expansionnisme perse. Après huit ans de guerre, Saddam dut se rendre à l'évidence qu'il avait joué la mauvaise carte. L'Irak et l'idéologie religieuse En 1979, Saddam Hussein avait deux raisons majeures de vouloir s'emparer du pouvoir. Il y avait, d'une part la révolution islamique d'Iran et d'autre part, le soulèvement des Chiites de Najaf et Karbala en juin de la même année. Donc, depuis le premier jour de son règne, Saddam se trouvait confronté à l'idéologie religieuse et à ses symboles. D'ailleurs, l'Ayatollah Khomeiny n'hésita point à le qualifier de mécréant et appela à sa destitution. De même que certains leaders chiites irakiens ont qualifié le régime baâssiste d'athée et appelaient à ne pas collaborer avec lui. Ainsi, plusieurs groupes commençaient à s'activer dans ce sens, tels Jamaât Addaâwa ou Jamaât Al Moujahidine. D'autre part, certains leaders chiites, tels Mohamed Baker Al Hakim, ont trouvé refuge en Iran et y ont constitué le Haut conseil de la révolution islamique. La réaction de Saddam Hussein ne tarda pas à s'exprimer, notamment en pourchassant sans relâche ses opposants chiites. Il dut même condamner à mort en 1980 l'une des figures de proue du chiisme irakien qui n'était autre que Mohamed Baker Assadr. Ensuite, il déclara la guerre à l'Iran le 4 septembre 1980. Mais depuis lors et jusqu'à l'invasion du Koweït en 1990, l'idéologie religieuse s'était répandue dans toute la région et dans le monde arabe. Le pouvoir des Ayatollahs en Iran s'était stabilisé; les islamistes avaient pu assassiner Anouar Sadate coupable d'avoir signé la paix avec Israël; les Moujahidines afghans ont réussi à chasser l'Union soviétique en 1989; les islamistes soudanais ont conquis le pouvoir en 1989 et les islamistes algériens du FIS ont réussi à rafler la mise lors des élections communales de 1991. Tous ces indices ont démontré que l'idéologie religieuse était capable de mobiliser les masses. C'est pour cela que Saddam Hussein avait opté pour l'instrumentalisation de la religion lors de la deuxième guerre du Golfe en 1991, notamment en décidant d'apposer le slogan «Allah Akbar» sur le drapeau irakien. Bien plus, le discours officiel irakien commençait à s'inspirer largement de la religion et le régime avait durci les actions puritaines notamment contre la consommation de l'alcool et contre la prostitution. La fin d'une étape ou la fin de l'idéologie ? La chute de Saddam Hussein signifie la fin d'une étape. Mais constitue-t-elle pour autant la fin des idéologies nationaliste et religieuse? Il est aisé de dire que l'idéologie nationaliste arabe dans sa version baâssiste irakienne est déchue. Ainsi, toutes les structures politiques s'y rapportant, notamment celles du parti Baâs sont appelées à disparaître. D'ailleurs, cela est une recommandation issue de la réunion de Nassiriyah organisée par l'opposition irakienne sous l'égide des Etats-Unis le 15 avril dernier. Cependant, les idéologies ne disparaissent pas par un trait de plume. Elles ne peuvent survivre que si elles ne sont plus capables de mobiliser les foules. Celles-ci sont de plus en plus convaincues de la faillite de tous les régimes nationalistes que ce soit en Irak, en Syrie, en Egypte ou ailleurs où la démocratie a été bafouée et où le pouvoir personnel avait pris le dessus. En plus, l'idéologie nationaliste arabe en Irak n'a pas pu et ne pouvait jamais consacrer l'unité nationale du fait de l'existence d'autres minorités telles les Kurdes et les Turkmènes. En revanche, l'idéologie religieuse est appelée à connaître la renaissance, mais selon des formules qui diffèrent du «pragmatisme religieux» de Saddam Hussein. Cette renaissance sera encouragée par l'existence de forts courants en Iran des Ayatollahs, en Arabie saoudite où règne le Wahhabisme et en Turquie où le PJD a magistralement conquis le pouvoir. Sur le plan interne, le pluralisme en Irak donnera une place de choix aux Chiites qui constituent 60 % de la population. Or, ces Chiites sont connus pour être très actifs au sein de la société irakienne. D'ailleurs, cela est apparu amplement après la chute du régime et la prise de Baghdad quand les mosquées et les activistes religieux ont commencé à jouer un rôle prépondérant pour la sauvegarde de la sécurité des biens et des personnes.