En politique, la mémoire est aussi une arme de combat. La mémoire est toujours aux ordres du coeur. Mais également, aux urnes. Au Maroc, la mémoire ne finit jamais de revenir. Surtout à quelques encablures des élections. Depuis trois semaines, le passé remonte comme un cadavre à la surface de la scène politique nationale. Et ce sont deux partis alliés qui en découdent sur cinquante ans de l'indépendance : l'USFP et l'Istiqlal. Tout a commencé par un grand pavé jeté dans la mare de l'actualité par Hamid Chabat. Tout à son habitude, le maire de Fès a tiré à boulets rouges sur l'une des figures emblématiques de l'USFP, Mehdi Benbarka. Père fondateur du parti socialiste et grand nationaliste, Mehdi Benbarka, enlevé et assassiné en 1965 a été accusé de tous les maux par le chef de file des syndicalistes de l'UGTM, inféodée au PI de Abbas El Fassi. Celui que le protectorat qualifiait d'ennemi numéro 1 de la France est criblé de chefs d'inculpation d'une grave portée. Un tollé ! Développement Il y a eu d'abord les escarmouches médiatiques qui n'ont duré que le temps d'une rose. Puis, le parti socialiste a demandé des explications à la direction du frère ennemi : « Abbas a regretté les propos de Chabat et a promis un communiqué pour clarifier sa position » a noté un membre du Bureau politique. Et d'ajouter : « il parait qu'on va attendre longtemps » ! Ensuite, vient l'intervention de Mohamed El Yazghi au Conseil du gouvernement. L'ancien Premier secrétaire du parti de la rose et non moins ministre d'Etat sans portefeuille au gouvernement El Fassi. Il demande entre autres, le devoir «de faire la lumière sur la vérité de la disparition forcée de Mehdi Benbarka». De la part « de la France, des responsables encore en vie qui ont un rapport avec l'affaire, surtout ». Ce que l'on croyait être un écart d'un syndicaliste à l'esprit chauffé, devient une question politique de grande portée. Et pour cause : Chabat revient à la charge et embarque la direction du Parti dans un mémorial du alim Bendriss assassiné au début de l'indépendance. Communauté Selon un membre du Bureau politique de l'USFP, le « message était clair : ce que le maire de Fès crie sur tous les toits, y compris celui de la chaîne satellitaire Al Jazeera, est partagé par ses camarades de la direction » ! Autrement, les deux frères ennemis sont réellement en guerre. Ils ne se l'avouent pas encore. Motif : ils tentent de mener ensemble une initiative politique commune, et tiennent pour cela des réunions régulières. Ce qui ne va pas survivre aux remous Chabatiens : les socialistes ont décidé de faire cavaliers seuls et soumettre le mémorandum de réforme au Souverain. Avant les élections, et contrairement à ce que voulait le PI. Le divorce est-il consumé ? Le temps de terminer les formalités ! Les élections prochaines ne manqueraient pas de changer la donne radicalement. Une entrée, après le 12 juin à reculons !