Parce qu'il tient un secteur qui peut prendre en otage l'économie, le lobby des transporteurs fait échec à toute volonté de lutter contre la délinquance routière En démocratie, il est naturel que le gouvernement négocie avec un secteur et qu'il fasse des concessions en fonction des rapports des forces. Seulement comme le disait Raffarin, l'ex-premier ministre Français : « Il ne faut pas que la rue gouverne ». La grève des transports est terminée pour les uns, maintenue pour les autres. Le mot d'ordre avait été lancé par plus d'une dizaine d'organisations syndicales et d'associations professionnelles. Elle visait le retrait du projet de loi sur le code de la route. Ce projet, combattu avec force par les transporteurs, en est à sa énième mouture. Il a fait l'objet d'âpres négociations ces trois dernières années, car il est sur la table depuis la législature 2002-2007. A chaque fois, le gouvernement a assoupli les sanctions prévues, tout en tentant de sauvegarder un corpus répressif assez dissuasif. Car ce nouveau code en gestation ne vise rien d'autre que la limitation des entorses faites au code de la route et de facto, le nombre des accidents et des morts. Pourquoi les professionnels de la route se mobilisent-ils avec une telle violence ? L'explication est donnée par les chiffres officiels. Ces gens, dont le métier est de rouler, sont responsables de près du quart des accidents, surtout les plus meurtriers. C'est dire si leur comportement au volant est rassurant. Ils ont un argumentaire ahurissant. Puisqu'ils conduisent plus souvent et plus longtemps que le citoyen de base, ils sont plus exposés aux fautes. Premier argument spécieux, puisque la faute n'est pas une fatalité. Ensuite, la sévérité entraînerait l'aggravation de la corruption, est un autre argument avancé. Enfin, et c'est le plus risible «l'Etat des routes ne permet pas le respect du code». Erreur de communication. Dans un vrai débat public, médiatisé de manière claire et responsable, cet argumentaire n'aurait eu aucune chance de tenir. Parce qu'en face, il y a la réalité de l'hécatombe sur les routes marocaines, du coût social et matériel de cette guerre qui fait plus de morts que celle d'Irak. Mais ce débat-là n'a pu être mené. Il a été remplacé par celui sur les désagréments causés à la population, mis au passif du gouvernement et de son projet de code. La grève a effectivement asphyxié les transports et engendré une augmentation des prix, confortée par une psychose. Lundi à Casablanca, tous les automobilistes faisaient le plein, par crainte d'une pénurie… qu'ils ont fini par créer. Dans cette grève, des libertés fondamentales ont été bafouées. Celle du travail d'abord puisque les grévistes cassaient les véhicules de ceux qui n'ont pas suivi le mouvement et celle de libre circulation des individus. Les voyageurs ont été obligés de se rabattre sur les «Harragas», les transporteurs au noir. L'Etat n'a pas fermement réagi dans les deux cas. Si les coupables d'exaction, arrêtés en flagrant délit, avaient été jugés séance tenante, cela aurait calmé les ardeurs, et surtout affermi l'état de droit, qui ne peut tolérer ce western. On aurait pu, aussi, retirer les agréments des transporteurs grévistes qui refusent d'assurer un service minimum par liaison. Le gouvernement a tenté de calmer les esprits, d'une manière qui prend des libertés avec la constitution. Ce n'est pas au président de l'une des deux Chambres d'arrêter la discussion d'un projet de loi, seule la Chambre, en séance plénière peut le faire. Passons sur ce détail et posons la question essentielle, comment faire pour sécuriser nos routes sans un code dissuasif ? Comment lutter contre l'alcool au volant, sans même la possibilité d'alcotest ? La prévention par les spots publicitaires, existe depuis 40 ans et le nombre de tués ne fait qu'augmenter. Parce qu'il tient un secteur qui peut prendre en otage l'économie, le lobby des transporteurs fait échec à toute volonté de lutter contre la délinquance routière. Casser ce lobby est probablement la condition de la réussite de tout plan visant à sauver la vie des usagers de la route. Fédération du Transport de la CGEM « Sur instructions du président de la Confédération Générale des Entreprises du Maroc, M. Moulay Hafid Elalamy, la Fédération du Transport de la CGEM est intervenue à plusieurs niveaux pour que cesse le mouvement de grève dans le transport routier. Ainsi, La Fédération du Transport informe l'opinion publique que les entreprises de transport routier ont repris, ce mercredi 15 Avril 2009, les opérations du transport à travers le territoire national ainsi que dans les ports. Cette reprise du transport routier a été possible grâce aux efforts conjugués déployés par les autorités publiques et la CGEM, en collaboration avec la Fédération du Transport, pour garantir la liberté du travail et la sécurité des conducteurs et des véhicules, ainsi que celle des marchandises transportées ». Abdelmalek Radi, Président de la Fédération Transport Ports du Maroc (FTPM) «Cette grève est légitime parce que les professionnels les plus représentatifs » «Cette grève est justifiée parce que le dialogue a été contourné par les pouvoirs publics privilégiant les négociations sur les amendements du code de la route des organisations fantoches créées à cette fin, à l'instar de la FGTRPortuaire alors que les discussions devaient avoir lieu avec la FTPM. Le ministre de Tutelle a préféré avantager des interlocuteurs non représentatifs. Depuis lundi 13 avril, nous sommes en grève à 100% de nos effectifs et le port de Casablanca est paralysé. Le gouvernement a reproduit les mêmes erreurs que par le passé, en menant des concertations avec des acteurs parachutés et diligentés par l'entourage du ministre. La réunion à la primature du lundi dernier n'a pas abouti à un terrain d'entente et les syndicats et associations professionnelles poursuivent leur grève jusqu'à l'annulation pure et simple du projet de Loi de la circulation routière. Quelques syndicats et organisations professionnelles, surtout de taxis, ont suspendu leur mot de grève. Mais la grande majorité, surtout les poids lourds et autocaristes, continuent le mouvement. Nous exigeons la suppression des peines privatives de liberté sauf en ce qui concerne les cas graves d'accidents mortels provoqués pour les motifs d'état d'ivresse avancée, de non-respect des arrêts obligatoires, d'excès de vitesse ou de circulation en sens interdit. D'ailleurs, même les peines d'emprisonnement prévues dans le code pénal ne sont jamais appliquées. En fait, nous n'avons pas de problème avec le code proprement dit, mais avec la personne du ministre Karim Ghellab. S'il nous avait associé aux discussions, cette grève n'aurait jamais eu lieu». ont été écartés des concertations»